Mondiaux de trail à Canfranc : pourquoi les orienteurs deviennent d’excellents traileurs.
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Aux Championnats du monde de trail à Canfranc, l’or du Français Frédéric Tranchand et de la Suédoise Tove Alexandersson sur le format court a rappelé une évidence : les meilleurs orienteurs savent briller en trail. Loin de l’image vieillotte de la course d’orientation réduite aux collégiens en EPS ou aux retraités le dimanche matin, cette discipline est en réalité un formidable vivier de champions pour les sentiers.
Le contexte : Canfranc consacre deux orienteurs
Sur les 45 km du trail court (3657 m de dénivelé positif), le Français Frédéric Tranchand s’est imposé chez les hommes. Ancien orienteur de haut niveau, médaillé mondial en sprint et en relais, il est aujourd’hui champion du monde de trail court à 37 ans.
Chez les femmes, Tove Alexandersson a écrasé la concurrence. La Suédoise est sans doute l’orienteuse la plus titrée de l’histoire, multipliant les couronnes mondiales en orientation pédestre et en ski orientation, avant d’étendre sa domination au skyrunning puis au trail.
Des qualités parfaitement transférables
Pourquoi cette réussite n’a-t-elle rien d’un hasard ? Parce que la course d’orientation forge des qualités précieuses pour le trail.
Lire le terrain à toutes les échelles
En course d’orientation, le sol change constamment : racines, mousses, cailloux, herbe mouillée. Chaque foulée doit être ajustée, avec des appuis dynamiques et un équilibre permanent. À une autre échelle, l’orienteur lit les courbes de niveau et anticipe l’impact d’une montée ou d’un dévers avant même de les voir. Il choisit par exemple un détour plus long mais plus régulier, plutôt qu’une pente raide qui casse le rythme. En trail, cette double compétence — micro pour l’appui, macro pour la stratégie — se traduit par une meilleure fluidité en descente et une gestion plus fine des longues montées.
Une endurance construite et maîtrisée
Les orienteurs accumulent dès l’adolescence un volume d’entraînement important, plusieurs centaines d’heures par an en pleine nature, parfois complété par le ski-orientation. Cette base crée un moteur aérobie très solide. En compétition, l’effort n’est jamais linéaire : il faut parfois accélérer pour rejoindre un poste, puis relâcher dans une portion descendante ou lors de la lecture de carte. Cette habitude d’alterner intensité et récupération active est très proche de la gestion d’un trail, où les profils imposent des changements constants de rythme.
L’efficacité technique et l’économie gestuelle
Hésiter ou s’arrêter trop longtemps pour lire une carte coûte immédiatement du temps en orientation. Les coureurs apprennent donc à optimiser leurs trajectoires, à garder des appuis précis et à limiter les gestes inutiles. L’évolution permanente sur des terrains irréguliers sollicite fortement chevilles, genoux et stabilisateurs. Cet entraînement développe la stabilité musculaire et articulaire qui s’avère décisive en trail, notamment dans les descentes longues où le rendement mécanique est supérieur.
Autonomie et capacité d’adaptation
En orientation, aucun chemin n’est imposé. Chaque coureur choisit son itinéraire, prend le risque d’une option plus rapide ou plus sûre, et doit assumer ses décisions. Une erreur de poste se paie immédiatement, et il faut corriger vite sans perdre toute la course. Cette habitude de décider et de s’adapter forge une autonomie d’une grande efficacité. L’orienteur garde toujours son calme et trouve une solution.
Lucidité et résilience mentale
L’orientation impose une double tâche permanente : courir vite tout en lisant une carte. Il faut rester attentif malgré la fatigue, garder les idées claires alors que le souffle et les jambes brûlent. Les erreurs font partie du jeu : un mauvais choix d’itinéraire peut coûter une minute, parfois plus. L’athlète apprend à l’accepter et à repartir immédiatement. En trail, cette lucidité sous effort et cette capacité à rebondir deviennent essentielles. Elles permettent de gérer son rythme et sa stratégie et de tenir mentalement quand la fatigue menace de faire tout basculer.
Des exemples au-delà de Canfranc
Tove Alexandersson et Frédéric Tranchand ne sont pas des cas isolés. Plusieurs champions de trail viennent du même milieu.
- Judith Wyder (Suisse) : championne du monde d’orientation, elle s’est reconvertie avec succès au trail, remportant des manches de la Golden Trail Series.
- Marc Lauenstein (Suisse) : médaillé mondial en orientation, il est ensuite devenu l’un des coureurs les plus respectés en montagne, vainqueur de Sierre-Zinal et du Marathon du Mont-Blanc.
- Mònica Aguilera (Espagne) : pratiquante d’orientation et de VTT orientation, elle a brillé sur les ultras (Marathon des Sables, UTMB, Transvulcania).
- Jonas Buud (Suède) : orienteur dans sa jeunesse, il est devenu champion du monde du 100 km sur route et vainqueur de nombreux ultras.
Ces parcours rappellent que l’orientation est une école d’endurance et d’adaptabilité, idéale pour préparer des carrières brillantes en trail.
Dépasser les clichés sur l’orientation
En France, l’orientation garde une image floue : activité scolaire imposée, sport de niche réservé aux passionnés de cartes ou aux clubs vieillissants. Pourtant, au niveau international, c’est une discipline exigeante, structurée et hyper compétitive, avec des mondiaux suivis et des athlètes professionnels. La densité en Scandinavie ou en Suisse est telle que beaucoup de coureurs de trail actuels ont d’abord fait leurs armes carte en main.
De la carte aux sentiers : parcours croisés
Tove Alexandersson (Suède)
- Orientation : 17 titres de championne du monde (pédestre et ski orientation).
- Trail : championne du monde de trail court 2025 (Canfranc), victoires en skyrunning (Zegama, Tromsø).
Frédéric Tranchand (France)
- Orientation : 7 médailles mondiales, spécialiste du sprint et des relais.
- Trail : champion du monde de trail court 2025 (Canfranc), champion de France 2025 (trail court et verticale).
Judith Wyder (Suisse)
- Orientation : 5 titres de championne du monde, multiples podiums internationaux.
- Trail : victoires en Golden Trail Series (Ring of Steall, Dolomyths Run).
Marc Lauenstein (Suisse)
- Orientation : vice-champion du monde longue distance (2005), médaillé de bronze 2009.
- Trail : victoires à Sierre-Zinal (2013), Marathon du Mont-Blanc (2015), Pikes Peak Marathon (2014).
Mònica Aguilera (Espagne)
- Orientation : compétitrice nationale et internationale (orientation et VTT orientation).
- Trail/Ultra : vainqueure du Marathon des Sables (2010), podium à l’UTMB (2005), succès à la Transvulcania.
Jonas Buud (Suède)
- Orientation : formation initiale en orientation dans les années 1990.
- Ultra : champion du monde de 100 km (2015), double vainqueur de l’Ultravasan (2014, 2015), multiples podiums sur ultra-trail européen.
Les Mondiaux de Canfranc l’ont montré : les orienteurs savent s’imposer au plus haut niveau du trail. Derrière les clichés d’un sport discret, la course d’orientation est en réalité une école idéale pour préparer les futurs champions de montagne. Sur la carte comme sur les sentiers, la lucidité, la polyvalence et l’endurance font toujours la différence.
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