Les sponsors ont-ils tué l’ultra ?
Les années 2018 et 2019 n’ont pas été très faste pour l’ultratrail. En effet, les stars ont, dans leur majorité, boudé le long pour se tourner vers le court. Si bien que les deux derniers UTMB et la dernière Diagonale des Fous n’ont pas été très folichons. La faute à qui ?
Les sponsors en trail ne sont pas des mécènes
On pourrait accuser les sponsors, et ce serait plutôt légitime. Et avec un peu de recul, si on suit leur logique, ce n’est pas anormal (ce n’est pas bien pour autant !)
Ce ne sont pas des mécènes (ça se saurait) et quand ils investissent sur un sportif, ils espèrent non seulement un peu de rentabilité et plus généralement, un retour sur investissement. Ils veulent des résultats, beaucoup de résultats, et rapidement. Pour un sponsor, ce sera plus rentable qu’un traileur gagne un trail court tous les mois ou tous les deux mois (un peu à l’image de ce que Kilian a fait (en dehors de son congé paternité) avec Zegama Aizkorri, Sierre-Zinal plutôt que deux à trois ultras sur l’année (comme François avec le MIUT et l’Echappée Belle ou Xavier Thévenard avec le Mont Fuji, le marathon du Mont Blanc et une deuxième place à l’UTMB).
Les élites en trail ont besoin de gagner leur vie
Les élites sont comme tout le monde, elles ont besoin de gagner leur vie, et fatalement, elles vont là où est l’argent à gagner. Et si les sponsors leur disent de gagner plus de courses, ils n’ont d’autres choix que d’aller sur des formats plus courts s’ils veulent que leur corps tienne (celui-ci étant leur principal moyen de revenu dans le trail). On notera que cette technique est un peu pernicieuse, car elle permet aux sponsors de se déresponsabiliser en disant, non sans un brin de mauvaise foi, que ce sont les athlètes qui choisissent et qu’ils peuvent faire autant d’ultras qu’ils veulent, tant qu’ils gagnent.
Logique cyclique
On peut néanmoins être un peu nuancés sur la question et se dire que si les sponsors ont certainement une part de responsabilité, ce n’est pas que ça. Si l’on prend un peu de recul, on peut se dire que si ça se trouve, ce n’est qu’une logique cyclique. Je m’explique.
En 2017, on était à l’apogée de l’ultra, avec comme point d’orgue un UTMB de dingue, tant sur le plateau (D’haene, Jornet, Tollefson, Thévenard, Walmsley, Capell, Grinius, Miller) que sur les temps (les trois premiers sous les 20 heures). On a eu une baisse en 2018 (avec un UTMB qui fut une hécatombe et un léger regain avec la victoire de François D’Haene et Benoît Girondel à la Diagonale des Fous), quasiment le néant en 2019 et, si les bruits de couloir se confirment, avec un retour à la normale en 2020 (et un plateau sur l’UTMB digne de celui de 2017).
Les sponsors ont-ils eu la peau de l’ultra, ou était-ce seulement un cycle ? Ou un peu des deux ? On aura la réponse en 2020 en scrutant notamment les plateaux des plus gros ultras de l’année (la Diagonale, l’UTMB, la Hardrock 100, le MIUT, L’ultra trail du Mont Fuji, le Tarawera, le Lavaredo, le Marathon du Mont Blanc, la Mozart 100, la Transgrancanaria, la Western States, voire l’Ultra trail de Cape Town) ; la qualité des participants et des vainqueurs (tant par leur renommée que par leur côte itra) nous donnera une bonne indication.