Quand la France n’aime pas ses gagnants
Ce matin, c’est tout un pan de l’Histoire du cyclisme français qui s’en est allé. En effet, Raymond Poulidor, dit « Poupou », s’est éteint à l’âge de 83 ans. Il restera un des sportifs français les plus populaires, en raison notamment de cette image d’éternel second. Et aussi incompréhensible que cela puisse paraître, c’est cette image (qui, soit dit en passant, n’est pas tout à fait correct, Poupou ayant un palmarès plus important qu’on ne le croit) qui a contribué à en faire un des sportifs les plus appréciés.
Jouons à un petit jeu. Si je vous demande le premier cycliste des années 60/70 qui vous vient en tête, à qui penserez-vous ? Je suis convaincu que c’est Poulidor qui est venu en tête d’une majorité d’entre vous. Alors que dans les années 60, Jacques Anquetil a remporté cinq tours de France et que dans les années 70, Eddy Merckx en a remporté autant (sans compter les tours d’Italie). Et sur les cinq ans entre la domination d’Anquetil et celle de Merckx, Poulidor n’a jamais réussi à tirer son épingle du jeu, avec franchement une malchance digne d’un François Pignon des grands (notamment en 1968).
C’est bien malgré lui que Raymond Poulidor est devenu une icône populaire. Est-ce qu’il est le symbole ou l’ambassadeur de l’amour que les français ont pour ceux qui ne gagnent pas ? Car oui, ne nous mentons pas, en France, on n’est jamais aussi populaire que lorsqu’on ne gagne pas.
En France, il y a toujours une part de soupçon vis-à-vis de ceux qui gagnent et de ceux qui réussissent. Comme s’ils avaient usurpé quelque chose. Ne nous mentons pas, il y a une forme incontestable de jalousie derrière ça. Beaucoup aimeraient avoir la réussite des sportifs, mais pas 1% n’est prêt à faire les efforts pour. Alors, on préfère cracher sur ceux qui réussissent.
Cette culture de la loose se voit d’ailleurs bien aujourd’hui sur les réseaux sociaux. On préfère porter aux nues les gens « normaux »… A titre d’exemple, je ne comprends toujours pas comment Marine Leuleu peut drainer autant de followers qu’un Julien Wanders, qui aurait mille fois plus à nous apprendre.
Idem, on l’a vu à l’UTMB, Xavier Thévenard n’a jamais été autant encensé que cette année, alors qu’il n’a pas gagné. Idem, si je vous demande de garder un souvenir de la dernière TDS, est-ce que vous penserez plus à la remontada (qui était magnifique, hein) de Ludovic Pommeret ou à la victoire de Pablo Villa Gonzalez ?
Bref, j’espère qu’un jour, la France apprendra à aimer ses vainqueurs ; même si je crains qu’on ne soit trop cons pour y arriver.