Pourquoi Strava façonne notre vision de la course ?
La course à pied, autrefois un effort solitaire et presque intime, s’est transformée avec l’avènement d’applications comme Strava. Cet outil, qui mesure nos kilomètres et glorifie nos records, ne se contente pas de suivre notre activité physique : il redéfinit la manière dont nous percevons et partageons notre pratique. Mais pourquoi avons-nous tant besoin de ces données pour valider nos efforts ?
Strava, un miroir numérique de soi-même
Courir, c’est souvent une quête personnelle : dépasser ses limites, savourer un effort ou simplement se vider la tête. Pourtant, Strava bouleverse cette intimité en transformant chaque foulée en donnée. Distance, vitesse, dénivelé : tout devient mesurable et, surtout, visible. Cet affichage public agit comme un miroir numérique, où chaque coureur se regarde sous le prisme de la performance.
Mais ce miroir n’est pas neutre : il reflète aussi les attentes des autres. Publier sa sortie, c’est accepter un regard extérieur, qu’il soit bienveillant ou critique. Et pour certains, ce simple fait de “montrer” devient une motivation : si l’effort n’est pas enregistré et applaudi, a-t-il réellement existé ?
Le paradoxe du partage : solidarité ou exhibition ?
Strava a créé un phénomène fascinant : elle connecte des milliers de coureurs à travers le monde. Grâce aux groupes, aux segments partagés ou aux défis mensuels, elle offre une forme de solidarité unique. Il n’est plus rare de voir des inconnus se féliciter ou s’encourager à distance.
Mais cette mise en commun de l’effort a aussi ses travers. En partageant leurs exploits, certains utilisateurs cherchent à se démarquer ou à impressionner, brouillant la frontière entre sincérité et mise en scène. Les sorties les plus modestes passent sous silence, et les parcours les plus spectaculaires deviennent des trophées à exhiber. Ce comportement n’est pas anodin : il nourrit une compétition silencieuse où l’authenticité s’efface parfois derrière le besoin d’être admiré.
Une pression invisible sur nos foulées
Ce besoin d’enregistrer chaque course peut également générer un effet pervers : la pression. Certains traileurs avouent modifier leurs itinéraires ou pousser leurs limites pour que leur session “mérite” d’être publiée. D’autres confessent ressentir de la frustration quand leur montre GPS tombe en panne ou que leur sortie ne s’affiche pas comme prévu. Cette quête du “parfait parcours” peut détourner de l’essence même de la course, où le plaisir de l’instant prime sur la donnée.
Ce phénomène révèle une tendance plus profonde : l’obsession de la validation externe. Strava devient alors un juge silencieux, nous poussant à courir non pour soi, mais pour exister aux yeux des autres.
Reprendre le contrôle : courir pour soi avant tout
Si Strava peut inspirer, elle ne doit pas devenir une prison. Retrouver le plaisir brut de courir implique parfois de lever le pied sur les enregistrements et les partages. L’effort authentique, celui qui ne cherche ni gloire ni validation, reste au cœur de la pratique sportive.
Finalement, avons-nous réellement besoin de Strava pour exister ? Peut-être pas. Mais dans un monde hyperconnecté, cette application incarne un besoin plus profond : celui de faire partie d’une communauté, tout en se construisant une identité à travers l’effort. La clé réside dans l’équilibre : utiliser Strava comme un outil, sans jamais en devenir l’esclave.
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