Je vous embarque avec moi dans ma « brève aventure » sur le GRP 2024. Ce vendredi à 5h, le départ a été donné de Vielle-Aure, et émotionnellement, c’est toujours aussi fort. Ils savent y faire, les bougres.
Le compte-rendu de mon GRP
Le compte-rendu de mon GRP 2024
On commence par monter sur Saint Lary et au restaurant Merlans, pour une quinzaine de kilomètres et 1500m de D+.
Ils se passent plutôt bien, on va ensuite emprunter une partie du GR10 pour traverser le parc du Néouvielle. C’est de la salade de cailloux à foison, mais qu’est-ce que c’est beau.
Au 29ème km, on va attaquer le Serpolet ; avec la chaleur qu’il fait déjà, j’espère ne pas me retrouver dans le même état qu’en 2021 ; il va finalement très bien se passer, tant pour la montée que la descente.
En revanche, beaucoup de coureurs accusent le coup. De la Mongie (30km) au col de Sencour (45km), c’est dur. Il fait très chaud, mais je prends mon temps et finalement, ça se passe bien. On grimpe le Sencours par le GR (contrairement à l’édition 2021), et c’est splendide. Le concept d’ombre, par contre, ils ne connaissent pas. Ça va être une boucherie et beaucoup de coureurs ne repartiront pas d’ici.
Du col de Sencours (km45) à Hautacam (km 63), c’est la portion de tous les dangers.
En effet, c’est là que j’avais décidé de ne pas poursuivre l’aventure. Les deux premiers cols se passent bien ; le lac bleu est toujours aussi beau. En revanche, l’ascension du col de Bareilles, qui se fait direct dans le pentu, c’est autre chose. Sa descente, qui avait fini de m’achever, est ici très bien passée (et mine de rien, je me dis que ce sera toujours ça de gagné). Jusqu’à Hautacam, je me retrouve dans un temps fort et j’en profite pour courir.
De Hautacam à Pierrefitte (km77), c’est le début de l’inconnue.
On commence d’abord par une petite ascension pour aller jouer sur une crête, puis on va manger 11km de descente ; les deux premiers km sont une horreur de technicité et on se dit que si tout est comme ça, ça ne va pas aller. Puis ça se transforme en sentiers forestier et en sentier de campagne, et la fin se fait assez bien. Mentionnons juste avant le ravito une petite grimpette incroyablement bâtarde qui va casser les pattes et où il faudra mettre les mains.
Au ravito à Pierrefitte, je m’arrête 45mn, et surgissent les premiers questionnements : la BH aurait déjà dû s’élargir, et pourtant, comme depuis le début, je quitte les bases avec 30/45 minutes d’avance. Ça serait bien que ça change, mais genre vraiment bien, car se faire 90km avec le souffle de la BH dans la nuque, ça peut être épuisant.
On part ensuite de Pierrefitte (km 77) pour aller vers Cauterets (km92), et là, ça va être une certaine idée de l’enfer.
J’ai mal au ventre et suis dans l’impossibilité de manger. Je me dis que ça va finir par passer, mais en attendant, c’est dur, et la fatigue commence à arriver.
On a 10km de faux-plat très montant et très roulant (c’est plus piégeux qu’il n’y paraît). On aura ensuite un petit voyage de 6km pour 400m de D+ alors qu’on est déjà à Cauterets…
Au ravito de Cauterets, ça ne s’améliore pas, je suis crevé, je veux arrêter, et alors qu’on doit se décider car les serre-files vont partir, je repars avec une coureuse en me disant qu’avec le lever du soleil, une nouvelle course peut commencer.
On est clairement sur un gros coup de poker pour allier Luz Ardiden.
On a avoir droit à une dizaine de km pour 1200m de D+. Les 8 premiers se passent pas trop mal au vu de l’état général.
A Cauterets, on nous avait parlé de l’ascension finale de ce col ; on nous avait aussi dit qu’avec les conditions météo, la course ne passerait pas par le refuge de la Glère et qu’il était possible que ça se finisse plus tôt. Dans ma tête, je me dis en rigolant que si ça termine à Luz, dussé-je me dépouiller, j’y vais. Par contre, si ça finit à Tournaboup ou à Vielle-Aure, quand bien même on ne passe pas la Glère, ça va être plus compliqué. Dans le col, je m’endors trois minutes entre deux bouses de vache, me sentant incapable de partir. En réalité, c’était un prélude à deux km interminables où mes jambes, pour la première fois depuis que je fais du trail, me lâchent quasi littéralement; impossible de faire 100m sans m’assoir.
Pour ne rien arranger, le vent se lève, si bien que par moments, je dois me coucher dans les sentiers ; le bruit est terrible, la sensation l’est tout autant ; et le dernier kilomètre se termine en un cauchemar éveillé. Après avoir finalement franchi le col et pris un bout de la descente vers Luz, on s’arrête à Luz Ardiden, et là, deux minutes après m’être assis, je sens bien que le corps ne continuera pas ; tenter de descendre vers Luz aurait pu se faire, mais clairement, rejoindre Vielle-Aure (et se retaper le Néouvielle) ou même Tournaboup si ça ne se finissait là, c’était impossible. Ça n’aurait été « que » 23km, sans trop de montée en plus, mais ce n’était pas envisageable sans prendre des risques démesurés. C’est donc un clap de fin sur ce GRP après 102,8km et 26h10 de course.
Faisons un petit tour d’analyse de cette course.
Pour ce qui a bien été, je retiendrai la gestion des descentes ; clairement, le travail a payé, et c’est cool.
Ensuite, à aucun moment je n’ai eu le vertige, et quand on sait que c’est ce qui m’a fait vriller il y a trois ans, c’est satisfaisant. Enfin, je crois ne pas m’en être trop mal tiré sous les grosses chaleurs.
Pour ce qui a moins été, il y a d’office les problèmes d’alimentation.
Ce qui est intéressant, c’est que les quelques personnes avec qui j’ai discuté ont exactement eu les mêmes problèmes. Ensuite, j’ai été confronté à un dilemme insoluble pour aller au bout entre aller plus vite d’une part et ne pas s’arrêter aux ravitos assez longtemps pour récupérer d’autre part. J’ai pris la seconde option, mais c’était trop présomptueux. Enfin, pour la première fois, et c’est vraiment perturbant, le physique m’a lâché. C’est vraiment difficile à accepter. Il va falloir d’office commencer à travailler les montées (après dix ans de trail, il serait temps), et je vais peut-être revoir ma position sur les bâtons.
Concernant quelques impressions personnelles sur ce GRP…
Je me suis rendu compte à mes dépens sur le trail dans les Alpes et le trail dans les Pyrénées, ce sont presque deux sports différents dans la gestion (pas autant que le trail en plaine et le trail alpin, mais vraiment pas loin).
Durant ce GRP, on n’a jamais eu de répit ; la course est incroyablement difficile du début à la fin. Si vous ne le connaissez pas, tapez « refuge de Glère », et imaginez que vous vous le tapez après 112km…
Même si je n’en suis pas venu à bout, je n’ai pas vraiment de regret, et moins la sensation d’échec qu’en 2021, pour la simple et bonne raison que j’ai été au bout de mes possibilités. Pour la première fois, j’ai découvert mes limites physiques, mon plafond de verre. Comme je le disais après l’écotrail, pour le moment, mon niveau, c’est ça. En 2021, en un peu moins de 17km, je faisais 63km pour 4440 de D+ en explosant mentalement après 29km, et là, je fais 102km en 25 heures et quelques pour 7000m de D+ ; c’est une progression, mais ça n’a pas suffi. Et je n’ai pas vraiment sous-performé, car je suis resté dans mes standards ; j’ai fini la CCC en 25h30 (103km) et sur la TDS, j’avais passé les 100km en 23 heures. C’est juste qu’ici, mes standards n’ont pas suffi. En conclusion, j’avais l’impression de finir sur un échec en 2021, beaucoup moins cette année. Je n’arrive pas à avoir de regrets car je ne suis pas mesure de faire mieux, du moins pour l’instant.
Avec mon niveau actuel, je n’avais simplement pas le temps de m’arrêter suffisamment aux ravitos ; sur l’UTMB (CCC comme TDS), c’était 20 minutes minimum à tous ; ici, si je faisais ça, j’étais hors délai bcp plus tôt. Ne pas dormir, ça ne pardonne pas, de surcroît sur le GRP ; et j’étais incapable de choisir entre ne pas dormir ou aller plus vite, et ça a donné cette explosion physique.
Ma plus grosse erreur a été enfin de penser qu’en ayant passé la TDS dans des conditions dantesques en 2023 allait me suffire à venir à bout du GRP, c’était une erreur. Aucune course de l’UTMB ne peut vraiment préparer au GRP…
Je reviendrai me frotter au GRP, mais peut-être qu’avant, il faudra recommencer par les plus petites distances (60, 80, 120km) et faire plus d’entraînements dans la région pour la maitriser un peu plus. Car si on peut se préparer aux terrains alpins en Belgique, c’est beaucoup plus difficile pour les terrains pyrénéens.
Quelques impressions sur la course désormais.
Impossible de ne pas commencer par la gentillesse des bénévoles. C’est un poncif, mais je n’ai jamais eu affaire à autant de bienveillance dans un ultra.
J’ai découvert pour la première fois des barrières horaires oppressantes, et clairement, la principale difficulté du GRP se trouve là. Je discutais avec un coureur qui avait fait toutes les autres courses et qui me disait qu’elles y étaient beaucoup plus lights. Ici, clairement, on n’a pas le temps. D’ailleurs, si, sur 600 partants, on termine avec plus de 380 abandons, ce n’est pas pour rien.
On évoquera aussi la beauté époustouflante du parc du Néouvielle, du col du Tourmalet, du col de Sencours franchi par le GR, ou encore le lac Bleu.
Difficile de ne pas évoquer la gratuité presque « perverse » de certains passages (genre la petite promenade dans les hauteurs de Cauterets ou encore celle au-dessus de la Mongie) ; ce ne sont que des boucles pour borner et ajouter du dénivelé. C’est vrai que c’était nécessaire.
Enfin, vu la difficulté de la course, je comprends pourquoi les élites internationales n’y vont pas. L’UTMB est beaucoup plus facile et on y laisse moins de plumes.
C’est donc une nouvelle saison qui se termine, une saison en demi-teinte où il va falloir questionner pas mal de choses. J’ai enchaîné pas mal de pépins de santé (ongle incarné avant l’Ecotrail, gastro foudroyante avant le MDP, angine carabinée sur l’Alsace Grand Est, et tendinite au tibial postérieur après Luchon), et je me dis que ça ne doit pas être dû au hasard. Après une période de repos qui prendra le temps qu’elle prendra, je vais devoir réinterroger ma pratique pour continuer à progresser et à prendre du plaisir sans y laisser ma santé.
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