souffrir en trail
Pourquoi des milliers de traileurs s’inscrivent-ils volontairement à des épreuves où la souffrance est inévitable ?
Les ultra-trails, ces courses en pleine nature qui mettent le corps et l’esprit à rude épreuve, attirent des milliers de passionnés chaque année. Si cette quête peut sembler irrationnelle, elle repose sur des mécanismes psychologiques, biologiques et sociaux bien étudiés. Explorons pourquoi la souffrance devient une forme d’addiction pour ces athlètes hors du commun.
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souffrir en trail, le rôle des endorphines et du système de récompense
Lors d’un effort intense et prolongé comme le trail, le cerveau libère des endorphines, des neuropeptides qui agissent comme des analgésiques naturels. Une étude publiée dans Cognitive, Affective, & Behavioral Neuroscience (Boecker et al., 2008) a démontré que les niveaux d’endorphines augmentent significativement après une activité physique prolongée, entraînant une sensation de bien-être connue sous le nom de “high du runner”.
En parallèle, le système dopaminergique entre en jeu. La dopamine, souvent qualifiée d’”hormone de la motivation”, renforce les comportements liés à l’effort en associant l’effort physique à une récompense émotionnelle. Ce phénomène est amplifié par l’anticipation de l’objectif final, comme franchir une ligne d’arrivée ou atteindre un sommet. Ces mécanismes biochimiques expliquent pourquoi les traileurs peuvent devenir dépendants à la sensation de plaisir qui suit l’effort, même si celui-ci est douloureux.
La souffrance choisie et le concept de “flow”
La souffrance en trail diffère de celle subie dans un contexte accidentel : elle est choisie et contrôlée. Ce phénomène est analysé dans le cadre du concept de “flow”, développé par Mihaly Csikszentmihalyi. Selon lui, le flow est un état de concentration profonde atteint lorsque l’individu se confronte à un défi parfaitement adapté à ses capacités.
En ultra-trail, cet état de flow est particulièrement recherché, car il permet de transcender la douleur physique et mentale. Une étude publiée dans Frontiers in Psychology (Swann et al., 2012) a démontré que les athlètes en quête de flow rapportent une diminution de la perception de la douleur, ce qui les pousse à prolonger l’effort, voire à le rechercher.
L’addiction comportementale : le cas des ultra-trails
La répétition de ces sensations de bien-être peut mener à une forme d’addiction comportementale. Les chercheurs Havervall et al. (2021), dans une étude publiée dans Journal of Behavioral Addictions, ont identifié des similitudes entre l’addiction à l’effort extrême et d’autres comportements addictifs, comme le jeu. Ils ont constaté que certains ultra-traileurs recherchent de plus en plus de défis intenses pour reproduire les sensations fortes ressenties lors de leurs premières courses.
De plus, l’activation continue de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS), qui régule les réponses au stress, peut entraîner une tolérance accrue à la douleur et à la fatigue. Cela explique pourquoi certains traileurs augmentent progressivement la difficulté de leurs épreuves, s’inscrivant à des courses toujours plus longues et exigeantes.
Les effets sur le cerveau : stress et plasticité neuronale
Les neurosciences apportent un éclairage supplémentaire sur l’attrait pour la souffrance en trail. Selon une étude de Raichlen et al. (2012), publiée dans Neurobiology of Stress, l’effort prolongé stimule la neuroplasticité, c’est-à-dire la capacité du cerveau à s’adapter et à se restructurer. Cela inclut des changements dans les circuits neuronaux associés à la gestion de la douleur, à la régulation émotionnelle et à la motivation.
Les traileurs expérimentés développent ainsi une tolérance accrue à la douleur et au stress, ce qui leur permet de mieux gérer les défis émotionnels et physiques, et de rechercher des expériences encore plus intenses.
Le rôle de la résilience et du sens de la communauté
Au-delà des mécanismes biologiques, la souffrance en trail renforce la résilience mentale. Les traileurs apprennent à surmonter les moments de doute et de douleur, ce qui améliore leur capacité à faire face à d’autres épreuves de la vie. Des études, comme celle de Clough et al. (2002) sur la résilience des athlètes, montrent que les sports extrêmes développent des compétences telles que l’autodiscipline, la persévérance et la gestion du stress.
Par ailleurs, la communauté des traileurs joue un rôle clé dans cette addiction. L’esprit d’entraide et de camaraderie, souvent vécu pendant les courses, est un moteur puissant pour continuer à participer. Les traileurs se sentent intégrés à un groupe partageant des valeurs communes, ce qui les motive à revenir sur les sentiers, même au prix de souffrances.
La quête d’un sens à travers l’effort
Enfin, pour de nombreux traileurs, l’ultra-trail est bien plus qu’un sport : c’est une quête existentielle. L’effort et la souffrance deviennent des moyens de trouver un sens à leur vie, un concept souvent abordé par Viktor Frankl dans Man’s Search for Meaning. Cette perspective explique pourquoi certains athlètes considèrent l’ultra-trail comme une expérience quasi spirituelle, où la douleur est transcendée pour atteindre une forme d’épanouissement personnel.
La souffrance, moteur d’une passion irrationnelle mais humaine
Les ultra-trails attirent des passionnés non pas malgré la souffrance, mais à cause d’elle. En combinant des mécanismes biologiques, psychologiques et sociaux, cette discipline offre une expérience unique où la douleur devient un vecteur d’émotions intenses et d’épanouissement personnel. Comme le résume un traileur à l’arrivée de l’UTMB : « Ce n’est pas la douleur qu’on retient, mais la fierté et l’émotion d’avoir surmonté l’insurmontable. »
Pour aller plus loin, voici les liens vers les études et recherches mentionnées :
- Boecker et al., 2008 : Cette étude explore l’augmentation des niveaux d’endorphines après un exercice physique prolongé, contribuant au sentiment de bien-être connu sous le nom de “high du coureur”. Springer Lin
- Swann et al., 2012 : Cette revue systématique examine le concept de “flow” chez les athlètes, mettant en évidence comment cet état de concentration optimale peut atténuer la perception de la douleur. Frontier
- Havervall et al., 2021 : Cette étude analyse les similitudes entre l’addiction à l’effort extrême, comme dans les ultra-trails, et d’autres comportements addictifs, soulignant la recherche de sensations fortes chez certains athlètes. Akjournals
- Raichlen et al., 2012 : Cette recherche démontre que l’effort physique prolongé stimule la neuroplasticité, améliorant la gestion de la douleur et du stress chez les athlètes d’endurance
- Clough et al., 2002 : Cette étude explore la résilience mentale chez les athlètes, montrant comment les sports extrêmes développent des compétences telles que l’autodiscipline et la persévérance.
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