Hardrock 100: un process stalinien !
Le trail running est en danger ! Une course comme la Hardrock, mais plus largement toutes ces courses à pied qui sont organisées sous un système identiques, de la Western States ® 100-Mile Endurance Run au marathon de NYC et de Boston, ne valent pas mieux que cet horrible état policier totalitaire qui utilisait l’emploi de la terreur comme mode de gouvernement, accompagnés d’un culte de la personnalité (merci Wikipédia). Si si. Démonstration.
Par Gaël Dutigny, 4 UTMB, 10 MDS, 17 Ironman, 0 Western States, 0 Hardrock.
Live Hardrock 100 : Live 2024 : comment suivre la Hardrock 100 en direct depuis la France avec Courtney Dauwalter et François d’Haene
Tu ne pouvais pas, tu ne peux pas, tu ne pourras jamais t’inscrire ni à la Western States® 100-Mile Endurance Run ni à cette foutue Hardrock Hundred Mile Endurance Run. Ni au marathon de Boston, ni au marathon de New-York, ni à aucun autre marathon dit Majors. Et je ne te parle même pas de l’UTMB de Chamonix. J’exagère à peine. C’est mon cheval de bataille du moment, c’est vrai, mais il faut dire que tout ce buzz autour de ces courses-là, et plus particulièrement celle dont le départ sera donné tout à l’heure, est en train de me dégoûter de la course à pied.
Si tu veux t’inscrire à la Hardock version 2025 tu dois d’abord terminer l’une des 25 courses proposées (c’est là : https://hardrock100.com/hardrock-qualify.php). Tu as le choix, en Europe entre un 171 km en Espagne (Ultrail Ehunmilak), un 160 km ou un 170 km en Suisse (Swiss Alps, Ultra Tour Monte Rosa), un 330 km en Italie (Tor de Geants), un 160 km en Bulgarie (Pirin Ultra), et le 170 km de la Diagonale des Fous à la Réunion. Un point c’est tout. Petit rappel : la Hardrock c’est donc presque 165 km et 10 120 mètres de D+ et autant de D-, pour 148 coureurs sélectionnés cette année dont 6 petits français*. Le tout pour $435 et des poussières.
Course élitiste par excellence, à force de ne sélectionner personne, elle ne fera bientôt plus rêver personne. Cela dit, après tout, si tu es montagnard, que ta passion, c’est l’ultra trail de montagne et que tu y passes tout ton temps libre, tout ton argent pour tes loisirs aussi, tu peux peut-être espérer te qualifier un jour. Personnellement, ne vivant pas à la montagne, n’ayant ni l’envie ni les moyens de consacrer ma vie à une qualification qui n’arriverait sans doute jamais, je ne joue pas, je ne joue plus. Soit c’est accessible, soit je vais jouer au Pickleball, le nouveau sport de raquette à la mode chez moi aux USA. Je fais mes deux marathons par an, c’est à côté de chez moi, à la limite un triathlon Ironman du bout du monde que je me book sur Internet en trois quatre clics et on en parle plus.
J’ai autre chose à faire dans la vie que d’espérer faire un jour la Hardrock 100.
Bien sûr, je comprends les motivations des organisateurs : petite orga, petit budget, terrain dangereux à extrêmement dangereux, terrain aussi très protégé sur le plan légal, protection de l’environnement oblige. Bien sûr. Ça me prend toutefois la tête moi qui ai fait pas mal de course en montagne de voir une telle sélection à l’entrée pour une course qui, ma foi, a l’air absolument formidable.
Mais ce qui me prend aussi la tête, c’est de voir que parmi les sélectionnés de cette année, comme chaque année d’ailleurs, 67 des 148 coureurs ont déjà terminé la course, certains (beaucoup même) plus d’une fois. 21 des coureurs qui seront sur la ligne de départ cette année ont ainsi déjà terminé la course plus de deux fois. À part Shinsuke Isomura, le japonais, ils sont tous Américains. Autre stat’ qui fait froid dans le dos :
42 des coureurs sélectionnés vivent dans le Colorado, l’État Américain où se déroule justement cette satanée Hardrock. Si ce n’est pas un club fermé, un système qui favorise les locaux, les copains, les potes et tes cousins, je ne sais pas ce que c’est.
Avouez que ça sent bien le renfermé cette histoire quand même. On serait dans Deliverance, le film de John Boorman, le cinéaste anglais terriblement visionnaire sur ce coup-là, que ça ne m’étonnerait pas. Bonjour la consanguinité !
Bon, allez, il n’y a pas que des choses négatives et critiquables à dire sur cette Hardrock, bien entendu. La philosophie derrière cette épreuve possède un cachet qu’il faut saluer, une noblesse qui doit être reconnue. Je pense au respect de l’environnement, à l’attention portés sur les coureurs. Très bien. Dans le fond, c’est le même principe partout, comme à l’UTMB de Chamonix tiens : rien ne te force à ne venir courir sur le TMB comme un mouton pendant la dernière semaine du mois d’août. Tu peux, toi aussi, faire ta trace à un autre moment, te retrouver seul au départ place du triangle de l’amitié, à Courmayeur, à Champex Lac. Personne ne te/nous force.
La Hardrock est une course élitiste, à tous les niveaux.
C’est comme Pipeline ou Teahupo’o, en surf. En théorie tu es libre d’y aller à la rame et te mêler aux surfeurs pros et aux locaux. En pratique, non. Kona, en triathlon Ironman, c’est la même chose. Tu es dans un sport ouvert, à priori accessible à tous. Sauf que ça ne marche pas comme ça. Sauf que c’est réservé à une élite, à une caste de privilégiés. Pour un sport de masse comme le running, c’est une pilule un peu dure à avaler. Dans le sport le plus ouvert au monde, les équipementiers et les médias se masturbent dans leur coin sur un truc qui ne permet à personne de participer. Beau paradoxe. Pour moi, c’est comme cette idée animale et bébête de la Barkley. Il y a le culte de la personnalité (tous les influenceurs te disent que c’est absolument formidable). Mais nous sommes tous, nous, les anonymes, bien trop nuls pour être sélectionnés. De deux choses l’une : soit tu es frustré, soit tu t’en fous. Moi je m’en fous.
Tu peux faire tout ce que tu veux, tout ce que tu peux, notamment travailler comme un chien toute la semaine et passer tout ton temps libre à courir sur les sentiers comme un dératé en balançant ta vie sociale, ta vie de famille, ta femme et tes enfants, on te fait croire que tu peux y arriver, à coup de chaussures à 150 euros (quand ce n’est pas 300 euros), à coup de gels à gogo, de gourdes toujours plus lights et de sac à dos toujours plus ergonomiques, alors que, dans le fond, en vrai, tu ne seras jamais sélectionné. C’est comme jouer au casino quand tu n’as pas de pognon et que tu espères (que tu te dois de) gagner de l’argent alors que le système est au contraire dessiné pour que tu en perdes – ce qui n’amuse en réalité pas grand monde sauf ceux qui ne savent pas quoi en faire de leur pognon justement. C’est donc plus fort que toi. C’est horrible.
C’est ça la terreur, le totalitarisme. C’est fait pour que tu te fasses avoir, mais on te fait croire le contraire. C’est la Corée du Nord en fait. Voilà. La Hardrock c’est pareil. Ça cherche à te faire rêver, mais c’est en fait excessivement mauvais pour la santé. CQFD. LOL.
*La liste des entrants est là : https://ultrasignup.com/entrants_event.aspx?did=108442
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- crédit photo : organisateur