J1234 – Journal d’un confiné
Lundi 16 mars
Ce soir, le président va parler. Au boulot, l’ambiance est très bizarre. On a envie de faire comme si de rien n’était, on n’y arrive pas. On essaie de se soutenir les uns les autres ; avec des mots seulement. C’est déjà ça. Je me rends compte d’un coup des bienfaits d’une simple tape sur l’épaule.
En sortant, je m’aperçois de combien face au stress des autres, il est difficile de garder la tête froide. Un expert en je sais pas trop quoi sur BFM disait que la réaction des gens face au virus était (notamment à cause des réseaux sociaux), autant, voire plus dangereuse que le virus lui-même. Je comprends mieux ce qu’il disait. Difficile d’avoir la tête au sport quand on a le moral dans les chaussettes. Cette ambiance de fin du monde, le ciel gris et les nuages bas n’aident évidemment pas.
En arrivant chez moi, je reçois un message d’un pote habituellement assez pragmatique qui dit qu’on va tous crever. Et forcément, d’un coup, je me remets à stresser. Et une réflexion probablement idiote me vient. Sachant que j’habite seul, si je chope le virus et qu’il m’arrive des complications et que je suis pas en mesure d’appeler les urgences, je fais quoi ?
C’est bizarre, mais ce lundi, mes réflexions ressemblent un peu à celles que je peux avoir quand j’ai un temps faible sur un ultra. C’est un peu rassurant car au moins, je me dis que ça finira par passer.
Mardi 17 mars
Après une nuit un peu hâchée, il fait beau, presque chaud. J’ai l’occasion de courir quelques kilomètres dans le bois juste au-dessus de chez moi (là où j’habite, je respecte les règles). Il y a une drôle d’atmosphère dès que je croise quelqu’un ; on aimerait se parler, se saluer, se rassurer, mais on sait bien qu’on ne doit pas s’approcher pour le moment. On échange un sourir niais et gêné ; c’est toujours ça de pris.
Tiens, c’est marrant, je n’avais jamais fait attention au nombre de fissures qu’il pouvait y avoir sur les murs de ma maison.
Bosser de chez soi a cela de cool que ça permet d’envoyer des mails en pyjama. Je dois bien avouer que j’aime bien.
J’ai pu découvrir le concept de Watsappero avec des potes, ça remplace pas une vraie sortie, mais c’est cool, et au moins, on n’a pas besoin de se demander comment on va rentrer.
Je ne sais pas si c’est parce que je suis chez moi, mais j’ai l’impression d’avoir tout le temps faim… Va falloir trouver des techniques pour éviter de tripler de volume.
Mercredi 18 mars
La solidarité et la bienveillance dont on arrive à faire preuve entre collègues fait chaud au coeur. L’impression d’être tous dans la même galère rapproche indéniablement. Que ce soit dans le stress face au virus, dans les techniques pour occuper les enfants, dans la collaboration de base, on communique beaucoup plus qu’on ne l’avait jamais fait.
En faisant un petit tour sur les réseaux sociaux, c’est effrayant de voir à quel point le fait de ne pas courir peut rendre les gens bêtes et agressifs. Entre ceux qui seraient prêts à dénoncer aux flics ceux qui osent sortir dehors et ceux qui râlent de ne pas pouvoir faire comme si de rien n’était, ça craint… Déjà qu’en général, sur Facebook, les gens ne prennent pas de pincettes, là, c’est open bar dans les insultes (et je dois bien avouer que je prends un malin plaisir à insulter encore plus que d’habitude les gens qui m’énervent).
Une petite promenade dans le quartier ; tout est vide ou quasiment. S’aérer fait un bien fou, bien plus que je le pensais. C’est bien un enseignement que je garderai quand tout ça sera derrière nous.
Mais bordel, comment on peut faire autant de poussière en restant chez soi ?
Jeudi 19 mars
Je ne sais pas si c’est parce que je n’ai plus vu personne depuis quelques jours, mais j’ai l’impression de comprendre ce que signifient les miaulement de mes chats.
Quand je vois un peu les infos et les réactions des gens, je me dis que ceux qui se plaignaient encore récemment qu’on était en dictature doivent s’étouffer maintenant. Et je suis convaincu qu’une bonne partie des blaireaux complotistes anti vaccins sont les premiers à paniquer aujourd’hui du fait qu’on ne sait pas gérer le virus. Les gars, bienvenue dans un monde sans vaccin et où on doit justifier chacun de nos déplacements. Alors à l’avenir, arrêtez de voir de la dictature partout et arrêtez de voir les vaccins comme quelque chose de mauvais. L’expérience vous aura montré la stupidité abyssale de votre réflexion.
Histoire de penser un peu à autre chose, j’ai un peu commencé à planifier l’après-confinement. On a bien compris que les échéances printanières étaient fichues. Celles de l’été vont arriver cependant. Et mine de rien, d’un point de vue assez personnel, regarder à l’horizon aide à ne pas voir qu’on a actuellement les pieds dans la merde. Plus qu’à trouver comment m’entretenir à minima avant de reprendre les choses sérieuses. En espérant qu’on pourra les reprendre le plus rapidement possible. D’ici là, portez-vous bien et restez chez vous un maximum.