On ne m’a pas posé la question exactement comme ça mais c’est kif-kif. Ça tombe bien, kif, c’est de l’arabe. On me dit “ton empreinte carbone est celle d’un irresponsable et puis en plus c’est un acte colonialiste d’aller courir dans le Sahara quand tu es blanc”. La meute est lâchée. On se croirait chez les wokes de San Francisco. La blague. Je réponds.
Par Gaël Dutigny (9 MDS, 4 UTMB, 1 Diagonale, 17 Ironman).
Bon, alors premièrement le Marathon Des Sable a été créé en 1986 par un amoureux du Maroc et du désert : Théodore Monod. Non je blague. Le créateur (blanc), c’est Patrick Bauer bien sûr. Mais Monot, le marcheur, le scientifique naturaliste (blanc) et biologiste de La Sorbonne, l’amoureux des déserts africains qui traversait le Sahara à pied n’aurait pas renié le Marathon Des Sables. Patrick Bauer avait tellement bien tourné son truc lui qu’il avait chaque année l’aval du roi du Maroc et de tous ses militaires qui assuraient la protection des coureurs venus du monde entier pour ce moment de partage extraordinaire dans les dunes.
Le Marathon Des Sables…
Ce qui me fait toujours beaucoup marrer, tu vois, c’est quand des blancs traitent d’autres blancs de racistes.
Moi qui ai grandit en partie au Mexique étant petit et puis vécu en Inde pendant trois ans où j’étais le seul blanc de l’entreprise indienne qui m’employait, si un mexicain ou un indien m’avait traité ou me traitait aujourd’hui de raciste, je me poserais des questions. Des questions existentielles. Des questions saines. Mais quand un blanc, qui n’est jamais venu au Marathon Des Sables qui plus est, me traite de raciste parce que je vais courir dans le Sahara, je ne me pose aucune question. Je me marre ouvertement et je me dis que la bêtise n’a pas de limite.
À partir du moment où un état souverain comme le Maroc approuve le déroulement du Marathon Des Sables depuis 1986 en autorisant non seulement les organisateurs à déployer une armada de bénévoles et de coureurs de toutes les nationalités dans leur désert, mais offrent en plus l’utilisation de leurs forces de sécurité, je considère que le Maroc, ses dirigeants, et sa population, sont ravis d’accueillir ces touristes amoureux de grands espace et plein de pognons. Qui plus est, je sais surtout que les marrocains dans leur ensemble sont bien assez libres, modernes et indépendants pour décider eux-mêmes ce qui est bien, ou pas, utile ou néfaste pour leur pays.
Le Maroc n’est plus sous emprise de l’empire colonial de la France depuis 1956. Il est étonnament bon de le rappeler.
Parce que prétendre que toi, de France, tu vas savoir mieux que les marrocains eux-même ce qui est bien pour eux, c’est pire que du snobisme. C’est justement ça l’esprit colonialiste. C’est justement ça le racisme. Le jour où les coureurs maroccains, les habitants du Maroc, les responsables politiques du Maroc feront remonter des critiques aux organisateurs du Marathon Des Sables, là, d’accord, il faudra leur prêter une oreille attentive et s’adapter à leurs requêtes. En attendant, on est dans la fausse polémique, dans le grand n’importe quoi. Et je suis poli.
La seule remarque que je peux entendre sur le MDS qu’organisait Patrick Bauer c’est sur le prix d’inscription.
Mais là encore, non seulement Patrick Bauer n’a jamais vécu comme un millionnaire flambeur qui roule en Ferrari, deal du crack avec les cartels (ces mexicains décidément) et ne paye pas ses impôts en France, mais il n’a surtout jamais obligé qui que ce soit à participer à ce foutu MDS avec un flingue sous le menton. C’est comme ceux qui te disent qu’un triathlon Ironman c’est cher. C’est vrai. Une Porsche aussi c’est cher tu me diras. Mais là encore, toute la beauté de nos sociétés où la liberté est fondamentale, c’est d’avoir tous des droits – et des devoirs hein, mais c’est une autre histoire.
On a donc le droit de ne pas acheter une Porsche, de ne pas acheter un vélo full carbon à 12 000 euros pour faire un Ironman à 500 euros le dossard, de ne pas voyager en première classe chez Etihad ($66,000 le billet) ou de ne pas participer au Marathon Des Sables une fois par an ou une fois dans sa vie. On a aussi le droit de mettre de l’argent de côté pendant des mois, voire des années, pour se payer cette référence des courses dans le désert. Ou pas. La liberté, c’est un concept tellement puissant que tu as même le droit de critiquer ceux qui ne pensent pas comme toi dis donc. Et vice-versa.
J’ai rencontré une année dans les dunes une femme de ménage qui avait mis de l’argent de côté pour se payer le MDS sous l’ère Patrick Bauer.
Je l’ai rencontré alors qu’elle titubait sur la 2éme ou la 3ème étape, je ne sais plus. Et elle s’est écroulé là, devant moi, presque la tête dans le sable. Elle était très fortement déshydratée. J’ai tiré sa fusée de détresse.
Les docs sont arrivés et l’ont perfusé.
Je suis reparti, et je me suis reconcentré sur mon effort, sur ma course, mes pastilles de sel et mes ampoules. J’ai appris plus tard qu’elle avait repris sa marche une heure après, terminé l’étape du jour dans les délais et terminé la course trois ou quatre jours plus tard. Elle est belle mon histoire. Elle et belle et elle te cloue le bec. Tu as le droit de penser que cette femme de ménage-là, française, courageuse, digne et qui reste un exemple dans ma mémoire de Marathon Des Sables est une sale raciste colonialiste. Tu as le droit. Mais tu as le droit d’être idiot aussi et puis surtout d’ouvrir ta bouche sans savoir de quoi tu parles.
Bon, dernier point : le respect de l’environnement, la protection de la planète, le réchauffement climatique, le fait de prendre l’avion, les packaging dégueu dans les dunes de Merzouga, tout ça tout ça.
Ces cris de guerre (de singes ?), ces leçons de morale, cette dictature écolo-fasciste contre la consommation, l’avion, la voiture, les bateaux à moteur, le plastique, les courses à pied dans le désert, ça me fatigue. Alors oui d’accord, il faut faire des efforts, la planète souffre, il faut ramasser ses papiers, etc…Oui. C’est vrai. Je sais. Tu sais. Il sait. Nous savons. Vous savez. Ils savent. Sauf que tu fais quoi comme effort toi ? Tes vêtements sont-ils recyclés ? Les marques à qui tu donnes de l’argent tous les mois pour tes nouvelles pompes de running, elles se comportent correctement avec ses ouvriers asiatiques qui sont sans doute encore des enfants ? Et ton téléphone portable, tu sais comment il a été produit ? Ah, et le plastique de tes lunettes de vue, il est recyclé ? J’oubliais : la batterie de ta Tesla elle vient d’où ? J’adore Elon sinon. #grosfandelon moi blague à part.
Donc toi tu ne prends jamais l’avion donc ?
Tu es irréprochable. Bravo. Très bien. Moi je fais partie des centaines de millions de gens sur cette planète qui font ce qu’ils peuvent, qui n’en font pas assez mais qui ne versent pas non plus dans les extrêmes et se jouent redresseurs de tord. Commence par balayer devant ta porte de troll et puis après tu me diras légitimement de ne plus prendre l’avion pour aller au Maroc et payer 3500 euros pour faire le Marathon Des Sables.
Et puis, radicalement parlant, la meilleure façon de préserver l’environnement, tu sais, c’est aussi que tu cesses d’exister. Comme ça tu ne consommes plus et ton emprunte carbone est nulle. Alors, ben, vas-y.
Lire aussi
- Trail : il faut interdire les courses dans le désert !
- Quelles chaussures de trail choisir pour le marathon des sables
- Quelle est l’empreinte carbone d’une journée au ski ?
- Half Marathon des Sables
Lire encore
- Elle est pas un peu trop jeune la demoiselle ?
- Team trail : tout savoir sur le l’équipe Buff / Hoka / Les Saisies
Lire tout
- Où suivre la Pierra Menta 2024 en direct
- Pas de JO pour Clémence Calvin, elle a du mal sans potion magique
- La Pierra Menta : le rendez-vous incontournable du Ski Alpinisme débute aujourd’hui
- Les meilleures montres Garmin pour faire du trail : classement 2024
- Quelle est la différence entre le trail et la rando-course ?
- Comment bien descendre en trail et s’améliorer vraiment ?
- SCOOP : l’Ecotrail de Paris va être délocalisé dans les Pyrénées
- Agaçants : ces traileurs qui refusent de courir sur le bitume
- Promotion : la Garmin EPIX Gen 2 à -29% sur i-Run
- Pour votre entrainement croisé, choisissez le vélo
- Un stage au Kenya peut-il sauver Clémence Calvin et l’aider à se qualifier pour les JO ?
-
crédit photo : GD pour utrail