Peut-on prendre du plaisir en trail, ou est-ce qu’on est condamnés à ne faire que souffrir ? C’est une question que tout coureur s’est posé au moins une fois en ultra. Cette question peut prendre diverses formes, une des plus connues étant : « mais qu’est-ce que je fous là… »
On se concentrera ici uniquement sur la compétition en elle-même, et pas sur l’entraînement (c’est un choix purement éditorial). Et si ce qu’on avancera parlera surtout aux pratiquants d’ultra, nous espérons que ça pourra également s’adresser aux coureurs de toutes les distances.
On pourrait se dire que la souffrance est inhérente au trail, voire une condition nécessaire à son accomplissement.
En effet, que ce soit au niveau des contraintes physiques (les douleurs articulaires et musculaires, les maux de ventre, la fatigue…) ou des contraintes mentales (l’envie de s’arrêter, l’épuisement…), notre personne est mise à rude épreuve. Faut-il le voir comme une fatalité ? Il semble bien que oui. Mais ce n’est pas un problème pour autant, car nous en parlions comme d’une condition nécessaire plus haut. Nous vous renvoyons pour cela au concept Nietzschéen de Volonté de puissance. Dans cet ouvrage éponyme, Nietzsche verra la souffrance comme un élément clé du dépassement de soi, comme un source originelle de la puissance dans la mesure où elle va renforcer notre résilience.
Cependant, là où ça peut être problématique, c’est que plus la distance s’allonge, plus la souffrance demande de la résilience.
A tel point qu’il est compliqué de ne pas envisager un peu de plaisir (sur des courses de plus de 24 heures notamment). Alors, à quoi est-ce que le plaisir peut ressembler dans le trail ?
Alors, comme vous pouvez vous en douter, à moins d’être un amateur de quatre-quarts industriels que vous vous enfileriez allègrement à chaque ravitaillement tel un hédoniste patenté, il est difficile d’envisager des plaisirs immédiats dans le trail. On aura des moments d’euphorie (en pleine nuit, face au Mont-Blanc, quand vous retrouvez vos proches, etc…), mais ils ne seront pas la norme. Envisageons donc le plaisir de manière plus méta, avec le concept d’Eudaimona (qu’on retrouve notamment chez Aristote), où la pratique du trail procurerait un sentiment de satisfaction qui transcenderait la douleur. C’est une bonne idée, mais il semble difficile de l’envisager comme pouvant être permanente. Comme nous le disions juste avant, ce plaisir ne sera que passager. Car à un moment ou à un autre, cette souffrance reviendra.
Alors que faire ? Le mieux, c’est d’acter la nécessaire coexistence du plaisir et de la souffrance.
C’est ce qui fait du trail une expérience paradoxale. Comme si sans souffrance, il n’y avait pas de plaisir. La souffrance est là, mais le plaisir du défi, d’avoir passé un temps faible, d’avoir surmonté les douleurs, va avoir son mot à dire aussi. Que ce soit pendant la course (si je prends mon exemple, vous n’imaginez pas le plaisir que j’avais à avoir passé la deuxième nuit sur la TDS alors que deux heures avant, j’avais envie qu’on me flingue) ou après, l’un n’ira pas sans l’autre. Plutôt que de fuir la souffrance, autant acter qu’elle est là, l’accepter, et trouver des leviers pour qu’elle ne vous pousse pas à l’abandon.
D’ailleurs, c’est quelque chose qu’on a potentiellement tous éprouvés. Qui, à la fin d’un trail, ne s’est pas dit « plus jamaiiiiiiiiiiiiiiiis » pour, une semaine plus tard, chercher un nouveau défi ? A moins qu’on soit tous masochistes, ce dont je doute un peu, c’est que le plaisir se cache dans pleins d’interstices…
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