L’hypoglycémie en compétition de trail
La vraie hypoglycémie est assez peu fréquente en ultra trail. Ne serait-ce que parce que les pratiquants de ce genres de distances sont rarement des novices et qu’ils n’en sont souvent pas à leur premier coup d’essai. Ce qui est plus courant en réalité, c’est la glucopénie. Véritable gageure lorsqu’elle survient, tant il est compliqué de s’en remettre dans l’immédiateté d’une épreuve.
Hypoglycémie / Glucopénie quelle(s) différence(s)?
L’hypoglycémie est une baisse progressive du taux de sucre dans le sang ou glycémie (normalement autour de 1,10g/l). Jusqu’à un niveau (env. 0,60g/l), qui ne permet plus d’approvisionner les organes vitaux et tissus irrigués. Certains sont fortement dépendants au sucre sanguin, comme par exemple le cerveau et les hématies (globules rouges). Les fonctions essentielles peuvent être affectées (vue, réflexion…), jusqu’au malaise. Un resucrage immédiat sera d’autant plus efficace qu’il aura été pris à temps. Et d’autant plus durable qu’il aura été composé, en plus des sucres à action immédiate (sucres rapides : jus de pomme, pâte de fruits…), de sucres à action différée (sucres lents : pain, biscottes, petits beurres…).
L’hypoglycémie et la glucopénie sont tous deux des états de l’organisme. A la différence de l’hypoglycémie, la glucopénie ne s’intéresse pas à la réserve sanguine de sucre, mais à la réserve cellulaire de sucre (le glycogène). La glucopénie désigne une pénurie du stock de sucre dans les cellules fonctionnelles de nos tissus (et notamment celles de nos muscles). Si la cellule n’a plus de sucre, elle ne peut plus fonctionner de façon optimale. Car il lui faut un certain laps de temps pour en fabriquer du nouveau à partir des substrats disponibles dans l’organisme (à défaut de sucre, ce sont les graisses corporelles et les protéines qui sont oxydées), sinon c’est la panne sèche. Voilà pourquoi il est beaucoup plus long de résorber une glucopénie. Car les stocks énergétiques cellulaires ne se réforment pas d’un claquement de doigts.
Comment distinguer une glucopénie?
Dans un état de glucopénie, les cellules musculaires n’ont plus de fuel. Concrètement “vous n’avez plus de jus”. Vous aurez beau vous ravitailler, ralentir le rythme, alterner marche-course, vous serez tributaire du “temps métabolique”. C’est-à-dire du délai que mettent vos cellules pour reformer leur stock, tout en tenant compte du fait que vous continuez à le brûler, puisque votre activité se prolonge. La glucopénie est bien plus fréquente en ultra trail, car elle dépend surtout de ce que vous avez mangé avant l’épreuve; alors que l’hypoglycémie dépend surtout de ce que vous avez mangé durant l’épreuve. Et chez les ultra traileurs, les erreurs se situent le plus souvent dans la première partie (l’avant) que dans la deuxième (le pendant). Quant à ceux (celles) qui cumulent les 2 erreurs, ils (elles) les commettent rarement deux fois, tant l’expérience peut s’avérer douloureuse.
Comment éviter la glucopénie en compétition?
Pour éviter la glucopénie en compétition, la stratégie est en cinq points indissociables :
1 – j’optimise ma réserve de glycogène tissulaire (glycogène dans les muscles et les organes), grâce à un vrai régime hyperglucidique avant la compétition (de type dissocié scandinave ou hyperglucidique simple), sans demi-mesure.
2 – je m’alimente régulièrement, dès le début de l’épreuve et tout au long de celle-ci, de façon diversifiée (sucres, graisses, protéines), pour épargner le plus longtemps possible mon précieux stock de glycogène tissulaire. Car ce stock est très rapidement épuisable et me rend peu autonome à l’échelle d’une épreuve d’ultra distance.
3 – j’améliore mes capacités oxydatives à l’entraînement, c’est-à-dire la capacité de mon organisme à utiliser efficacement d’autres substrats que le sucre, notamment les graisses corporelles. Ceci contribue à une meilleure épargne de mon stock de glycogène et une plus grande capacité à le renouveler en temps réel, à partir des différents substrats disponibles dans l’organisme
4 – j’optimise ma réserve de triglycérides intramusculaires (graisses dans les muscles et organes), grâce à un repas gras avant la compétition. Afin de constituer une vraie réserve alternative à la réserve de glycogène dans le muscle et ainsi contribuer à son épargne.
5 – je m’entraîne en adéquation avec l’épreuve visée, de manière à répondre efficacement à ses exigences. Je fais fonctionner mes différentes filières énergétiques en conditions réelles (ex: entraînement à jeun, sortie longue…) et je force les capacités d’adaptation des tissus sollicités (muscles) pour orienter leurs caractéristiques (ex : rando course, fartlek…)
Bien sûr les athlètes expérimentés appliquent déjà cette stratégie en 5 points de manière intuitive, en privilégiant, en fonction des individualités, l’un ou l’autre de ces compartiments, mais sans jamais en négliger un. La préparation nutritionnelle, tout au long de l’année, avec un spécialiste de la nutrition permet, pour les athlètes qui le souhaitent, d’approfondir ces différents points.
Comment éviter l’hypoglycémie en compétition?
Pour éviter l’hypoglycémie en compétition, la stratégie est en cinq points indissociables :
1 – j’évite de me retrouver en situation de glucopénie. Car c’est la voie royale vers l’hypoglycémie. Donc je vérifie que j’ai bien appliqué les 5 points relatifs à cette problématique (voir paragraphe précédent)
2 – je fais un petit-déjeuner avant l’épreuve, léger ou copieux, liquide ou solide, 1h avant ou 3h avant, peu importe à partir du moment où il y a un petit déjeuner. Celui-ci a pour but de compléter les réserves de glycogène du foie, l’organe garant de la stabilité de la glycémie. Ses réserves se vident la nuit pour alimenter la circulation sanguine durant notre sommeil. Si le foie n’a plus de réserves de sucre il ne peut plus jouer son rôle de régulateur de la glycémie. Et les organes vitaux irrigués par le sang vont commencer à manquer de sucre. A défaut de vrai petit-déjeuner, je fais une collation juste avant de me coucher la veille (gâteau énergétique par ex), que je complète au réveil avec un petit déjeuner léger (1 thé avec du miel et 1 tranche de pain d’épice ou 2 petits beurre par ex) ou liquide (milk-shake énergétique pré-effort)
3 – je m’alimente régulièrement, de façon diversifiée (sucres, graisses, protéines) dès le début de l’épreuve (voir 1h à 30min avant, sous forme de “boisson d’attente” type thé vert, miel, sel), pour épargner le plus longtemps possible mon précieux stock de glycogène hépatique. Car ce stock est très rapidement épuisable et me rend peu autonome à l’échelle d’une épreuve d’ultra distance.
4 – je réduis, dans ma vie et mon alimentation quotidienne, ma dépendance aux sucres (glucodépendance), de manière à réguler mes sécrétions d’insuline (hyperinsulinisme) et habituer mon organisme à utiliser d’autres substrats. Ainsi j’obtiens une glycémie plus stable et je suis moins sujet aux baisses de forme (diminution de la glycémie), fringales et envies compulsives de sucré.
5 – je m’habitue sur les entraînements courts (<1H15) à ne rien consommer à l’exception de l’eau pure (sauf pour les entraînements “tests”). D’une manière générale je m’habitue sur mes entraînements longs à éviter les ravitaillements sucrés (gels, pâtes de fruits…) et je dilue fortement mes boissons énergétiques par rapport aux conditions de course. Je trouve des solutions de ravitaillement alternatives moins sucrées (biscuits secs, galettes fines de kamut…) voire salées (chips, cajou, biscuits TUC, crackers aux graines…) ou protéinées (viande des grisons, emmental…)
Même s’il s’agit de deux états différents, il y a donc une interdépendance entre hypoglycémie et glucopénie. L’une se nourrit de l’autre. Une stratégie nutritionnelle aboutie s’attachera donc à prévenir la survenue de ces deux situations très inconfortables et préjudiciables en terme de performance et de santé. Car les deux laissent des traces sur l’organisme, pouvant être compromettantes sur le long terme.