Après l’âge d’or des chaussures maximalistes, le minimalisme et le barefoot refont surface dans le trail.
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Dans les années 2010, tout le monde en parlait. Courir pieds nus ou en chaussures minimalistes était la tendance incontournable.
Les Vibram FiveFingers s’affichaient aux pieds de coureurs convaincus, certains blogueurs faisaient la promotion de la foulée naturelle, et le livre Born to Run de Christopher McDougall avait fini d’allumer la mèche.
L’idée était simple : retrouver la manière la plus ancestrale de courir, comme l’avaient fait avant nous des générations entières d’humains. Puis la vague s’est tassée. La mode minimaliste a cédé le pas aux chaussures maximalistes, aux semelles épaisses, aux mousses ultra-amortissantes et aux plaques carbone. La promesse était cette fois d’aller plus vite, plus loin et avec moins de fatigue. En France, cette course à la technologie a relégué le pied nu dans une niche confidentielle. Mais aujourd’hui, la pratique refait surface, discrètement mais sûrement.
Il faut dire que courir pieds nus n’est pas une invention marketing.
C’est d’abord un geste universel.
Abebe Bikila, le marathonien éthiopien, a marqué l’histoire en remportant le marathon olympique de Rome en 1960 sans chaussures. Dans plusieurs régions du monde, notamment en Afrique de l’Est, les enfants continuent à courir ainsi, développant une foulée médio-pied, économique et rapide. En Europe, le regain d’intérêt a coïncidé avec une critique de l’industrie de la chaussure : trop d’amorti, trop de drop, trop d’artifices. Le corps humain, disaient les partisans du barefoot, est lui-même une machine d’amortissement.
Les arguments en faveur du pied nu ne manquent pas.
Foulée naturelle
Courir sans chaussure oblige à raccourcir la foulée et à poser le pied plus naturellement.
L’attaque talon disparaît presque, les articulations encaissent moins de chocs, les muscles et tendons du pied travaillent enfin comme ils devraient.
Proprioception
Beaucoup témoignent d’une proprioception retrouvée et d’un pied plus fort.
Certains racontent avoir guéri de douleurs chroniques aux genoux ou au dos grâce à cette transition.
Endurance
Des études ont même suggéré un gain d’efficacité : une consommation d’oxygène réduite, une fréquence cardiaque plus basse, et donc une meilleure endurance à effort égal.
Mais la pratique n’est pas miraculeuse.
Passer trop vite au barefoot est souvent synonyme de blessures.
Tendinites, fractures de fatigue et douleurs aiguës menacent ceux qui s’y essaient sans préparation. Les spécialistes insistent sur la patience. Il ne s’agit pas de chausser ses baskets un jour, de les jeter le lendemain et de se lancer pour 10 km sur le bitume. La transition doit être progressive. Quelques minutes pieds nus sur herbe ou sable, puis un peu plus chaque semaine, en parallèle d’exercices de renforcement, jusqu’à ce que les muscles et tendons s’adaptent.
Le retour du minimalisme ne se limite pas à l’asphalte.
Partout en France apparaissent des sentiers dédiés à la marche pieds nus. Dans l’Est, certains circuits proposent de traverser boue, copeaux de bois, galets ou paille pour une expérience sensorielle destinée aussi bien aux familles qu’aux sportifs. Côté trail, rares sont ceux qui osent affronter les pierriers sans protection. Mais les chaussures minimalistes offrent une alternative : zéro drop, semelles fines, flexibilité totale. Elles permettent d’approcher les sensations du barefoot tout en limitant les risques liés aux terrains caillouteux ou aux débris.
Pourquoi cette résurgence aujourd’hui ?
Peut-être parce que le maximalisme est allé trop loin.
Les chaussures sont devenues lourdes de technologies, complexes, chères, presque déconnectées de la foulée naturelle.
Beaucoup de coureurs aspirent de nouveau à la simplicité, à la liberté et au contact brut avec le sol.
Comme souvent en course à pied, le balancier oscille entre deux extrêmes. Après l’âge des mousses XXL et des plaques carbone, voici revenir la tentation de courir comme nos ancêtres : pieds nus.
La vérité se situe probablement entre les deux. Le barefoot peut être libérateur pour certains, mais dangereux pour d’autres.
Le maximalisme peut protéger, mais aussi enfermer dans une foulée artificielle. Le coureur d’aujourd’hui, qu’il soit routier ou traileur, navigue entre ces options. L’important n’est pas de choisir un camp, mais de trouver son équilibre. Peut-être que l’avenir du running se construira sur cette alternance : chaussures ultra-techniques pour les compétitions, pied nu ou minimalisme pour l’entraînement, comme une cure de rappel pour réapprendre à courir autrement.
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