UTMB # Chamoniards
Chamonix ou l’art de cracher dans la fondue
Il y a un paradoxe savoureux dans cette vallée. Peut-être même une forme de schizophrénie collective. À longueur d’année, certains habitants de Chamonix fustigent le sur-tourisme, les traileurs envahissants, les compétitions « commerciales » comme l’UTMB, et la prétendue « privatisation de la montagne ».
Et pourtant… ils vivent là. Dans la vallée la plus chère de France, celle où le mètre carré explose, où les chalets se vendent comme des Tesla, et où chaque saison touristique est une bénédiction économique.
Soyons clairs : à Chamonix le tourisme, ils ne le subissent pas. Ils en vivent.
« Chamonix est saturé ! »
Oui, et c’est exactement ce qui fait monter votre foncier et vos studio que vous louez en Airbnb.
À force de voir les plaintes pleuvoir sur les réseaux, on en viendrait presque à croire que la vallée est prise en otage. Pourtant, personne n’a été forcé de s’y installer. Chamonix, ce n’est pas un recoin oublié de la montagne. C’est la vitrine mondiale des Alpes françaises, un haut lieu du ski, de l’alpinisme… et depuis vingt ans, du trail.
Et ce succès n’a pas que des inconvénients. Il a une valeur. Une vraie.
La valeur de vos commerces, de vos gîtes, de vos biens immobiliers. La valeur de vos murs, de vos terrains, de vos parts de résidence secondaire.
Alors oui, il y a du bruit, du passage, des queues chez Super U et des coureurs qui « ne regardent pas le paysage » (selon certains). Mais il y a aussi du revenu, du dynamisme, de la demande, de la visibilité. Tout ce qui fait grimper les prix que beaucoup encaissent sans rechigner.
L’UTMB, bouc émissaire facile d’un modèle que la vallée a choisi
Que certains habitants se disent « exaspérés » par les traileurs courant trop vite ou regardant trop leur montre est presque comique.
Chamonix a tout fait pour attirer l’attention mondiale, pour devenir un terrain de jeu géant, un spot de prestige. L’UTMB ne fait que prolonger cette logique : de la haute montagne, des caméras, des marques, des images léchées. Et, en retour, des réservations, de la consommation, de l’argent.
Alors pourquoi cet acharnement contre une course qui ne dure qu’une semaine par an, mais qui irrigue toute l’économie locale ? Peut-être parce que c’est plus facile de critiquer les coureurs que de questionner ses propres choix de société, d’urbanisme, de modèle économique.
Pas de tourisme sans touristes
Chamonix veut le beurre, l’argent du beurre et la tranquillité d’une vallée fantasmée. Mais on ne peut pas habiter dans une station de renommée mondiale, dans des logements qui valent trois fois plus que la moyenne française, et jouer les résistants anti-système à chaque fois qu’un trailer passe devant sa clôture.
Alors oui, il y a des abus. Oui, la montagne mérite d’être protégée. Mais ce ne sont pas les coureurs qui ont défiguré les pentes à coups de béton et de télécabines. Ce ne sont pas eux qui ont vendu les terres. Ce ne sont pas eux qui ont ouvert la porte.
Et peut-être qu’un peu de cohérence, parfois, ferait autant de bien à l’air chamoniard que trois jours sans vent dans la vallée de l’Arve.
Résumé
Dans cet éditorial à contre-courant, on s’attaque à une contradiction bien ancrée dans la vallée de Chamonix : celle d’habitants qui profitent à plein du tourisme, de la notoriété mondiale de leur région et de l’UTMB, tout en dénonçant bruyamment les nuisances du sur-tourisme et des traileurs. Le texte pointe du doigt une certaine hypocrisie : on ne peut pas habiter dans la station la plus valorisée des Alpes, vendre à prix d’or le moindre mètre carré, et se poser en victime d’un système qu’on alimente. L’UTMB n’est pas un envahisseur : il est la conséquence logique d’un modèle que la vallée a choisi. Le vrai problème n’est pas le trail, mais le refus d’assumer.
❓ FAQ – Chamonix et l’UTMB : hypocrisie ou légitime ras-le-bol ?
Comment s’appellent les habitants de Chamonix ?
On les appelle les Chamoniards et Chamoniardes.
Pourquoi certains Chamoniards critiquent-ils l’UTMB ?
Certains dénoncent une « privatisation » de la montagne, une foule trop dense, et un modèle jugé trop commercial. Ils pointent aussi l’attitude de certains coureurs focalisés sur leur performance.
Est-ce que l’UTMB profite à la vallée ?
Oui. L’événement génère des retombées économiques majeures : hébergements, restauration, commerces, notoriété touristique, emplois saisonniers. Il contribue à maintenir l’attractivité et la valeur foncière du territoire.
L’UTMB génère des retombées économiques majeures pour la vallée de Chamonix, estimées à 23 millions d’euros en consommation directe sur les 18 communes de l’espace Mont-Blanc. Chaque année, l’événement entraîne plus de 70 000 nuitées, dont 55 000 uniquement à Chamonix, avec une hausse moyenne de +30 % du chiffre d’affaires pour les commerces locaux pendant la semaine. Ce dynamisme ne se limite pas à l’été : 80 % des coureurs affirment vouloir revenir dans la région, notamment en hiver, prolongeant l’impact touristique bien au-delà de la course. Autrement dit, l’UTMB n’est pas une nuisance : c’est un moteur économique puissant, qui irrigue tout un territoire.
Les Chamoniards sont-ils tous contre le trail ?
Non. Beaucoup en vivent directement ou indirectement. Mais une minorité bruyante alimente un discours ambivalent, critiquant les excès… tout en bénéficiant du système.
Le trail est-il plus destructeur que les autres formes de tourisme ?
Objectivement, non. Comparé aux aménagements lourds pour le ski ou l’immobilier touristique, le passage de coureurs sur les sentiers pendant quelques jours par an a un impact environnemental limité — surtout sur un terrain déjà surexploité.
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