Breaking4
Faith Kipyegon s’apprête à défier le mur des 4 minutes sur le mile le 26 juin prochain à Paris. Une performance annoncée comme historique, mais dans des conditions qui interrogent. Car si battre un record est toujours un acte fort, quand celui-ci se fait dans un cadre ultra-maîtrisé, assisté par la technologie et des artifices qui s’éloignent de la course pure… la magie opère-t-elle encore ?
Breaking4 : une performance… ou une démonstration technologique ?
Le projet Breaking4 porté par Nike rappelle en tous points le Breaking2 d’Eliud Kipchoge : des conditions parfaites, une équipe scientifique dédiée, un encadrement millimétré, une piste choisie pour ses propriétés optimales, et possiblement… une voiture à l’avant pour couper le vent. À ce niveau de sophistication, est-on encore dans l’athlétisme ou dans une vitrine technologique sponsorisée ? Et plus encore : que devient l’essence même de la course à pied – celle du duel, de l’incertitude, du combat contre les éléments et les autres ?
Le paradoxe d’une quête solitaire
Faith Kipyegon devra courir seule. À la limite, escortée de lièvres anonymes. Pas d’adversaires, pas d’opposition. Une course sans enjeu autre que le chrono. Cela crée un paradoxe : plus la performance visée est exceptionnelle, plus elle s’éloigne de la réalité du sport. En trail, on connaît l’importance des conditions, de l’environnement, du relief, de la météo. Ici, tout est verrouillé pour neutraliser ces variables. On ne court plus pour vaincre, on court pour démontrer. Le sport y perd son âme, même si la prouesse reste monumentale.
La barrière des 4 minutes : symbole ou simulacre ?
Chez les hommes, le premier à passer sous les 4 minutes fut Roger Bannister, en 1954, sur une piste en cendrée, poussé par l’émulation et une stratégie de course collective. Chez les femmes, ce record reste vierge, peut-être justement parce qu’il exige plus que de simples qualités physiques. Il demande un moment, une course, une adversité, un cadre. Le battre dans un environnement sous bulle pose une question simple : ce record, même battu, sera-t-il légitime ? Sera-t-il homologué ? Et surtout, sera-t-il respecté comme un jalon sportif ou rangé au rayon des performances artificielles ?
En trail comme sur piste, ce qui fait vibrer, ce n’est pas seulement le temps affiché. C’est le contexte, la bataille, la résistance. Faith Kipyegon est une immense championne. Mais si elle passe sous les 4 minutes grâce à un projet verrouillé de bout en bout, on retiendra peut-être moins son exploit que la question qu’il soulève : peut-on vraiment briser une barrière mythique… si on est seule à courir, à l’abri du vent, et que le scénario est écrit d’avance ?
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