Ce week-end a donc été particulièrement meurtrier en France pour le sport du trail running*. Cela ne me surprend pas. Cela ne me choque pas. Cela ne me dérange pas.
Pour les familles de ces coureurs, bien entendu, c’est un drame terrible, une injustice, une horreur. Bien sûr. Toute mort soudaine, accidentelle, inattendue est une tragédie pour ceux qui restent. Je ne suis toutefois pas surpris par ces accidents qui semblent se multiplier dans le trail et l’ultra trail, surtout quand les épreuves se déroulent en montagne.
Par Gaël Dutigny, 4 UTMB, 3 6000 D, 10 Marathons Des Sables, 1 Grand Raid de la Réunion.
La montagne, je l’ai souvent pratiquée moi-même, est un environnement naturel hostile. La course de longue distance y est un sport bien plus extrême qu’on ne veut le reconnaître.
Plus la discipline des longues distances en montagne gagne en popularité, plus les organisateurs, les équipementiers, les média cherchent à en tirer des bénéfices financiers, et font exprès de ne pas parler de sa dangerosité.
On nous parle beaucoup de plaisir, de challenge, de distances à faire, de protections textiles imperméables aussi, c’est vrai. Mais on ne nous parle presque jamais des risques, des dangers, des limites du corps et des limites de l’esprit. On nous pousse ainsi à faire toujours plus, à consommer plus, à courir plus, plus loin, plus fort, plus longtemps. Tout le business du running cherche à vendre la soi-disant accessibilité du trail et de l’ultra trail, à nous faire multiplier les dossards, les achats, les entraînements, les km.
Soyons honnêtes : plus les distances s’allongent, plus le terrain est difficile, en montagne, sous la chaleur, dans les jungles, plus il y a des risques forts pour les participants. Il faut en avoir conscience, il faut le répéter, ne pas se mentir sur l’âpreté de ces épreuves et cesser de dire que l’ultra trail, c’est à la portée de tous les coureurs. C’est le problème. Tu peux t’entraîner en région parisienne pour un 100 miles en montagne et le terminer, oui, mais si la météo se déchaîne dur une fois sur place, rares sont les coureurs non-montagnards qui vont savoir gérer, terminer la course et ne pas se mettre en danger.
Certes, les organisateurs peuvent commettre des fautes graves, comme de laisser partir une course alors que la météo est incertaine, potentiellement dangereuse. Ce ne sont jamais des décisions faciles, il y a de l’argent en jeu, une réputation. Il est donc sain de condamner ces erreurs quand elles sont avérées, de les punir aussi.
On peut parler des responsabilités des uns ou des autres.
La responsabilité première est celle du coureur, du participant.
À chacun de tes pas, tu fais un choix. Rien ne t’empêche de t’arrêter. Si tu fais du trail en montagne et que tu ne sais pas être autonome en cas de pépin météo, tu prends des risques, tu es éventuellement un imbécile, un mec ou une nana qui a des idées noires et des envies de suicide. Pourquoi pas. Après tout, chacun est libre. Mais arrêtons de nous étonner. Il y aura toujours des morts en ultra trail running, en montagne, en jungle, dans les sables, partout. Cela ne me dérange pas. Cela ne me choque pas. L’ultra trail running est avant tout populaire parce que c’est risqué, parce que c’est (très) difficile. Ce n’est pas le fait de courir en pleine nature qui plaît. Ce qui plaît, c’est le défi, le fait de fleurter avec la difficulté, le fait de se mettre en danger.
Les morts en ultra trail running de montagne ne sont pas nouveaux. Ce qui est nouveau, c’est de s’en étonner, de crier au scandale, de penser que cela ne devrait jamais arriver. Les accidents où la nature s’en mêle et des hommes tombent, font partie intégrante de notre vie sur cette planète. Il faut l’accepter. Je n’y vois rien d’inhumain, d’injuste ou d’anormal. Mourir en ultra trail running de montagne, oui, ça arrive. Life goes on. Je suis vraiment désolé pour ces morts du week-end et leurs familles, leurs amis. Mais je ne suis pas surpris.
* Samedi, suite à des chutes, une personne est décédée sur l’Ultra-Trail du Haut Giffre (Haute-Savoie), deux autres ont été sérieusement blessés. Dimanche, un autre coureur est décédé sur le trail de Valberg, suite à un arrêt cardiaque cette fois (Alpes-Maritimes).
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crédit photo : utrail
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