S’il y a une vedette parmi les superaliments, c’est bien le curcuma. Et cette place sur le podium est fondée sur un socle scientifique solide, constitué de milliers d’études.
Comme beaucoup d’épices, il a été découvert par les Indiens il y a plusieurs millénaires. Ils l’ont beaucoup utilisé comme conservateur d’aliments (grâce à ses pouvoirs antioxydants). Un poisson pêché sur la côte, une fois enduit de curcuma, pouvait être transporté durant plusieurs jours à l’intérieur des terres tout en restant comestible, malgré la chaleur. Les Indiens d’aujourd’hui en consomment environ 2 grammes par jour. J’ai pu m’en rendre compte la première fois que je me suis rendu en Inde, en 1991, pour le Congrès international sur le magnésium qui s’est tenu à Indore. En allant aux toilettes, le bas de la pissotière était orange foncé ! On m’a signalé que le lait maternel des Indiennes était aussi coloré, ce qui est certaine- ment un atout important pour les nourrissons.
Le curcuma contient de nombreux principes actifs :
- des curcuminoïdes, dont la curcumine ;
- des quinoïdes ;
- des sesquiterpènes ;
- du bisacurone (étudié pour ses propriétés anti-in-flammatoires) ;
- du curcuménone, dont on pense qu’il participe à laprévention des maladies dégénératives ;
- des stéroïdes, comme le campestérol (égalementanti-inflammatoire) et le stigmastérol ;
- des monoterpènes ;
- de l’acide caféique ;
- des lignanes ;
- de la turmérone (étudiée comme antidépresseur) ;
- du gingibérène (étudié comme anti-ulcéreux) ;
- du bornéol (hépatoprotecteur).
Si le principe actif central, le plus étudié, est la curcu- mine, ses propriétés reposent aussi sur la synergie de toutes ces molécules, ce qu’on appelle l’effet totum.
Des études scientifiques récentes ont découvert que la curcumine était puissamment anti-oxydante, anti- inflammatoire, modulatrice de très nombreuses voies métaboliques… et ont pu illustrer ses innombrables effets sur la santé.
Quels sont les intérêts du curcuma ?
Curcuma et diabète
Les deux mécanismes principaux par lesquels le cur- cuma a des effets préventifs et cothérapeutiques dans le diabète et ses complications sont ses effets antioxy- dants et anti-inflammatoires mis en évidence dans de nombreuses études.
Mais le curcuma exerce aussi des actions sur les hor- mones sécrétées par le tissu adipeux et qui sont essen- tielles à la tolérance au glucose : les adipokines, comme l’adiponectine, la leptine, la résistine…
Le curcuma a montré qu’il améliorait la tolérance au glucose par de nombreux mécanismes, dont l’aug- mentation des récepteurs à l’insuline, leur protection anti-inflammatoire et l’amélioration de la fonction pancréatique.
Plusieurs études cliniques mettent en évidence :
• chez 240 prédiabétiques, au bout de 9 mois de sup- plémentation, 16,4 % de diabétiques dans le groupe placebo, 0 dans le groupe curcuma ;
• chez 100 diabétiques, la baisse de la glycémie, des triglycérides et d’HOMA – un test de la sensibilité à l’insuline.
Le curcuma peut être considéré comme un principe actif préventif et cothérapeutique non seulement du diabète, mais aussi de ses complications, et cela par de multiples canaux.
Curcumine et inflammation
La curcumine s’oppose à la totalité des voies connues de l’inflammation.
Dans une méta-analyse sur six études, la diminution moyenne de la CRP par la prise de curcumine au moins pendant un mois et sous des formes biodispo- nibles, est de 6,44 mg/l.
Une étude de supplémentation en curcumine (contre placebo) chez 117 sujets atteints du syndrome méta- bolique a entraîné une baisse importante d’autres marqueurs inflammatoires (TNF alpha, IL6).
L’administration de curcumine et de resvératrol à des sou- ris atteintes d’iléite inflammatoire aiguë a permis de blo- quer l’inflammation et de garder les souris en vie – alors qu’elles étaient toutes mortes dans le groupe témoin.
La curcumine, comme beaucoup de polyphénols, est un chélateur du fer (pro-oxydant, pro-inflammatoire, facteur de prolifération des virus, bactéries, champi- gnons et cellules cancéreuses).
Le pouvoir de blocage des cytokines (messagers en- voyés par les globules blancs pour mobiliser toutes les défenses anti-infectieuses) par la curcumine est tel que les auteurs suggèrent qu’elle soit systématique- ment testée dans les viroses, y compris les plus graves comme Ebola, où « l’orage cytokines » est l’un des fac- teurs principaux de la mortalité.
La supplémentation chez l’animal permet de stopper l’inflammation du tube digestif et la colopathie. Une étude clinique chez l’homme avec 360 mg de curcu- mine trois à quatre fois par jour pendant trois mois a fait régresser la colopathie chez les patients, et a réduit de manière significative les rechutes chez les patients en rémission. Pour les auteurs, le rapport bénéfices/risques de la curcumine n’a aucun équi- valent connu.
Les multiples effets anti-inflammatoires du curcu- ma ont des répercussions cliniques objectivées dans
l’arthrose, les pathologies digestives inflammatoires, les uvéites, les pancréatites, les cancers.
Curcumine et prévention cardio-vasculaire
Pas étonnant, vu ses puissants effets anti-inflamma- toires, que le curcuma exerce aussi des effets protec- teurs de la fonction endothéliale. En particulier sur la production du vasodilatateur principal (le NO°) par les artères, laquelle est altérée par l’inflammation.
En protégeant les fonctions endothéliales, dont cette production de NO°, le curcuma a des effets anti-hypertenseurs.
Dans une étude clinique randomisée chez 37 hommes et femmes ménopausées, 2 g de curcuma par jour ont réduit la résistance artérielle de 37 % et amélioré la dilatation de l’artère brachiale de 36 % par rapport au groupe placebo.
Le curcuma empêche l’oxydation du cholestérol LDL et facilite le départ du cholestérol (HDL).
Le curcuma est cardioprotecteur par plusieurs autres mécanismes: anti-inflammatoire, anti-diabétique et anti-athérosclérotique. Cela a été démontré chez des femmes ménopausées.
Curcumine et neuroprotection
Les chercheurs ont identifié plusieurs neuroprotec- teurs, antioxydants et anti-inflammatoires capables de passer la barrière hémato-encéphalique :
• la vitamine E ;
• l’acide férulique ;
• plusieurs polyphénols, dont la quercétine, l’hydroxytyrosol (polyphénol principal de l’huile d’olive) et le resvératrol ;
• l’acide α-lipoïque ;
• la N-acétyl-cystéine (NAC) ;
• la curcumine ;
• l’épigallocatéchine gallate (EGCG), le polyphénol principal du thé vert.
Les curcuminoïdes et la vitamine D agissent en syner- gie pour stimuler l’élimination des plaques amyloïdes chez des patients atteints de la maladie d’Alzheimer.
De très nombreuses études confirment les effets anti-in- flammatoires et neuroprotecteurs des épices (curcuma, gingembre, ail, cannelle). Par exemple, le curcuma protège contre la neurotoxicité de l’hyperactivité du récepteur protectrices vasculaires. Par exemple, le curcuma in- NMDA, qui conduit à l’épilepsie et à la perte de neurones.
Curcumine, prévention et cotraitement des cancers
Voici les mécanismes par lesquels la curcumine in- tervient comme agent anticarcinogène, préventif et cothérapeutique :
- antimutagène, elle protège l’ADN, ce qui empêche l’apparition de cellules mutées, à potentiel cancé- reux ;
- elle renforce la cohésion cellulaire, ce qui bloque la prolifération des cellules cancéreuses ;
- elle prive les voies de la prolifération, de l’invasi- vité, de la formation de vaisseaux tumoraux (angio- genèse), des processus métastatiques, de leurs sti- muli inflammatoires, dont le fer et le cuivre qu’elle immobilise ;
- elle s’oppose à des facteurs de croissance tumoraux comme HER2 et EGFR ;
- elle favorise, au contraire, des gènes suppresseurs de tumeurs, comme la maspine qui est impliquée dans les cancers du sein ;
- elle encourage le suicide des cellules anormales ;
- elle resensibilise des cellules cancéreuses multiré- sistantes aux chimio- et radiothérapies en s’oppo- sant à l’action de protéines émises par la tumeurdites de « multi-drug resistance », ou MDR.
Le curcuma peut, de ce fait, être aussi utilisé comme prin- cipe actif co-chimio et radiothérapeutique.
La curcumine montre à la fois des effets radiosensibi- lisateurs des cellules cancéreuses et radioprotecteurs des cellules saines.
Le curcuma restaure la sensibilité des cellules cancé- reuses du sein réfractaires au tamoxifène et montre des effets chimio- et radiosensibilisateurs sur les cel- lules des cancers des ovaires alors qu’il a des effets radioprotecteurs sur les cellules saines.
Curcuma et prévention des risques de cancer du côlon
Chez cinq patients porteurs d’une polypose familiale et à fort risque de cancer du côlon, l’administration pen- dant six mois de 480 mg de curcuma et de 20 mg de quercétine trois fois par jour a entraîné une baisse du nombre de polypes de 60,4 %, et de leur taille de 50,9 %.
Chez 44 fumeurs, la prise de 4 g de curcumine pen- dant un mois a fait régresser de 40 % les lésions précancéreuses du côlon.
Curcuma et prévention du cancer de la prostate
Dans une étude en double aveugle comprenant 85 per- sonnes présentant un taux de PSA élevé, la prise de cur- cumine associée à des phyto-œstrogènes a fait baisser de manière importante les taux de PSA, un marqueur de la prolifération des cellules cancéreuses de la prostate.
Curcuma et prévention des cancers de la cavité buccale
Chez 25 patients présentant diverses lésions précancéreuses de la bouche, la prise quotidienne de 2 g de curcumine a :
-
- élevé les défenses antioxydantes de la salive et du plasma ;
- fait chuter les taux de MDA salivaire et sanguin ;
- fait baisser le marqueur de lésions oxydatives de l’ADN, le 8-OHdG ;
- et fait régresser les lésions de manière significative.
Curcuma par voie externe dans le cancer du col de l’utérus
En application externe sur des lésions cancéreuses du col utérin, le curcuma a entraîné l’élimination de la plupart des cellules anormales.
Curcuma et Parkinson
Des chercheurs ont montré in vitro que la curcumine se liait à l’alpha-synucléine, la protéine pathogène carac- téristique de la maladie de Parkinson – retrouvée, par ailleurs, dans le cerveau de 44 % des malades d’Alzhei- mer –, qu’elle empêchait son agrégation et réduisait sa neurotoxicité.
Curcuma et arthrose
Une méta-analyse des essais cliniques du curcuma dans l’arthrose a montré que son efficacité antalgique était comparable à celle des médicaments.
Chez 367 patients arthrosiques, le curcuma s’est révé- lé aussi efficace que l’ibuprofène, avec moins d’effets secondaires.
Curcuma et dyspepsies
Dans une vaste étude en double aveugle incluant 116 patients souffrant de dyspepsie, on a observé une amélioration notable chez 53 % des patients du groupe placebo, chez 87 % des patients du groupe curcuma.
Curcuma et ulcères gastroduodénaux
Vingt-cinq patients ont reçu 1,5 g de curcuma par jour (en cinq fois). Au bout d’un mois, douze patients n’avaient plus d’ulcère à l’endoscopie. Au bout de deux mois, ils étaient dix-huit. Au bout de trois mois, ils étaient dix-neuf.
Le curcuma, la flore et les maladies inflammatoires digestives
Des études expérimentales ont montré que le curcuma (et le resvératrol) réduisait les pathogènes de la flore digestive, favorisait la prolifération des commen- saux anti-inflammatoires et protégeait la muqueuse digestive de l’inflammation et du passage anormal d’endotoxines.
La curcumine détoxifiante
Plusieurs études montrent, en effet, que la curcumine est à la fois inductrice des enzymes de détoxification hépatique de phase II (les plus importants) et hépato- protectrice contre plusieurs toxiques. Ce mécanisme participe aussi à la prévention des cancers et des mala- dies dégénératives dans lesquelles les toxiques jouent un rôle important.
De ce fait, de nombreuses études montrent que la pré-administration de curcuma protège de la toxicité d’une médication agressive (comme le méthotrexate).
Et ce n’est là qu’une petite sélection des études réali- sées ces dernières années sur le curcuma !
La conclusion s’impose d’elle-même : s’il y a une épice à ajouter à ses plats, c’est bien le curcuma.
Le curcuma doit être bio, car les épices peuvent concentrer les toxiques.
Sa substance active principale, la curcumine, est mal absorbée. On a longtemps proposé d’y adjoindre du poivre noir, car une étude montrait une multiplica- tion par vingt de son absorption. Mais comment la pipérine du poivre noir accroît-elle l’absorption? En produisant une inflammation de la muqueuse qui favorise, par ailleurs, le passage d’endotoxines, de polluants, de bouts de protéines incomplètement digérés (facteurs d’intolérances). Le poivre est vio- lemment inflammatoire. C’est la raison pour laquelle il déclenche des hémorroïdes.
Alors, comment améliorer l’absorption de la curcumine ?
Il faut l’associer à des graisses (huile d’olive, huile de colza), mais aussi à du gingembre.
Ensuite, il existe des formes de curcuma directement liées à des lipides, dites liposomiales. On en trouve sous forme de gélules, mais on peut aussi s’en procurer di- rectement en poudre, qui peut être utilisée comme une épice (voir Curcuma Haute Biodisponibilité chez Synergia).
Ce que je fais : je mélange 1/3 de poudre de curcuma bio avec 1/3 de poudre de gingembre bio et 1/3 de poudre de cumin. J’ajoute de l’ail des ours, du clou de girofle en poudre (en petite quantité car c’est très prononcé eu goût) et j’utilise ce mélange sur mes plats « salés » en rempla- cement du sel. Et sur les desserts, j’emploie de la cannelle du Sri Lanka (pauvre en coumarines anticoagulantes).
Attention: Ne pas prendre de curcuma en cas de saignements (ou de risque de saignements), car il a un puissant effet sur les plaquettes. Ex : troisième tri- mestre de la grossesse, période péri-opératoire, sports violents… Même problème avec l’ail, certaines formes de cannelle riches en coumarines, les acides gras omé- ga-3, les antioxydants à haute dose.
Lire aussi
- superaliments trail, le dossier de notre diététicien
- Sport : en quoi le curcuma est-il bénéfique aux traileurs ?
- Covid : les coureurs réguliers développent moins de formes graves
- Trail : le régime anti-inflammatoire
- Les vrais superaliments ne sont pas ceux que vous croyez !
- Critique des traileurs trop pressés