On a souvent tendance à comparer François D’Haene et Kilian Jornet. Ce n’est pas anormal, puisqu’à eux deux, ils ont constitué les deux tiers de ce qui s’est fait de mieux dans l’histoire du trail (le troisième tiers étant occupé par Jim Walmsley).
L’esprit trail selon François d’Haene et Kilian Jornet.
Ici, on ne va pas s’amuser à comparer leurs niveaux, leurs palmarès respectifs ou encore leurs évolutions de carrière (enfin si, on va le faire un peu, mais de manière légèrement détournée). Non, rien de tout cela. Nous allons plutôt nous intéresser à l’image que chacun renvoie du trail. Et quand nous scrutons les avis, les analyses, les différents signaux, nous nous apercevons que chacun a une conception du trail aux antipodes de l’autre. En préambule à ce qui va suivre, l’idée ne sera certainement pas de dire qu’une vision est mieux que l’autre. Elles sont juste différentes, chacun se trouvera plus à l’aise dans une des deux (nécessairement ? cela reste à voir, mais c’est bien possible).
François d’Haene : « Les copains d’abord »
Commençons par François d’Haene. Si l’on devait résumer sa philosophie, cela peut nous ramener à la légendaire chanson de Brassens « les copains d’abord ». Pourquoi ? Parce que François a la convivialité cheville au corps. Quand j’ai eu l’occasion de le rencontrer et d’échanger brièvement avec lui, ce qui était frappant, c’était l’importance qu’il accordait à l’esprit de groupe. Ses « projets » à grande échelle, ses sessions d’entraînements se font rarement en solo ; parce qu’il n’envisage pas d’aller se faire mal sans une bonne bouffe et un bon verre de rouge partagé avec les copains après.
D’ailleurs, si vous regardez les publications qui sont les siennes sur les réseaux sociaux, cette convivialité se retrouvera quasiment partout.
Egalement, ce n’est pas tout à fait un hasard si, en parallèle à sa carrière de trailer, il a choisi le vin, qui est peut-être ce qui symbolisera le mieux la convivialité en France (avec modération bien sûr).
Kilian Jornet : « Man Versus Wild »
Kilian Jornet se situera lui aux antipodes de François. Du fin fond de sa personnalité, je ne sais pas s’il est comme ça ; en tout cas, l’image qu’il veut montrer de lui est celle-ci. Souvent, sur ses vidéos publiées sur Instagram où il file le vertige à tout le monde, il est seul (ou accompagné d’une seule personne). Kilian Jornet se met le plus souvent en scène seul face ou au milieu de la nature.
Sur la série de documentaires « summits of my life », on s’aperçoit que s’il est très sympathique, il a un cercle relationnel assez restreint. Il y a forcément Emelie Forsberg (le contraire serait déprimant), et assez souvent Mateo Jacquemoud, qui l’a accompagné sur bon nombre de sommets, mais aussi sur la Pierra Menta (en 2016).
Face à un François qui mettra l’humain avec un H au cœur de ses projets, Kilian privilégiera la nature avec un grand N.
Cette mise en scène a un sens plus large, en ce sens qu’elle ramène inexorablement à la petitesse de l’homme face aux grands espaces. Et au fond, ça fait partie des messages qu’il veut transmettre, tant via ses vidéos que via sa fondation.
François d’Haene et Kilian Jornet
Comme dit en intro, il serait stupide de dire qu’une vision vaut mieux que l’autre, c’est un peu à chacun de voir comment il est le plus à l’aise. Selon qu’on fait du trail pour se retrouver avec soi-même face à la nature ou avec les potes. A titre personnel, je crois que fondamentalement, je serais plus du côté de Kilian (pour être honnête, l’an dernier, j’étais convaincu de l’être, puis j’ai été accompagné assez longtemps durant mon dernier ultra, et j’ai découvert combien cet esprit de convivialité pouvait donner des ailes).