Ce week-end, l’Ultra-Trail Harricana du Canada (UTHC) bat tous ses records.
Parmi eux, un chiffre a de quoi surprendre : sur l’épreuve de 60 kilomètres, les femmes représentent soixante-deux pour cent des participants. Dans l’univers du trail, ce taux de participation féminine est non seulement exceptionnel, il est presque inimaginable en France. Pourquoi une telle différence entre les deux côtés de l’Atlantique ?
Le chiffre fou de l’UTHC 2025 : 62 % de femmes au départ du 60 km
La quatorzième édition de l’UTHC, dans la région de Charlevoix au Québec, s’annonce comme historique à bien des égards. Outre la somme colossale récoltée pour la recherche sur la sclérose en plaques, un autre record attire l’attention : la proportion inédite de femmes sur les sentiers.
Sur l’épreuve de 60 kilomètres, elles représentent soixante-deux pour cent des coureurs.
Une majorité claire, revendiquée avec fierté par les organisateurs et les athlètes locales. Pour Anne-Marie Comeau, ancienne fondeuse de haut niveau, cette dynamique est portée par une culture d’encouragement : « Il y a tellement de femmes qui inspirent d’autres jeunes filles que ça amène plus de monde à participer à ces événements », explique-t-elle.
Même son de cloche du côté de Camille Girard, qui attribue son goût pour le trail à cette course québécoise. « C’est grâce à Harricana que j’ai commencé à courir », dit-elle, reconnaissante.
Camille Girard est une traileuse québécoise originaire de Clermont. Très attachée à l’Ultra-Trail Harricana, elle affirme que c’est grâce à cette course qu’elle a commencé à courir. Elle participe en 2025 à l’épreuve du 125 km, avec l’espoir de revivre l’excellente expérience qu’elle avait connue lors de l’édition précédente. Figure locale du trail au Québec, elle incarne cette nouvelle génération de femmes qui prennent toute leur place sur les sentiers.
Et en France ? Le trail est une discipline encore très masculine
À l’inverse, en France, les chiffres sont loin de refléter cette parité. Selon les dernières statistiques disponibles, les femmes représentent environ 25% des participants aux courses de trail, toutes distances confondues. Sur des formats longs, ce taux tombe parfois sous les quinze pour cent.
Prenons l’exemple de l’UTMB, la course reine autour du Mont-Blanc. En 2023, les femmes n’étaient que 11% au départ de l’épreuve de 161 kilomètres. Même sur des formats plus courts, comme la CCC ou l’OCC, on reste loin des 50%. Il y a du progrès, mais on est encore très loin du modèle canadien.
Pourquoi un tel écart entre le Canada et la France ?
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette différence frappante.
D’abord, la culture sportive au Québec valorise fortement les initiatives féminines. De nombreuses courses locales ont mis en avant des ambassadrices, des programmes de mentorat, et des campagnes de visibilité. Le message est clair : le trail est un espace inclusif.
Ensuite, la sécurité et l’accessibilité des parcours jouent un rôle majeur. Le 60 km de l’UTHC est exigeant, mais balisé, encadré, et conçu pour permettre une progression sans isolement extrême. En France, de nombreux trails se déroulent en autonomie, avec un engagement plus rude, surtout sur les longues distances en montagne.
Il y a aussi la question de la représentation. Au Québec, des figures comme Anne-Marie Comeau ou Mélina Dubois-Verrette montrent que le haut niveau féminin n’est pas une exception, mais une norme. En France, si des icônes comme Blandine L’Hirondel ou Camille Bruyas existent, elles sont encore trop peu médiatisées hors des cercles initiés.
Mélina Dubois-Verrette est une athlète québécoise engagée sur les épreuves longues de trail. Elle fait partie des participantes en vue de l’Ultra-Trail Harricana 2025, où elle est citée parmi les favorites sur le 125 km. Sa présence régulière sur les grandes courses québécoises en fait l’une des représentantes les plus en vue du trail féminin local, dans une province où les femmes sont de plus en plus nombreuses à dominer les sentiers.
Enfin, la barrière psychologique est peut-être plus forte en France, où le trail est encore associé à un esprit « montagnard viril » et à une forme d’ultra-performance. Le discours québécois, à l’inverse, met en avant le plaisir, la découverte et la participation, ce qui attire davantage les femmes.
et si la France s’inspirait du modèle québécois ?
Soixante-deux pour cent de femmes sur un trail de soixante kilomètres, c’est un symbole fort. Un chiffre qui prouve que la féminisation du trail n’est pas une utopie, mais une question de culture, de représentation et d’accessibilité. Le Canada montre qu’un autre modèle est possible.
En France, les mentalités évoluent, mais lentement. Pour que la tendance s’inverse, il faudra non seulement plus de figures féminines visibles, mais aussi un changement de discours dans les clubs, les fédérations et les organisations de course. Plus d’inclusivité, plus de sécurité, moins de pression. Car au fond, si le Québec l’a fait, pourquoi pas nous ?
Lire aussi
- Comment sont organisés les trails au Canada et au Québec, et c’est quoi « Harricana » ?
- Canada : Mathieu Blanchard obligé de remporter l’Ultra-Trail Harricana
- Les Québécois peuvent désormais glaner des running stones pour le tirage au sort de l’UTMB
- Pourquoi le trail s’appelle « course en sentier » au Canada ?
- Mathieu Blanchard est bien arrivé au Québec pour l’UTHC
-
Cet article s’inspire de chiffres publiés dans la presse québécoise. La citation d’Anne-Marie Comeau provient de ses propos tenus lors de la conférence de presse de l’UTHC 2025.