Lorsque l’on décide de courir son premier trail, on ne sait jamais totalement à quoi s’attendre, que ce soit à court, moyen ou long terme. Le chemin de la découverte est beau. Il est magnifique, même. Mais il est aussi long, sinueux, difficile et parsemé d’embûches aussi diverses que variées. Aussi, voici quelques mots que je souhaiterais dire à celui que j’étais en décembre 2013, à la veille de courir mon premier trail.
“Tu as franchi le pas et as décidé d’essayer ce dont tes potes parlent entre eux depuis longtemps sans que tu te sentes trop concerné par cela. Le sport, c’était pas trop ton truc jusqu’à il y a peu de temps. Tu es déterminé à prouver ce que tu as dans le bide, ton entraînement a été un peu décousu (les années t’apprendront à faire des plans d’entraînement et surtout, à t’y tenir), et tu es un peu inquiet. A vrai dire, si tu ne l’étais pas, ce serait un peu inconscient.
En premier lieu, sois réaliste et fixe-toi des défis qui pourront être menés en parallèle à ta vie de famille et à tes contraintes professionnelles. Toujours garder un juste milieu; ça pourra être difficile parfois, mais rassure-toi, au fur et à mesure que les années passeront, ça sera de plus en plus facile.
N’oublie pas d’aborder chaque course que tu feras comme une fête et si tu es fier de franchir la ligne d’arrivée, sois tout aussi fier de franchir la ligne de départ. Rappelle-toi comme tu détestais courir quand tu étais au collège, rappelle-toi comme tu détestais te lever tôt encore il y a peu. Alors crois-moi, le plus dur ne sera pas de finir la course, mais d’arriver à la commencer.
Ne te mets pas trop la pression; après tout, le seul concerné par ton résultat, c’est toi-même. Aussi, ne te prends pas la tête et cours pour toi, uniquement pour toi. Les autres seront contents pour toi, peut-être un peu fiers de toi, mais tes performances ne changeront absolument rien à leur vie.
N’oublie pas que la route est longue et n’essaie pas de gravir les échelons trop vite. Les stars de la discipline te vendent du rêve et tu te plais à te dire que tu voudrais parcourir les mêmes sentiers qu’eux. Si ça doit arriver, ça arrivera; mais ne fais pas comme Icare, je t’en prie. Je sais que tu seras patient. Tu as plusieurs décennies devant toi pour parcourir la discipline.
Les années passeront les distances commenceront à s’allonger. Le sport va te faire perdre du poids, puis en reprendre, mais rassure-toi, il paraît que c’est normal (et quand tu te regarderas dans le miroir, ça ne se verra même pas).
Mais surtout, les heures que tu passeras à écumer les bois vont te permettre de te découvrir, de te connaître, voire de te rencontrer. Tu seras tantôt content de cela, puis parfois, quand d’autres côtés plus sombres ressortiront, tu auras l’impression d’avoir ouvert la boîte de Pandore. A défaut d’être mal ou bien, c’est ainsi. Car plus tu seras avec toi-même, moins tu pourras te mentir.
Ces heures vont également te permettre de te tester dans la souffrance, dans la douleur, dans l’épreuve. Tu as toujours entendu que tu étais douillet, fainéant, un peu gauche, incapable de te faire mal, et tu as fini par y croire. Je peux te dire de t’ôter cette idée de la tête, mais je la sais tellement ancrée en toi que ce sera pas simple. Je pourrais te dire que ces critiques ne sont pas la meilleure essence pour avancer, mais tu t’en serviras quand-même. À mon avis, c’est humain.
Si je te dis ça, c’est parce que lorsque tu vas te mettre à allonger les distances, tu vas découvrir la hantise de tous les traileurs, à savoir ce qu’on appelle pudiquement les temps faibles. Ce sont des moments de course qui arrivent de manière cyclique où tu vas en chier, mon ami. Pourquoi ? Car ces temps font partie des rares moments où la souffrance et la douleur vont se liguer contre toi pour te jouer les plus sales tours qui soient.
Prenons la douleur; tu auras mal au crâne; tes épaules te feront souffrir le martyr à cause d’un sac qui te paraîtra bien trop lourd. Tu vas te découvrir des muscles dont tu ne soupçonnais pas l’existence. Tes abdos te tirailleront, et les ampoules vont te défoncer les pieds, si bien que le moindre pas te provoquera des décharges électriques jusque dans les cheveux. Tu auras soif, mais boire te filera la nausée. Tu auras faim, mais manger te fera mal au ventre (et c’est un euphémisme). Tes jambes seront plus dures que des bouts de bois et la sueur te brûlera les yeux. Mais si ce n’est pas rien, c’est pas tout, car la souffrance va également arriver.
Et là, tu pourras voir ce que tu as dans le bide. Toutes les critiques que tu as pu te prendre dans la gueule depuis que tu es né vont remonter méticuleusement à la surface; et selon le nombre de kilomètres parcourus, tu pourrais même voir les personnes qui te les ont dites te les balancer à nouveau. Et le pire, c’est que tu y croiras. Alors, quand tu entendras que t’es qu’une feignasse un peu trop potelée qui n’a aucune idée de ce qu’elle veut faire de sa vie, essaie de ne pas trop y prêter attention. Et continue d’avancer.
Puis des souvenirs vont remonter à la surface. Et comme le hasard fait bien les choses, ce ne sont pas les plus chouettes qui te reviendront. Tantôt tristes, tantôt énervants, parfois traumatiques, ils vont te secouer, te remuer et te perturber bien plus que de raison. Ils y arriveront, mais ne t’empêcheront pas de continuer d’avancer.
Il va même t’arriver de pleurer sans savoir pourquoi. Entre l’émotion de ce que la fatigue va aider à faire remonter et les douleurs physiques, ça va y aller; je peux même te dire que tu seras une pleureuse professionnelle dès que les distances dépasseront les 60km. Ces larmes pourront te ralentir, mais jamais elle ne doivent te faire abandonner.
Et l’angoisse va arriver ensuite. Avec les questions un peu bizarres qui vont avec, du style “si je m’arrête ici, est-ce que je vais mourir ou on va me retrouver avant ?”. En général, ces questions constitueront une sorte de déclic chez toi. La motivation terrassera alors l’angoisse, les larmes disparaîtront (non sans mauvaise foi, tu diras que tu as juste sué des yeux), tu colleras des manchettes aux oiseaux de mauvais augure et tu imagineras ta fille (car oui, tu ne le sais pas encore, mais dans moins de neuf mois, tu vas avoir une fille) porter ta médaille et ne pas vouloir la lâcher et tu verras, ça vaudra tous les remontants du monde. D’ailleurs, tu auras une photo d’elle toujours dans la poche de ton sac et tu ne t’en sépareras jamais.
Ce temps faible sera alors reparti aussi vite qu’il était arrivé. Et si tu vas en avoir à toutes les longues distances que tu vas parcourir, ils seront toujours aussi compliqués à gérer. Apprends à les apprivoiser et à mettre des mécanismes en place pour qu’ils passent plus vite, mais n’espère pas trop les éviter.
Et quand finalement tu auras franchi la ligne d’arrivée, une fois les quelques jours de courbatures passés, tu n’auras qu’une hâte, c’est de recommencer. Car le trail est une aventure extraodinaire, tant intérieure qu’extérieure.
Amuse-toi bien.
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crédit photo : utrail