Il a enfin posé le pied à terre.
Acheter le livre de Mathieu Blanchard
Après une traversée de l’Atlantique marquée par des images fortes et un journal de bord très personnel, Mathieu Blanchard a terminé son défi à bord de l’IMOCA MSIG Europe.
Et comme souvent avec lui, cette aventure a été racontée de l’intérieur, avec ses émotions, ses failles, ses doutes, ses douleurs et ses images brutes, au point de susciter une question récurrente : pourquoi ce récit de la souffrance fascine-t-il autant ?
Ce n’est pas nouveau. À chaque projet, Mathieu Blanchard partage beaucoup et intensément.
Ses récits, souvent en format court, stylisés comme des notes de machine à écrire, s’accompagnent d’images du quotidien : les mains abîmées, le visage tiré, les nuits courtes, les moments de fatigue ou de remise en question. Cette transparence fait partie de son identité publique et de sa manière de communiquer depuis plusieurs années.
Une mise en scène assumée de l’effort
Sur les réseaux sociaux, le triple finisher de l’UTMB n’a jamais caché ce qu’il vit physiquement. On l’a vu décrire ses difficultés lors de la Yukon Arctic Ultra, de l’UTMB, de la Diagonale des Fous ou encore de cette Transat Café L’Or, où il a partagé plusieurs textes évoquant la fatigue, les douleurs aux côtes, la perte de repères ou le manque de sommeil.
Son écriture, rythmée et introspective, donne à ces moments une dimension presque littéraire. Cela crée un style, une signature, et un rapport particulier avec son public, qui attend de lui non pas seulement un résultat sportif, mais une immersion émotionnelle.
Il ne s’agit pas ici de contester la réalité de ce qu’il ressent, ni de le présenter comme exagérant sa douleur. Ce que ses publications montrent est authentique, parce qu’il les choisit et les partage lui-même. Ce que l’on peut analyser, en revanche, c’est la place centrale que prend désormais la narration de la souffrance dans la communication sportive moderne, et pourquoi des athlètes comme lui y recourent.
Un champion de très haut niveau dans un monde hypermédiatisé
Mathieu Blanchard est objectivement un athlète exceptionnel. Ses performances le prouvent : podium à l’UTMB, victoire sur la Yukon, exploits répétés sur des formats extrêmes… Peu de sportifs cumulent à la fois ce niveau de résultat et cette capacité à raconter ce qu’ils vivent.
Et c’est justement cette double compétence qui le distingue.
Dans un univers où les athlètes doivent maîtriser leur image, séduire des partenaires, créer une communauté engagée, la narration des émotions joue un rôle clé. Montrer l’effort brut, les moments de doute, les coulisses d’une préparation ou d’un défi extrême, c’est aussi montrer le travail invisible, celui que les caméras ne filment pas.
En ce sens, la traversée de l’Atlantique est un exemple parfait de ce que pourrait être la communication sportive dans les années à venir : un mélange de performance, de storytelling, de vulnérabilité et d’authenticité.
Le rapport au danger, un thème qui interroge
Dans beaucoup de ses récits, Mathieu Blanchard évoque la peur, la fragilité, parfois la sensation d’être submergé. Ce ne sont pas des insinuations : ce sont ses propres mots, publiés sur son Instagram et relayés par les médias.
Mais la question est légitime : pourquoi partager ces moments avec autant de précision ?
Parce qu’ils sont centraux dans sa manière de vivre le sport. Parce qu’ils disent quelque chose de la réalité du dépassement de soi. Parce qu’ils créent un lien fort avec ceux qui le suivent.
Dans un monde où le sport est souvent résumé à des chronos ou à des classements, lui choisit de raconter ce que l’on ne voit jamais : la part intérieure, fragile, instable. Et c’est précisément ce que son public recherche.
Une personnalité forte dans un paysage qui change
Si Mathieu Blanchard occupe un tel espace médiatique, ce n’est pas par hasard.
Il réussit à combiner trois dimensions :
- un niveau sportif hors norme ;
- une histoire personnelle qui inspire ;
- une capacité à produire du contenu qui capte l’attention.
C’est une stratégie de communication moderne, fréquente dans le sport professionnel : les athlètes ne racontent plus seulement leurs résultats, ils racontent leur expérience. Et cette expérience est souvent chargée en émotions, en souffrance, en doutes, parce que le public s’y projette.
Il ne s’agit donc pas de dire qu’il “exagère”, “met en scène” ou “dramatise” : il choisit une forme de narration qui lui est propre. Une forme qui fonctionne, et qui fait partie intégrante de son identité sportive.
Une figure du sport business… et du sport tout court
Dans l’écosystème du trail, très exposé médiatiquement depuis une dizaine d’années, Mathieu Blanchard fait partie de ceux qui ont compris que la visibilité est un outil, au même titre que la performance.
Réseaux sociaux, podcasts, interviews, collaborations diverses : il fait partie de cette génération d’athlètes qui savent manier le récit autant que la foulée.
Peut-on lui reprocher cela ? Non. C’est la réalité du sport moderne.
Peut-on l’analyser ? Oui, et c’est même essentiel pour comprendre l’évolution de notre discipline.
En résumé, ce qui frappe dans ses publications, ce n’est pas la douleur elle-même. C’est la façon dont elle devient un langage.
Il en fait un fil rouge, une matière narrative, un miroir des émotions humaines. Et cela explique pourquoi ses récits attirent autant, dérangent parfois, fascinent toujours.
Le public ne suit pas seulement l’athlète. Il suit l’histoire.
Lire aussi
- Golden Trail Series : le circuit mondial qui redéfinit le trail running
- Live CCC : comment suivre la petite soeur de l’UTMB en direct
- « Tu connais pas l’UTMB ?” : ce comportement agace tout le monde selon une étude de l’INRSS
- Pourquoi le trail est schizophrène
Lire encore
- Pourquoi Mathieu Blanchard n’y arrive pas sur la Transat Café L’Or
- La vraie gagnante de la Transat Café l’OR sera une nouvelle fois Violette Dorange






