Depuis l’annonce de son nouveau projet States of Elevation, Kilian Jornet fait de nouveau parler de lui dans toute la planète trail. Traverser les États-Unis à la force des jambes en enchaînant les sommets de plus de 14 000 pieds (soit 4 267 m) à pied et à vélo : voilà l’ambition affichée. Mais un doute s’est installé depuis les premières publications. L’Espagnol compte-t-il réellement relier tous les fourteeners des États-Unis continentaux, répartis sur plusieurs États ? Ou va-t-il concentrer son défi sur le seul Colorado, territoire où se trouvent la majorité de ces sommets et où des records existent déjà ? Décryptage.
Ce que dit officiellement Kilian Jornet sur son aventure aux Etats-Unis
L’annonce de States of Elevation ne laisse, en apparence, aucun doute : Kilian prévoit de relier les sommets à plus de 14 000 pieds dans les 48 États continentaux des États-Unis.
Cela exclut Hawaï et l’Alaska, mais comprend le Colorado, qui compte 58 sommets, la Californie avec 12 sommets dont le Mont Whitney, ainsi que l’État de Washington avec 2 sommets dont le Mont Rainier. D’autres sommets plus marginaux pourraient aussi être inclus selon les listes retenues.
Le projet est présenté comme une traversée non motorisée mêlant trail, alpinisme et ultra-distance à vélo.
L’objectif n’est pas de battre un chrono existant, mais d’enchaîner des sommets mythiques dans un style pur, humain, lent et engagé.
Pourquoi certains pensent qu’il ne fera « que » le Colorado
Malgré cette ambition affichée, plusieurs observateurs, dont Esprit Trail, avancent une hypothèse différente : et si Kilian se concentrait finalement uniquement sur les fourteeners du Colorado ?
Cette supposition repose sur plusieurs éléments.
Le Colorado concentre en effet la majorité des 14ers américains, entre 53 et 58 sommets selon les critères de comptage.
C’est aussi le seul État où existe une tradition bien documentée d’enchaînement chronométré, avec des records reconnus depuis les années 1960.
Le parcours des 14ers du Colorado, surnommé The Mighty Mountain Megamarathon, est devenu un défi culte dans la culture montagne nord-américaine.
Enfin, Kilian n’a pour l’instant ni précisé la liste exacte des sommets concernés, ni communiqué sur la durée estimée de son projet, ce qui laisse la porte ouverte à une interprétation plus locale de l’aventure.
Cependant, cette hypothèse d’un projet limité au seul Colorado entre en contradiction directe avec les premiers éléments concrets que Kilian a laissés filtrer... Son annonce parle explicitement des « fourteeners » des 48 États continentaux, et non d’un seul massif. De plus, les estimations de distance (jusqu’à 6 000 km), de durée (jusqu’à 50 jours) et de dénivelé (environ 145 000 m D+) publiées par Jornet lui-même ou ses proches collaborateurs dessinent un itinéraire bien plus vaste, incluant la Californie, le Washington et toutes les chaînes intermédiaires. Autrement dit, l’hypothèse d’un projet “local” ne résiste pas longtemps à l’analyse logistique.
Mais cette hypothèse tient-elle vraiment la route ?
À première vue, se concentrer sur le Colorado permettrait à Kilian d’intégrer un terrain connu et balisé, avec un record officiel à battre, un FKT historique à dépasser, et une logistique plus condensée.
Il pourrait ainsi viser le record avec assistance établi par Andrew Hamilton, soit 9 jours, 21 heures et 51 minutes pour gravir 58 sommets, ou bien s’attaquer au record sans assistance, détenu depuis 2022 par Daniel Hobbs en 14 jours, 17 heures et 33 minutes.
Mais cette interprétation semble en contradiction avec la dynamique des projets précédents de Kilian. En 2023, il a traversé les Pyrénées en gravissant 177 sommets à plus de 3 000 mètres. En 2024, il a relié 82 sommets à plus de 4 000 mètres dans les Alpes en 19 jours.
Chaque fois, il ne s’est pas limité à un seul massif ou à un record local. Il a construit une traversée globale, structurée comme un itinéraire, plus qu’un tableau de chasse. States of Elevation semble donc s’inscrire dans cette même logique : couvrir un territoire dans son intégralité, et pas simplement battre un record existant.
Une traversée de l’Ouest américain, pas un record de plus
Les éléments de langage de Kilian Jornet renforcent cette idée. Il parle :
D’explorer l’Ouest américain dans sa diversité : zones alpines, forêts, déserts…
D’une connexion avec les paysages, pas d’un simple enchaînement de pics.
D’un style non motorisé, sans ravitaillement motorisé, ni logistique lourde.
Si le but était de battre un FKT du Colorado, il aurait pu l’annoncer comme tel, dans un format court et condensé. Ce n’est pas le cas ici.
Lire aussi
- States of Elevation : KILIAN JORNET annonce une nouvelle DINGUERIE
- Avec States of Elevation Kilian Jornet va gravir 16 fois l’Everest en un mois
- Kilian Jornet vise un nouvel exploit : relier tous les sommets de plus de 14 000 pieds aux États-Unis
- Fourteeners, 14ers, States of Elevation : le défi américain de Kilian Jornet expliqué (et pourquoi tous ces noms bizarres)