Traileurs# influenceurs
Ces dernières semaines, Mathieu Blanchard et François D’Haene ont surpris leur communauté. Blanchard vante ses écouteurs Shokz sans signaler clairement son partenariat, tandis que D’Haene a organisé un footing à Paris pour Corum L’Épargne, mêlant sport et promotion financière. Leurs post semblent conçus pour inspirer, mais empruntent avant tout les codes du marketing d’influence, estompant la ligne entre passion sincère et placement de produit.
Traileurs # influenceurs
lien rémunéré irun
À l’opposé, Alexandre Boucheix, alias Casquette Verte, a toujours revendiqué sa pratique de l’ultra-trail « pour le plaisir ».
Sans plan d’entraînement figé et tout en conservant son métier chez JCDecaux, il a refusé codes promo et autres collaborations commerciales. Cette liberté lui a permis de nourrir ses récits – de la traversée du désert d’Atacama au parcours de 280 km de Mayenne à Saint-Mandé – sans jamais sacrifier son indépendance.
Ce contraste met en lumière l’évolution du marché de l’influence sportive.
Là où jadis l’exploit brut et la communion avec la nature suffisaient à forger la légende, il faut aujourd’hui alimenter un flux constant de contenus. Les algorithmes favorisent les publications sponsorisées, créant un cercle vicieux : plus un athlète multiplie les collaborations, plus il gagne en visibilité, et plus il est tenté d’enchaîner de nouveaux partenariats. Le trail se transforme peu à peu en vitrine marchande, où chaque story Instagram devient un espace publicitaire.
Pourtant, c’est Casquette Verte – influenceur atypique – qui incarne le mieux cette forme d’authenticité que beaucoup attendaient de Blanchard ou de D’Haene, piliers de la discipline.
Là où ces derniers, qu’on croyait garants d’une rigueur désintéressée, ont endossé les habits d’ambassadeurs marketing, Boucheix a préservé son indépendance. Son franc-parler, ses tournures délibérément outrées et ses envolées théâtrales pourraient sembler tout aussi artificiels que les placements de produits qu’il décrie. C’est ce paradoxe qui fait sa force : factice dans sa forme, il reste plus vrai dans son fond, par ce refus obstiné de troquer sa voix contre un contrat publicitaire.
Si le trail veut conserver son identité, il doit réinventer ses valeurs en rejetant la tentation du gain facile. Refuser le partenariat à tout prix ne suffit pas ; il faut surtout cultiver une sincérité qui dépasse le simple spectacle. Casquette Verte l’a compris avant tout le monde : dans un monde où tout se monnaye, l’ultime subversion consiste à performer son indépendance. Peut-être avait-il raison depuis le début : l’esprit du trail ne se réduit pas à l’absence d’artifice, mais à la cohérence entre le discours et la pratique.