Le trail au Canada, c’est un mélange de courses locales intimistes et de festivals géants qui attirent des milliers de coureurs. Dans ce paysage foisonnant, un nom revient sans cesse : Harricana. Mais que recouvre exactement ce mot, et comment fonctionne l’organisation des trails au Canada et au Québec ?
L’organisation des trails au Québec
Le trail canadien repose sur une mosaïque d’organisateurs, sans structure centralisée. Des clubs bénévoles aux grandes organisations professionnelles, chacun contribue à un calendrier riche et diversifié.
On retrouve d’abord les courses locales, portées par des associations ou des clubs de coureurs, qui réunissent quelques dizaines ou centaines de participants dans une ambiance conviviale.
À une autre échelle, des séries régionales structurées se sont imposées, comme la Coast Mountain Trail Series de Gary Robbins en Colombie-Britannique, réputée pour la qualité technique de ses parcours.
Le Québec n’est pas en reste avec de grands indépendants comme le Quebec Mega Trail à Mont-Sainte-Anne, le Bromont Ultra ou encore l’Ultra-Trail Harricana du Canada, devenus de véritables références.
Enfin, au sommet de cette pyramide, on retrouve les étapes UTMB World Series, qui offrent visibilité et accès au tirage au sort du Mont-Blanc via les fameuses running stones. Jusqu’ici, seule Whistler by UTMB représentait le circuit au Canada, mais dès août 2026, Boréalys Mont-Tremblant by UTMB viendra compléter la carte et marquer une première pour le Québec.
Organiser un trail suppose de jongler avec des autorisations administratives venant des municipalités, de la Sépaq ou encore de Parcs Canada. À cela s’ajoutent la logistique du balisage, la mise en place d’une sécurité adaptée et la mobilisation de nombreux bénévoles. Les grands événements fonctionnent quasiment comme des entreprises, avec des équipes permanentes, des sponsors et des partenariats solides.
Le mot Harricana renvoie en réalité à deux réalités complémentaires.
D’un côté, il y a l’Ultra-Trail Harricana du Canada (UTHC), créé en 2012 dans la région de Charlevoix. Cet événement s’est imposé comme l’un des grands festivals de trail québécois avec des distances allant de 5 km à 125 km, sur des sentiers sauvages au cœur d’une biosphère UNESCO, attirant plusieurs milliers de participants chaque année.
De l’autre côté, il y a Événements Harricana, l’organisation qui gère l’UTHC et qui, depuis 2025, porte également le projet Boréalys Mont-Tremblant by UTMB. Cette nouvelle course prévue du 14 au 16 août 2026 sera la première manche UTMB World Series au Québec et offrira aux coureurs locaux la possibilité de décrocher des running stones sans devoir traverser le continent.
Le trail canadien ne peut être compris sans le comparer à la situation française, tant les deux contextes diffèrent.
Le Canada couvre près de dix millions de kilomètres carrés pour environ quarante et un millions et demi d’habitants en 2025, selon Statistique Canada. La France, beaucoup plus compacte avec ses six cent quarante-trois mille kilomètres carrés, rassemble près de soixante-huit millions et demi d’habitants selon l’INED. Ce différentiel de densité explique la dispersion des courses canadiennes, qui exigent souvent de longs déplacements, alors que le calendrier français est dense et accessible.
Le nombre d’épreuves illustre ce contraste.
Le Canada compte un peu plus de 200 courses par an, avec 208 épreuves annoncées pour la saison 2025–2026 selon Ahotu. L’offre est réelle mais concentrée en Colombie-Britannique et au Québec.
En France, les estimations actuelles varient selon les sources : environ 3 600 événements selon la presse spécialisée, plus de 4 200 pour certains médias grand public anglophones. Pour mesurer la progression, des travaux académiques en recensaient déjà plus de 2 140 en 2016. La France figure donc parmi les plus grands viviers mondiaux, même si la définition d’« événement » varie en fonction des formats retenus (courses verticales, raids, off, etc.).
La différence se retrouve aussi dans le nombre de pratiquants.
En France, l’Observatoire du Running 2024 évalue à 12 millions et demi le nombre de coureurs réguliers, dont 39% déclarent aussi pratiquer le trail, soit près de 5 millions de traileurs au moins occasionnels.
Au Canada, il n’existe pas de chiffre officiel, mais les signaux du marché sont clairs : l’implantation d’une manche UTMB à Whistler, l’arrivée de Boréalys au Québec et la croissance des enseignes spécialisées témoignent d’une progression rapide, même si la pratique reste moins massive qu’en France.
La maturité du marché illustre encore davantage ce décalage. La France est arrivée à un stade de saturation et de professionnalisation : densité d’événements, ancrage historique avec les Templiers, la SaintéLyon ou l’UTMB, structuration fédérale et couverture médiatique constante. Le maillage commercial joue aussi, avec plus de 300 magasins Décathlon et près d’un millier d’Intersport, qui garantissent un accès simple et un renouvellement régulier de l’équipement. Le Canada, de son côté, est en pleine accélération. L’Ouest s’appuie sur un écosystème solide avec la Coast Mountain Trail Series et Whistler by UTMB, tandis que le Québec prend de l’ampleur avec le QMT, l’UTHC et bientôt Boréalys. Les débats suscités par l’arrivée de l’UTMB à Whistler en 2023–2024, pointant un manque de concertation, traduisent un marché qui se structure encore.
Enfin, les habitudes de consommation ne sont pas les mêmes.
En France, la force du milieu de gamme et du rapport qualité-prix, incarnée par Décathlon et Intersport, explique l’équipement massif des pratiquants et leur tendance à renouveler fréquemment chaussures, gilets ou bâtons. Au Canada, l’offre repose sur des spécialistes outdoor comme Mountain Equipment Company, avec 24 magasins et plus de 6 millions d’adhérents, ou Running Room, un réseau de plus de 80 boutiques. Le panier d’achat est souvent plus montagnard et quatre saisons, incluant couches techniques, vestes imperméables ou crampons de traction pour l’hiver, avec une forte part d’achat en ligne en raison des distances géographiques.
En résumé, la France concentre sa pratique sur un territoire restreint et densément peuplé, ce qui favorise la multiplication des épreuves et l’ancrage culturel du trail. Le Canada reste plus fragmenté, avec un marché moins massif mais en forte croissance. Pour les coureurs québécois, 2026 sera un moment charnière : avec Boréalys Mont-Tremblant by UTMB, les running stones seront enfin accessibles à domicile, réduisant la dépendance aux voyages coûteux vers l’Ouest canadien ou les États-Unis. Harricana se situe au cœur de cette dynamique, en étant à la fois un festival historique à Charlevoix et une organisation capable d’ouvrir le Québec au circuit mondial.
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