Depuis son départ du circuit UTMB, Kilian Jornet entretient une relation ambivalente avec Chamonix. Il ne s’y aligne plus. Il critique (en creux) son évolution. Il se pose en alternative.
Mais cette année encore, difficile de ne pas relever le timing : son nouveau projet States of Elevation, une traversée des Rocheuses à vélo et à pied, démarre début septembre… pile pendant la grande semaine UTMB.
Alors, coïncidence ? Provocation ? Ou stratégie bien huilée ?
States of Elevation, pas contre, mais à côté. Et surtout, au même moment.
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Il est tentant de voir dans ce projet une forme de contre-modèle. Comme en 2024 avec Alpine Connections, Jornet s’affiche ailleurs pendant que Chamonix brille.
Mais cette fois, un nouveau doute s’installe :
Avec States of Elevation, et si Jornet ne cherchait pas à s’opposer à l’UTMB… mais simplement à exister en parallèle ?
Car en réalité, lancer States of Elevation en même temps que l’UTMB, c’est s’assurer un impact médiatique maximal. Tout le monde parle trail. Les yeux sont braqués sur la discipline. Il suffit de lever légèrement la main pour qu’on vous voie. Et Kilian sait parfaitement lever la main au bon moment.
L’UTMB, caisse de résonance involontaire
Il critique le système UTMB/Ironman. Il refuse d’y participer. Il prône une autre vision du trail, plus pure, plus libre. Mais en lançant ses projets pile pendant la grand-messe de Chamonix, il profite malgré tout du bruit médiatique généré par ce même système.
Il n’est pas sur l’affiche, mais il est dans toutes les conversations. Il ne porte pas de dossard, mais il capte l’attention. Et ce, sans se salir les mains.
C’est bien joué. Et ce n’est pas nouveau : Jornet maîtrise depuis longtemps l’art d’être vu… sans donner l’impression de vouloir l’être.
Retour sur une brouille entre Kilian Jornet et l’UTMB jamais totalement assumée
Le divorce entre Kilian Jornet et l’UTMB n’a jamais été officialisé, mais les signes d’un éloignement progressif sont évidents. En 2022, alors que le circuit UTMB World Series passe sous le contrôle du groupe Ironman, Kilian prend ses distances. Il appelle publiquement à soutenir les courses indépendantes, critique implicitement la dérive commerciale du trail, et choisit de ne pas s’aligner sur le circuit. Il continue pourtant de courir à Chamonix… mais uniquement en off, pour s’entraîner ou mener ses propres projets.
En 2023, il est absent de la startlist. En 2024, il lance Alpine Connections, un projet personnel d’envergure dans les Alpes, démarré précisément pendant la semaine de l’UTMB. Beaucoup y voient un pied de nez à la grande machine. Lui reste silencieux. Aucune attaque directe. Aucune déclaration polémique. Mais un retrait calculé, presque chorégraphié.
Cette ambivalence n’est pas nouvelle. Dès 2010, lors de l’interruption chaotique de l’UTMB en raison d’une tempête, Kilian avait vécu une première forme de rupture avec l’organisation — entre informations contradictoires dans les ravitaillements et frustration collective, l’épisode avait laissé des traces. Pourtant, au fil des années, il est resté l’une des figures emblématiques de la course. Jusqu’au moment où la mue industrielle de l’événement avec Ironman a cristallisé les tensions.
L’hiver 2023-2024 marque un tournant plus explicite. Dans un courriel co-signé avec Zach Miller, dévoilé en janvier, Jornet appelle les élites à « choisir d’autres courses » que celles de la série UTMB. Le message est perçu comme un appel au boycott, motivé par des critiques sur la gouvernance du circuit et le système de qualification. UTMB Group répond rapidement, organise une visio le 23 janvier, et publie un communiqué évoquant un besoin de transparence et d’échanges renforcés avec les athlètes. La presse spécialisée parle alors d’apaisement et d’ouverture d’un canal de dialogue.
Mais rien n’a été tranché. Car malgré les désaccords, la rupture ne se fait jamais complètement. Au printemps 2025, Kilian s’aligne au Chianti Ultra Trail by UTMB, qu’il termine deuxième derrière Jim Walmsley. Un choix pragmatique, qui montre que l’histoire entre Kilian Jornet et l’UTMB ne se résume ni à une fidélité aveugle, ni à une opposition radicale. Plutôt à une relation complexe, faite d’admiration, de critiques, de tensions… et d’un certain besoin mutuel de visibilité.
Peut-on parler de parasitisme commercial ?
Kilian Jornet ne participe plus à l’UTMB, mais son projet States of Elevation en épouse curieusement le calendrier. Il bénéficie de l’effervescence médiatique créée par l’événement sans jamais en assumer les codes ni les contraintes. Il ne s’inscrit pas. Il ne paie pas de dossard. Il ne respecte aucune charte. Mais il récolte l’attention. En marketing, cela porte un nom : parasitisme d’image. Il s’agit de s’associer indirectement à une marque ou un événement sans autorisation, dans le but d’en tirer bénéfice. Bien sûr, on pourrait objecter que States of Elevation est une aventure personnelle, déconnectée de tout enjeu commercial. Mais quand ce projet est lancé au moment précis où la planète trail a les yeux tournés vers Chamonix, avec une communication parfaitement orchestrée, un soutien logistique, des relais presse, et probablement un futur documentaire à la clé, la frontière devient floue. Très floue.
stratégie ou hasard ?
Il ne s’agit pas de blâmer. Kilian a le droit de mener ses projets quand il veut, où il veut.
Mais à force de synchroniser ses aventures avec l’UTMB sans jamais y participer, une question s’impose :
cherche-t-il vraiment à s’en extraire, ou à y exister autrement ?
Résumé
Kilian Jornet lancera début septembre 2025 son projet States of Elevation, une traversée des Rocheuses à vélo et à pied. Un timing qui interpelle : la date coïncide exactement avec celle de l’UTMB, événement auquel il ne participe plus depuis plusieurs années. Loin d’un boycott frontal, ce choix s’inscrit dans une stratégie plus subtile : exister en marge de l’UTMB tout en profitant de son aura médiatique. Le texte revient sur les tensions passées entre Jornet et le groupe UTMB, évoquant ses critiques sur la gouvernance, son appel à privilégier les courses indépendantes, et son retrait progressif du circuit. Mais malgré cette distance affichée, il continue de graviter dans l’écosystème UTMB, comme en témoigne sa participation au Chianti Ultra Trail by UTMB en mars 2025. Entre rupture et dépendance tacite, Kilian Jornet joue une partition ambiguë : il s’efface, mais capte toujours la lumière.
FAQ – Tout comprendre sur States of Elevation
🗓 Quand commence exactement States of Elevation ?
Le départ est prévu pour début septembre 2025, quelques jours avant l’UTMB. Kilian commencera depuis le Longs Peak (Colorado) avec une traversée technique surnommée “LA Freeway” (source : SnowBrains, Outside Online).
🗺 Quel est l’objectif du projet ?
Relier, à pied et à vélo, tous les sommets de plus de 14 000 pieds (4 267 mètres) des États-Unis contigus. Cela concerne environ 67 à 96 sommets, selon les critères (certains classements montent jusqu’à 96 en incluant les sommets secondaires).
🚴♂️ Par quels moyens se déplacera-t-il ?
Kilian alternera entre vélo (pour relier les massifs) et ascension à pied ou en courant pour chaque sommet. Il se déplacera uniquement en autonomie musculaire, mais accompagné d’une petite équipe pour la logistique.
📍 Quelles zones seront traversées ?
Principalement :
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Le Colorado (où se concentre la majorité des 14ers),
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La Californie (Sierra Nevada),
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L’État de Washington (avec le Mont Rainier comme point final).
🧭 Combien de kilomètres au total ?
Le parcours prévoit environ 2 000 à 2 800 km à vélo, auxquels s’ajoutent des centaines de kilomètres d’ascension, souvent en haute montagne et hors sentiers battus. L’effort est estimé supérieur à Alpine Connections, son défi de 2024 dans les Alpes.
🏆 Est-ce une tentative de record ?
Officiellement, non. Jornet ne cherche pas à battre un FKT (Fastest Known Time), mais à explorer une forme d’aventure personnelle mêlant endurance, exploration et engagement physique extrême.
👨👩👧👧 Sa famille le suit-elle ?
Oui. Comme confirmé dans une interview post–Western States, sa femme Emelie Forsberg et leurs trois filles l’accompagneront sur une partie de la route, faisant de ce voyage une aventure sportive et familiale à la fois (source : SnowBrains).
🎥 Le projet sera-t-il médiatisé ?
Oui, un suivi est prévu : publication sur ses réseaux sociaux, probable documentaire via NNormal (sa marque), et plusieurs articles dans la presse outdoor internationale. Il est déjà mentionné par Outside, SnowBrains et Trail Runner Magazine.
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Cet article relève de l’exercice journalistique d’analyse, d’opinion et d’interprétation, dans le cadre du droit à l’information, à la critique et à la liberté d’expression. Il ne vise en aucun cas à dénigrer une personne ou une organisation, mais à nourrir un débat public sur l’évolution du trail running et la communication autour des grands événements sportifs.
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