Contrairement à une fracture classique, secondaire soit à un remaniement de la structure osseuse (déminéralisation ou ostéoporose), soit surtout en ce qui nous concerne à un traumatisme violent, la fracture de fatigue survient sur un os sain et en dehors de tout accident ou chute (au point même de « ne pas comprendre pourquoi cela a cassé»…)
Origine de la fracture de fatigue chez le traileur, le runner ou le coureur en course à pied
Le mécanisme est donc une accumulation, une succession excessive de phénomènes de surcharge de pressions sur une structure qui va finir par céder par micro-ruptures additionnelles, et non pas se rompre brutalement sous l’effet d’un seul à-coup d’angulation ou de torsion.
C’est ce premier point fondamental qu’il faut bien retenir !!
Le texte qui va suivre est le fruit d’une double expérience : l’ostéopathe (je vois toujours un –trop- grand nombre de ces fractures) et le pratiquant et coach en course pieds nus/minimaliste (là, j’arrive encore à en éviter à temps : on sait en effet combien cette lésion est redoutée dans le concept minimaliste, et on comprend aisément pourquoi quand on connaît le mécanisme exposé juste après).
A l’heure où le minimalisme est choisi par un nombre croissant de trailers, il y a donc urgence !…
Mécanisme
En CAP, l’effort physique (pressions de la foulée + tractions par les tendons musculaires) favorise la densification de la structure osseuse : il est donc très positif (on recommande aux sujets âgés de marcher, et on protège les astronautes qui ont vécu en apesanteur en les accueillant avec un fauteuil roulant…).
On voit que le travail musculaire joue un rôle primordial, autant par la pression par gonflement lors de ses contractions, que par les tractions sur les points d’insertions musculaires : c’est là le mécanisme naturel qui assure en permanence la protection naturelle du squelette et surtout sa résistance adaptée aux mouvements et aux efforts même très intenses (c’est à cela que sert, entre autres, l’entraînement régulier et dirigé).
Tout phénomène qui va créer une fatigue musculaire inhabituelle (modification gestuelle, d’équipement, de nature de terrain, de durée, etc…) et surtout si ce changement est trop intensif, trop hâtif et/ou trop répétitif, va modifier considérablement et sans véritable alerte (à part fatigue et courbatures souvent considérées comme « normales ») le rôle protecteur des muscles envers les os dont ils sont partenaires indissociables.
Cette architecture osseuse va être soumise anormalement : 1/ à des contraintes inhabituelles et excessives de pressions directes, 2/ à une défaillance de la protection musculaire largement affaiblie, et 3/ à des tractions tendineuses excessives sur cette structure fragilisée.
Cette structure va céder, sans aucun traumatisme, dans le cadre de l’activité « de tous les jours », simplement par dépassement de la résistance mécanique, le « trop, c’est trop »… C’est le deuxième point fondamental à garder en mémoire !!
Signes et prédispositions à la fracture de fatigue pied
Les signes : ils sont inexistants parfois, négligés souvent, sans réponses à tous les coups : la preuve, « ça a cassé »…
Avant d’accuser la fatalité, le Seigneur, son karma, le coach, son ex qui nous a maudit,… 😉 , commençons par analyser les jours et les semaines précédentes, avec les sensations qu’on a préféré ignorer :
- LE signe avant-coureur, si l’on veut limiter le risque fracturaire : LES COURBATURES ! Elles ne sont JAMAIS NORMALES, même si elles sont TOUJOURS JUSTIFIEES ( plus ou moins, question de bonne foi !). Elles sont le signe d’une fatigue certes logique par le travail qui en est à l’origine, mais rappelez-vous qu’elles sont avant tout le signe d’un véritable EPUISEMENT MUSCULIRE, au sens médical du terme !
Rappelons que, dans le cas de la CAP, les localisations les plus fréquentes de fracture sont la région métatarsienne du pied, le tiers inférieur du tibia, beaucoup plus rarement le bassin et exceptionnellement le fémur.
- Si la fracture concerne une zone superficielle, un discret hématome peut apparaître mais pas toujours (contrairement à la fracture traumatique, l’os « remanié » ne saigne pas ou très peu),
- Un œdème, gonflement inconstant et souvent lui aussi assez minime, est le signe de la lésion osseuse à condition qu’elle soit presque sous-cutanée (et avec parfois une petite rougeur superposée),
- Ne comptez pas, enfin, sur la douleur pour vous alarmer, d’autant qu’elle précède souvent très discrètement la fracture, et n’augmente guère après… Seule une simple sensibilité persistante au niveau du dessus du pied (TOFP : Top Of the Foot Pain) ou au-dessus de la cheville, est présente : pas de quoi s’alarmer, vous direz vous… De plus, il est vrai que par rapport à une périostite, autre pathologie possible sur les mêmes zones, la douleur présente, pour nous, une différence fondamentale : elle est effectivement beaucoup moins intense, mais par contre résistante aux traitements anti-inflammatoires locaux ou généraux (c’est pour nous un élément diagnostic différentiel très important !).
Côté prédispositions : il faut en connaître certaines, elles permettent de redoubler de vigilance si vous êtes concernés. Citons les plus connues :
- Le sexe : pour des raisons hormonales multiples, les femmes (eh oui, encore…) sont particulièrement concernées : il n’y a pas que la ménopause, d’autres phases peuvent augmenter le risque en fonction de certains phénomènes physiologique et/ou mécaniques (j’ai vu des fractures de fatigue du bassin lors de la reprise de CAP après une maternité, par exemple…)
- En prolongement, les perturbations pubertaires, notamment chez les sportives très jeunes ou sous contraception orale, aujourd’hui souvent prescrite précocement.
- Certains régimes « amaigrissants », souvent associés en plus à des débuts sportifs, et facteurs de déséquilibres alimentaires (nous ne relancerons pas ici la discussion sur la nocivité de certaines méthodes « biiiiip », et pourtant…)
- L’âge, qui est un critère en régression actuellement, sauf chez les séniors se mettant à courir comme des lapins, pour la première fois, dès le jour du départ en retraite !!
- L’ethnie : fréquente chez les « blancs », il semblerait que la stress-fracture soit quasiment inexistantes chez les sujets noirs américains et surtout africains (on sait déjà que leur musculature est structurellement assez différente que celle des sujets de races blanches)
- Et bien sûr, j’en parlais en introduction, certaines modifications radicales et trop hâtives de qualité de foulées, surtout associées à des modifications ou abandon de chaussage : le minimalisme est en première ligne, je suis le premier à le reconnaître, et je martèlerais une fois de plus la notion incontournable de RIGOUREUSE PROGRESSIVITE quand on prend cette décision transitionnelle (encore une fois, il s’agit là de PREVENIR, afin que l’on arrête d’accuser la méthode au lieu de s’en prendre à ses pratiquants irréfléchis et surtout d’éviter qu’ils deviennent des exemples !!)
Ces modifications peuvent aussi concerner l’entraînement avec une montée en puissance là-aussi trop intense, ou une activité nouvelle ou différente en matière de terrain, de dénivelé, etc…
- Les signes radiologiques :
Ils sont souvent très pauvres sur des clichés simples, voire même quasi inexistants si l’on ne prend pas la précaution de comparer au côté opposé…
Par contre l’IRM apporte souvent la preuve indiscutable de fracture de fatigue.
Parfois longue à obtenir, la scintigraphie osseuse est également très utile : un peu contraignante, mais elle permet de juger une évolution « quantifiée » dans le temps.
Traitement : comment soigner une fracture de fatigue
Il n’y en a pas !!…. Voilà, c’est dit…
Tout au moins rien à avaler, à appliquer, à irradier, aucun spécialiste à consulter (un chirurgien orthopédiste vous confirmerait que mettre des plaques vissées ne servirait à rien, pire empêcherait par la rigidité la compression du foyer de fracture nécessaire à la réparation, et que de toutes façons cela ne raccourcirait en rien le délai de consolidation…)
fracture de fatigue pied combien de temps
Ce délai de consolidation est long, en tous cas supérieur à celui d’une fracture traumatique : 3 mois d’arrêt de CAP sont un minimum comme délai de sécurité de consolidation, 6 mois sont en général largement suffisants. Par contre, il faut savoir que des « douleurs résiduelles » heureusement discrètes, supportables et parfaitement anodines peuvent exister pendant parfois… un an ou deux !
Deux orientations :
- LE REPOS : sans aller jusqu’à la suppression de l’appui (sauf dans les lésions rares de bassin à cause du phénomène de « cisaillement » lors des appuis alternés de la marche), il faut au moins en diminuer l’importance en réduisant au début les déplacement, évitant les appuis brutaux, etc… Se rappeler que la DOULEUR est souvent très modeste et en aucun cas un facteur de consolidation parce qu’on a l’impression de moins la sentir !!..
- LA REPRISE PRECOCE DE CERTAINES ACTIVITES PHYSIQUES est néanmoins possible : dès le début, la natation, puis progressivement le vélo permettront de conserver le moral et un minimum de niveau physique…
Conclusion : Prévention +++
Une notion incontournable, universelle et marquée au coin du simple bon ses physiologique !!
Dans la pratique habituelle de chacun :
Fatigue musculaire avec courbatures, surtout si elles sont anormalement durables et/ou répétitives ou extensives = repos, même partiel, même de courte durée, mais il est fondamental de repartir à l’entraînement avec des muscles ayant récupéré, sinon ILS NE PROTEGENT PLUS !…
© Daniel Dubois – Ostéopathe & Barefoot Runner – 2012
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