Pendant deux décennies, Chamonix a régné sans partage sur le trail français, voire mondial. Berceau de l’UTMB, haut lieu de l’alpinisme et théâtre d’un tourisme outdoor florissant, la ville de Haute-Savoie était devenue synonyme de course en montagne. Mais cette domination symbolique est aujourd’hui sérieusement remise en question. Un nouveau centre névralgique émerge, plus discret mais tout aussi ambitieux : Briançon. Et ce n’est pas une simple intuition. C’est désormais un fait acté par les instances fédérales elles-mêmes.
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Briançon devient le nouveau pôle du trail français
Depuis l’automne 2025, la Fédération Française d’Athlétisme a officiellement transféré le centre d’entraînement des équipes de France de trail et de course en montagne à Briançon. Un partenariat structurant a été signé avec la Ville et le Département des Hautes-Alpes, renforcé par un possible soutien de la région Sud. La cité alpine, déjà labellisée « Ville Olympique » en juillet 2024, hébergera désormais les stages de préparation des meilleurs traileurs français, dans un environnement jugé plus fonctionnel, plus stable, et moins saturé que celui de Chamonix.
Julien Rancon, responsable national des équipes de France, l’explique sans détour. Briançon présente un équilibre rare : une altitude située autour de 1 200 mètres, idéale pour l’acclimatation sans surcharge hypoxique ; un accès praticable presque toute l’année sans être bloqué par la neige ; et surtout une diversité de terrains qui permet aussi bien de travailler la vitesse sur piste que le dénivelé technique en montagne. En quelques kilomètres, les coureurs peuvent alterner les profils plats, vallonnés, ou très raides, sur des sentiers naturels peu fréquentés, tout en restant proches de toutes les infrastructures nécessaires : une piste en tartan en cours de finalisation, une piscine, un espace bien-être, un centre d’hébergement dédié. Bref, un cocon pour l’excellence.
Un transfert qui dit beaucoup sur l’évolution du trail
Le déplacement du pôle France vers Briançon n’est pas anodin. Il traduit une bascule dans la manière dont on pense le trail en France. Si Chamonix reste l’épicentre des grandes messes commerciales, des courses événementielles et des images spectaculaires, Briançon revendique une autre approche : plus tournée vers la performance quotidienne, le haut niveau, et la construction d’une culture d’équipe. En accueillant les équipes nationales, elle ne se contente pas d’organiser une course ou deux par an ; elle devient le lieu où se construit l’avenir du trail français.
Ce changement reflète aussi un besoin de recentrage. Loin de la pression médiatique et des foules de fin août à Chamonix, Briançon offre un calme bienvenu. La densité de pratiquants y est moindre, les itinéraires moins embouteillés, et l’ancrage dans le territoire plus concret. Pour une équipe nationale qui cherche à poser ses valises, répéter des blocs de charge, construire des repères dans la durée, c’est un atout considérable.
Briançon n’a peut-être pas la notoriété internationale de Chamonix, mais elle a désormais l’essentiel : la confiance des instances, l’accueil de l’équipe de France, des installations adaptées et un terrain de jeu exceptionnel. Et ce n’est pas seulement une ville d’entraînement : c’est aussi une terre de compétitions. Chaque année, le Grand Trail de Serre-Chevalier attire plusieurs centaines de coureurs sur des formats allant du 13 au 50 km avec des panoramas somptueux sur les Écrins. À proximité, on retrouve aussi les parcours exigeants du Trail du Fort des Têtes, qui serpentent entre patrimoine militaire et sentiers d’altitude. Le Serre Che Trail Salomon, longtemps soutenu par la célèbre marque, a contribué à ancrer durablement la discipline dans le territoire briançonnais.
Et si Chamonix reste un pilier incontournable, il existe d’autres bastions du trail en France qui contribuent eux aussi à faire vivre la discipline avec passion. Le Trail du Ventoux en mars, qui marque souvent l’ouverture de la saison, les Templiers à Millau, pionniers de la discipline dans les années 90, le Trail des Passerelles du Monteynard au cœur de l’Isère, ou encore l’Échappée Belle dans Belledonne, qui rivalise en difficulté avec les épreuves les plus techniques du monde.
Le trail français est en train de se redessiner. Chamonix demeure l’icône, mais Briançon est devenue la base. Et sur tout le territoire, des courses emblématiques continuent d’écrire l’histoire d’un sport qui refuse la centralisation.