Du canapé à la CCC : 18 mois pour devenir ultra-traileur, le pari (scientifique) fou du projet 0 to 100
Et si l’on pouvait passer de la sédentarité totale à l’ultra trail en seulement 18 mois ? C’est le défi inédit que lance le laboratoire stéphanois LIBM à 40 volontaires. Loin d’un simple programme de remise en forme, ce projet baptisé « 0 to 100 » vise à démontrer qu’avec un encadrement scientifique rigoureux, même les plus inactifs peuvent achever l’un des ultra-trails les plus mythiques : la CCC, 100 km sur les sentiers de l’UTMB.
L’objectif ? Prouver que l’humain est biologiquement programmé pour courir… et pour se transformer.
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projet 0 to 100, une transformation suivie à la loupe
Depuis les années 1960, la recherche sur la physiologie de l’effort à Saint-Étienne s’est imposée comme une référence. Avec le projet « 0 to 100 », c’est un nouveau cap audacieux que franchit l’équipe dirigée par Guillaume Millet, chercheur bien connu pour ses travaux sur la fatigue extrême. Accompagné du LIBM (Laboratoire interuniversitaire de biologie de la motricité), il ambitionne ici de documenter une métamorphose complète : physique, psychologique, sociale.
Pendant 18 mois, les 40 participants – 20 femmes et 20 hommes choisis parmi des profils très sédentaires – suivront un protocole encadré mêlant tests en laboratoire, entraînements progressifs, bilans médicaux, mais aussi week-ends collectifs appelés « week-ends chocs ». Tous les cinq mois, un point scientifique sera effectué à l’Institut régional de médecine et d’ingénierie du sport (IRMIS), au sein du CHU de Saint-Étienne, véritable centre névralgique du projet.
Le trail comme horizon d’une révolution intérieure
Ce n’est pas seulement une question de kilomètres ou de VO2 max. Pour les chercheurs, le cœur du projet réside dans une vérité biologique : notre espèce, Homo sapiens, a évolué en mouvement. Pendant plus de 99 % de son histoire, l’humain a couru, marché, grimpé. Aujourd’hui, l’inactivité menace notre santé autant qu’un virus silencieux. En France, plus d’un adulte sur deux ne bouge pas assez. Le message de « 0 to 100 » est donc radical : ce n’est pas le sport qui est un luxe, c’est l’immobilité qui est une anomalie.
« Nous voulons montrer que tout le monde peut, avec de la méthode et du temps, retrouver son potentiel de mouvement », explique Guillaume Millet. Même ceux qui ne font ni sport, ni marche, ni vélo. Le projet vise à bouleverser l’idée reçue selon laquelle seuls les « prédestinés » seraient capables d’atteindre les sommets du trail.
Un projet miroir : 0 to 40 pour les publics fragiles
En parallèle de ce programme phare, un second projet verra aussi le jour : « 0 to 40 ». Il s’adressera à des personnes atteintes de pathologies chroniques ou en situation de handicap, avec un objectif tout aussi ambitieux : participer à la MCC, une épreuve de 40 km lors de l’UTMB. Ce protocole, bien que plus accessible, sera tout aussi rigoureusement encadré.
Une dizaine de volontaires pourraient être recrutés pour cette variante inclusive, qui ambitionne de montrer que la santé passe aussi par l’effort, même chez des publics plus vulnérables. Là encore, l’approche est individualisée, progressive, et vise à renforcer la confiance tout autant que les capacités physiques.
De la recherche au récit : vers une étude… et un documentaire
Si tout se passe comme prévu, une étude scientifique complète sera publiée début 2028. Elle pourrait devenir une référence mondiale dans le domaine du sport-santé. En parallèle, les étapes du projet seront filmées pour donner lieu à un documentaire, à la croisée de la science et du récit de transformation. À la manière d’une téléréalité intelligente, ce film suivra les parcours, les échecs, les réussites et les émotions des participants.
Même en cas d’abandon, les volontaires bénéficieront d’un soutien psychologique. Car l’expérience, même incomplète, restera un chemin de retour vers soi.
Résumé
Le projet 0 to 100, mené par le laboratoire LIBM de Saint-Étienne, vise à transformer 40 personnes totalement sédentaires en finishers de la CCC, l’ultra trail de 100 km de l’UTMB, en seulement 18 mois. Ce protocole scientifique inédit repose sur un encadrement rigoureux (entraînement individualisé, bilans physiologiques, suivi psychologique, nutrition, matériel) et s’adresse à des participants n’ayant aucune activité physique dans leur quotidien. L’objectif est de démontrer que l’être humain, même déconditionné, conserve en lui le potentiel de redevenir un coureur d’endurance. Une version « 0 to 40 » sera également déployée pour des personnes malades ou handicapées. La publication scientifique est prévue en 2028.
FAQ
Pourquoi la CCC et pas l’OCC ou la TDS ?
La CCC est un format de 100 km et 6000 m D+, exigeant mais accessible dans un projet d’ultra-initiation sur 18 mois. Elle combine haute altitude, terrains variés, barrières horaires réalistes et logistique UTMB optimale pour encadrer des non-initiés. L’OCC est trop courte pour symboliser un “vrai ultra”, et la TDS, trop technique et dangereuse pour des débutants.
Comment le protocole gère-t-il la progressivité de la charge ?
Chaque participant passera par une phase initiale de réadaptation motrice (vélo, marche, renforcement), puis une montée progressive de la charge, avec tests physiologiques tous les 5 mois : VO2max, seuils, force isométrique, etc. Les semaines « chocs » sont intégrées avec gestion fine de la récupération.
Quel est le ratio D+/semaine en fin de protocole ?
Selon Guillaume Millet, les participants devront tolérer des semaines à 4000 à 5000 m de D+ au pic de la prépa, avec des blocs incluant des doubles séances et du travail spécifique en descente pour prévenir la casse musculaire.
Quelle sera l’approche utilisée pour le travail en descente ?
Un protocole de pliométrie encadrée sera mis en place, inspiré des méthodes utilisées pour la TDS ou le Grand Raid, avec séances spécifiques sur tapis inclinable et sentiers techniques. L’objectif est de limiter la dégradation musculaire du quadriceps le jour J.
Y aura-t-il un accompagnement nutritionnel ?
Oui. L’étude inclura un volet nutritionnel (apports glucidiques, gestion hydrique, test de tolérance en effort prolongé). Des recommandations spécifiques seront testées sur les week-ends chocs avec simulation d’alimentation de course (jusqu’à 60 g/h de glucides).
Quel est le modèle d’entraînement utilisé ?
Une périodisation polarisée : 80 % en endurance fondamentale (Zone 1/2), 20 % en intensités variées (seuils lactiques, intervalles en côte, fartlek trail). Des séances croisées (natation, vélo) seront intégrées dans les phases de surcharge pour éviter le surmenage musculo-tendineux.
Les participants auront-ils du matériel spécifique ?
Oui. Le projet est soutenu par l’organisation de l’UTMB, ce qui permet l’accès à du matériel de qualité. L’étude suivra aussi l’impact du matériel (chaussures, bâtons, sacs) sur la fatigue perçue, les blessures, et le confort sur effort de plus de 15 h.
Le protocole inclut-il un suivi de la charge interne ?
Absolument. Les participants utiliseront montres GPS avec capteurs cardiaques, questionnaires RPE, sommeil et bien-être, pour un suivi de la charge interne (TRIMP) et une adaptation permanente. Des données HRV pourraient aussi être récoltées.
Le mental est-il vraiment pris en compte ?
C’est même l’un des axes forts. Des tests de résilience mentale, de stress, de motivation, ainsi que des entretiens semi-dirigés seront menés pour analyser comment l’engagement sur 18 mois transforme les schémas de pensée liés à la douleur, l’effort et la projection de soi.
Quel taux de finishers est visé ?
L’objectif affiché est 80 % de finishers sur la CCC. Mais même 30 % serait déjà une réussite scientifique. L’étude permettra d’identifier les facteurs prédictifs de réussite ou d’abandon sur un ultra chez des ex-sédentaires.