« Nolan’s m’a surpris par son côté sauvage. Plus de 50 % du parcours est hors sentier — soit en forêt, où il faut se frayer un passage dans les buissons et les branches, soit en montagne, au milieu des éboulis ou le long de crêtes. » — Kilian Jornet
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Un enchaînement à la hussarde pour Kilian Jornet
À peine l’Elks Traverse bouclée vers 2 h du matin le 9 septembre, Kilian ne s’accorde que 3 h 30 de sommeil. Il remet le réveil sur la Sawatch Range pour s’attaquer à Nolan’s 14, la diagonale légendaire qui relie d’un seul trait quatorze sommets de plus de 4 267 m entre Leadville et Salida. Deux des quatorze, Massive et Elbert, avaient déjà été gravis avant la parenthèse des Elk Mountains. Restent douze géants à enchaîner, la plupart loin des sentiers.
Il repart à vélo au petit matin, refranchit l’Independence Pass, et s’interrompt même au bord de la route pour une courte visio familiale. À la mi-journée, il met le cap sur La Plata Peak en compagnie de Lewis Wu (co-fondateur de Coros). Les incendies imposent un changement d’itinéraire et, plus haut, l’orage, la pluie puis la neige accrochent Ellingwood Ridge. Plusieurs haltes forcées sous l’averse, et la mécanique du jour prend du retard. Kilian poursuit ensuite seul dans la nuit, avalant crêtes et vallons au rythme d’une progression obstinée. Au pied du Mount Princeton, Sage Canaday le rejoint et l’accompagne jusqu’au final, dans une seconde nuit coiffée par les giboulées. À l’aube du 11 septembre, la ligne de Nolan’s est complète.
Nolan’s 14 n’est pas une « course » au sens classique : il n’y a pas de parcours imposé. On choisit ses lignes de crêtes, ses coupes dans les forêts, ses traversées d’éboulis, à condition de toucher les quatorze sommets dans l’ordre. C’est un voyage à haute altitude où l’endurance, l’orientation et la gestion du sommeil comptent autant que les jambes. Visiblement Kilian a pris l’option de gérer le sommeil… par le mépris !
Les douze sommets franchis dans la foulée
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La Plata Peak (4 377 m)
Ouvre la porte du bloc central : une montagne ample, nervurée d’arêtes raides et de dalles brisées, idéale pour tester la lucidité au sortir d’une nuit courte.
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Missouri Mountain (4 319 m)
Dresse une crête effilée, très alpine, au-dessus de Pine Creek.
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Belford (4 327 m) et Oxford (4 314 m)
Sont de véritables faux jumeaux reliés par une longue dorsale : herbe, schistes, puis le balancier d’éboulis du retour.
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Harvard (4 396 m)
Plus haut sommet de la ligne, se mérite : une montée interminable, de grands replats minéraux, l’impression d’évoluer sur un toit.
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Columbia (4 290 m) est trompeur
Voisin de Harvard, mais son versant d’éboulis se dérobe sous les pieds.
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Yale (4 324 m)
Ressemble à une ascension classique de la Sawatch… jusqu’à ce que la fatigue transforme ses pierriers en escalier sans fin.
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Princeton (4 327 m)
Domine Buena Vista comme une citadelle gris clair. C’est ici que Sage Canaday rejoint Kilian pour les dernières heures.
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Antero (4 269 m)
Garde sa réputation de montagne minière : des pistes jusqu’aux hautes croupes, où l’altitude seule devient un adversaire.
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Tabeguache (4 397 m) et Shavano (4 335 m)
Ferment la marche au sud. Au petit matin, dans la neige soufflée, ils offrent l’image d’une ligne tenue jusqu’au bout.
Le bloc « No rest on Nolan’s » en chiffres (cartes publiées)
- nolan’s
Vélo d’approche par l’Independence Pass : 76 km, 3 h 45, +1 382 m.- Course sur la ligne de Nolan’s (12 sommets) : 118 km, 39 h 58, +11 027 m.
- Total de l’étape : 194 km, 43 h 45 d’effort cumulé, +12 409 m de dénivelé, 30 minutes de micro-sieste.
En moins de deux jours effectifs, Kilian boucle l’intégralité de Nolan’s 14, immédiatement après l’Elks Traverse. Additionnées, ces deux séquences représentent environ 69 heures de mouvement pour seulement 4 heures de sommeil. Dantesque !
Compteurs globaux après Nolan’s
32 fourteeners validés sur 66, presque la moitié, mais pas la moitié du parcours !
523 km parcourus (course + vélo).
43 290 m de dénivelé positif cumulés.
144 h 34 min d’activité totale depuis le départ du projet.
La suite du programme : Pikes Peak en ligne de mire
À l’est, isolé au-dessus des plaines, se dresse Pikes Peak (4 302 m), l’un des sommets les plus emblématiques du Colorado. Il se situe à un peu plus de 100 km des dernières cimes de la Sawatch et s’impose comme la suite logique. Montagne solitaire desservie par une longue route panoramique, Pikes Peak est au Colorado ce que le Mont Ventoux est à la Provence : un repère culturel et sportif, visible de très loin, mais ici perché au-dessus de 4 300 m. La question est désormais tactique : Kilian choisira-t-il un aller-retour à vélo de plus de 200 km comme « récupération active » avant de reprendre le fil des sommets ? Dans tous les cas Kilian va commencer ici à se mesurer aux très larges distances qui relient les sommets les uns des autres !
Une suite sous haute tension climatique
Si l’exploit de Nolan’s 14 confirme une nouvelle fois l’extrême résilience de Kilian Jornet, la suite du projet States of Elevation s’annonce tout aussi exigeante, à plus d’un titre.
Les conditions météorologiques se durcissent, comme en témoigne la neige rencontrée dès le 11 septembre, et des feux de forêt ont déjà contraint l’athlète à modifier son itinéraire sur La Plata Peak.Rien n’indique pour l’instant que ces incendies menacent directement le projet dans son ensemble, mais leur présence rappelle à quel point le Colorado reste vulnérable aux aléas climatiques en cette fin d’été. Les prochaines étapes, notamment vers Pikes Peak, pourraient ainsi se jouer sous la double contrainte de la fatigue accumulée et d’un environnement de plus en plus instable. States of Elevation avance… mais la montagne, elle, reste souveraine.Lire aussi sur Kilian Jornet
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