perfusion trail
La perfusion, c’est bon pour la santé. Et je le prouve. Parce que j’ai lu l’autre jour sur Linkedin le récit de course d’une athlète qui avait refusé une perfusion sur le Marathon Des Sables et avait fini à plat dans une dune le lendemain (DNF donc), je me suis dit qu’il fallait revenir sur la question de la perfusion en course, ou après course.
Je connais bien le sujet : j’en ai eu deux au MDS (en pleine une étape un jour, un soir au bivouac aussi), et au moins deux autres en triathlon sur Ironman et à l’Embrunman (là c’est passé la ligne d’arrivée par contre).
Par Gaël Dutigny, 10 fois finisher du MDS, 2 fois finisher de l’Embrunman et de 15 autres triathlons distance Ironman.
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Sortir de ta zone de confort signifie maltraiter ton corps et ton esprit.
La philosophie de la perfusion en trail
À partir du moment où tu vas chercher à repousser tes limites dans le sport (ou dans la vie), tu vas forcément sortir de ta zone de confort et donc devoir maltraiter ton corps et ton esprit. C’est inévitable. Tu ne dépasseras jamais tes limites sans te faire mal, au sens propre du terme, et donc sans un certain niveau d’inconfort. Après, la tolérance à l’inconfort physique et mental, la tolérance à la douleur même, c’est une affaire personnelle, un choix qui ne regarde que toi. Certes Nick Bollettieri disait : “Champions find a way to make it happen”*. Si tu ne sais pas qui est Nick Bollettieri, vas sur Google te cultiver. Seulement tout le monde ne veut pas être champion. Et c’est très bien comme ça. C’est beau d’être un champion. C’est tout aussi beau de faire autre chose dans la vie.
Savoir jusqu’où tu es prêt à aller pour obtenir ce que tu veux.
Le plus difficile et le plus important dans une épreuve de course à pied qui va te challenger, comme un bon gros ultra qui va te demander un effort rare, type Marathon Des Sables, UTMB, Grand Raid de la Réunion, c’est non seulement de savoir ce que tu veux mais aussi de savoir jusqu’où tu es prêt à aller pour obtenir ce que tu veux. C’est la clé. À mon avis, c’est pareil dans la vie : si tu ne sais pas où tu vas, bon courage pour arriver où tu veux.
La différence entre un DNF et une finish line, parfois, se résume à cette question : comment vas-tu faire face à l’imprévu ?
C’est la définition même de l’aventure : rien n’est écrit. Alors parfois, cet imprévu, sur un Marathon Des Sables ou toute autre courses au long cours sous un soleil brûlant, dans un pays chaud, c’est une déshydratation, des symptômes qui nécessitent une intervention des médecins. L’histoire que je raconte dans la vidéo ci-dessous parle de ces cas où tu ne peux plus t’en sortir tout seul, où tu dois absolument te faire aider par un médecin.
Mon point de vue sur la question est simple : à partir du moment où tu restes dans les règles de la course, c’est à dire que le médecin en question t’autorise à continuer, la seule chose qui t’empêchera de poursuivre ton effort c’est toi, ton caractère, ta personnalité, éventuellement ton histoire. Cela revient donc à faire un choix, personnel. Tu vas décider toi-même de continuer la course – peut-être avec cette perfusion pour lutter contre ta déshydratation – ou d’arrêter la course. C’est ton ressenti qui compte, tes capacités, ton envie, tes peurs, ta tolérance à l’inconfort, à la douleur éventuellement, ta réaction naturelle face à cet imprévu. Tu es ce champion dont parle Nick Bollettieri, ou tu ne l’es pas. Tu es seul face à tes limites. C’est un choix qui t’appartient et personne ne peut se mettre à ta place. Mais c’est aussi précisément à ce moment-là que se fait la différence entre quelqu’un qui va trouver une excuse pour abandonner – dans ce cas refuser la perfusion – et quelqu’un qui va serrer les dents et continuer d’avancer, même si ça fait mal, même si c’est dur, même si ce n’est plus drôle du tout, même si ça fait peur et qu’on a plus aucune garanties sur rien.
C’est pourquoi se faire perfuser sur une course qui l’autorise n’est pas rédhibitoire.
Au contraire ! Se faire perfuser pour être réhydraté plus rapidement en pleine course, à partir du moment où c’est fait sous surveillance médicale et reste dans les règles de ton épreuve, c’est quelque chose qu’il faut à mon avis avoir le courage d’embrasser. Bien sûr que ça fait peur. Mais c’est aussi à ce moment-là que tu vas repousser tes limites. C’est à ce moment-là que tu vas faire preuve de détermination. Les écoles commando poussent les gens dans l’inconfort, l’eau froide, la fatigue, parce qu’elles veulent faire le tri entre ceux qui lâchent, parce que c’est trop dur pour eux, et ceux qui continuent, coûte que coûte, jusqu’à la “finish line”. Tout le monde ne veut pas vraiment être commando. Tout le monde ne veut pas vraiment aller chercher plus loin que prévu pour terminer une course d’ultra très difficile. Je ne porte pas de jugement de valeur, ou moral. Je dis juste que certains sont faits pour ça, s’en donnent les moyens, sont prêt à tout, tandis que d’autres non.
Vous connaissez David Goggins ?
Vous connaissez peut-être l’histoire de David Goggins, cet ancien militaire américain qui passe plus jeune pour la troisième fois les tests de sélection des commandos marine (Navy Seals) avec une fracture de fatigue, le pied et la chaussette enroulés dans du ruban adhésif pour stabiliser sa cheville. Il finira par être accepté. C’est extrême, et puis l’ultra running ce n’est pas la guerre bien sûr, mais vous voyez l’esprit qu’il est nécessaire d’adopter si on veut se dépasser. Chacun ses choix, ses désirs, ses ambitions, ses limites. Mais la différence entre une finish line et un abandon tient parfois à une perfusion, à un moment plus inconfortable qu’un autre, à une action jugée extrême et trop difficile pour certains, mais acceptable pour d’autres. Il faut juste avoir l’honnêteté de le reconnaître.
C’est aussi pour ça qu’on devrait tous être fan de Jim Walmsley.
Jim c’est le mec qui a bien galéré avant de remporter ses WS100 et son UTMB. Mais contrairement à presque tous ses compatriotes qui sont passés se prendre des roustes et des râclés à répétition à Chamonix, Jim est toujours revenu. Il a persévéré. Il n’a jamais abandonné. On peut être fan de Jim Walmsley pour ses chronos de fusées SpaceX, mais moi je suis fan du mec parce qu’il n’abandonne jamais. Alors non, Jim ne s’est certes pas fait perfuser, mais c’est la même idée : ne pas bâcher. Jamais. Serrer les dents. Toujours.
* Les champions trouvent toujours un moyen d’y arriver.
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crédit photo : utrail