Tara Dower signe une performance historique sur le plus vieux sentier de randonnée des États-Unis
Le 19 août 2025, à l’aube, Tara Dower s’est écroulée à la frontière entre le Vermont et le Massachusetts, au terme d’un effort d’une intensité peu commune. Elle venait d’écrire une nouvelle page d’histoire du trail longue distance en établissant le Fastest Known Time (FKT) global, toutes catégories confondues, sur le Long Trail, un itinéraire mythique de 438 kilomètres, avec plus de 20 700 mètres de dénivelé positif cumulé.
Tara Dower bat le record de ce FKT: le Long Trail en 3 jours, 18 heures et 29 minutes
Son temps : 3 jours, 18 heures et 29 minutes. Elle efface ainsi des tablettes le précédent record absolu, détenu par Will Peterson depuis septembre 2024, qui était de 3 jours, 21 heures et 9 minutes. Soit un écart de 2 heures et 40 minutes.
Et ce n’est pas tout : elle améliore aussi de plus d’une journée complète le meilleur temps féminin soutenu, détenu jusque-là par Alyssa Godesky (5 jours, 2 heures, 37 minutes en 2018).
Un sentier mythique et redoutable
Le Long Trail, ou sentier Long, est le plus ancien sentier de grande randonnée des États-Unis. Créé entre 1910 et 1930, il suit intégralement la ligne de crête des Green Mountains dans l’État du Vermont, du nord au sud, entre la frontière canadienne près de North Troy et la limite du Massachusetts.
Il a notamment inspiré la création de l’Appalachian Trail (AT), avec lequel il partage d’ailleurs ses 160 derniers kilomètres. Mais à la différence de l’AT, le Long Trail est plus court mais plus technique, avec des sections particulièrement lentes, techniques, boueuses, et truffées de racines et rochers glissants.
En tout, les 438 kilomètres comportent environ 68 000 pieds de dénivelé positif — soit 21 000 mètres de D+. Une traversée intégrale représente une quarantaine de cols franchis en continu, sans répit ni portion roulante.
Le récit jour par jour : 4 jours d’enfer sur les crêtes du Vermont
Jour 1 – Vendredi 15 août
Partie à 10 h du matin, Tara Dower s’attaque immédiatement à une section très technique au nord du sentier, dans la zone de Jay Peak. Le terrain est raide, glissant et parsemé de rochers. Elle enchaîne sans relâche jusqu’à minuit passé, totalisant déjà près de 130 km avec plus de 4 500 m D+, malgré la chaleur lourde et les averses de l’après-midi.
Jour 2 – Samedi 16 août
Elle redémarre après une pause express de 90 minutes et attaque la portion entre Johnson et Appalachian Gap, réputée pour ses descentes abruptes et ses longues zones humides. Ce deuxième jour est plus lent, mais elle conserve un rythme de 4,5 km/h de moyenne, ce qui est très élevé sur ce type de terrain. Elle passe les 200 km en fin d’après-midi et se repose brièvement à Lincoln Gap.
Jour 3 – Dimanche 17 août
C’est la plus dure des journées. Le terrain devient encore plus sauvage et isolé. Elle affronte les sommets de Killington et Stratton dans un brouillard épais. Elle avance souvent seule, avec un mental mis à rude épreuve. La fatigue devient écrasante, mais elle refuse de lâcher. En fin de journée, elle sait qu’elle est encore dans les temps pour battre le record.
Jour 4 – Lundi 18 au mardi 19 août
Elle dort 30 minutes à 22 h, puis attaque la dernière ligne droite. 37 kilomètres restants, qu’elle connaît bien. Tara grimpe les dernières bosses à la frontale, traverse les ponts de bois dans la brume nocturne, puis termine à 4h29 du matin. Son équipe l’attend avec des larmes, des cris, et une couverture de survie.
Les mots de Tara Dower : entre euphorie et douleur
“Il y a eu un moment où j’ai littéralement parlé aux arbres”, dit-elle en riant.
“Je leur demandais s’ils voulaient bien que je continue à avancer. Ils n’ont pas répondu, mais j’ai senti qu’ils me laissaient passer.”
Après l’arrivée, elle ajoute :
“Je suis allée puiser très loin. Il y avait des moments de beauté absolue et d’autres de désespoir pur. Mais c’est dans ce contraste que je trouve ma joie. C’est ça, l’ultra.”
Des conditions météo piégeuses
Durant les quatre jours de l’effort, la météo du Vermont a été capricieuse, avec deux orages violents le samedi soir et le dimanche après-midi. Le sentier était détrempé sur plus de la moitié du tracé, avec une boue épaisse dans les zones forestières. La température est restée élevée la journée (jusqu’à 27 °C) et les nuits ont été fraîches (11 °C), ce qui a ajouté à la difficulté logistique pour les pauses.
Gestion du sommeil et nutrition : une rigueur militaire
Tara Dower n’a dormi que 5 heures au total en quatre jours : trois micro-siestes d’environ 90 minutes, et une de 30 minutes. Elle a basé sa stratégie alimentaire sur un mix de nourriture liquide (purées, boissons riches en électrolytes) et d’aliments riches en glucides rapides. Elle a également mangé plus de 12 barres énergétiques maison, cuisinées par sa crew chief. À noter : elle a refusé la caféine sur les 36 premières heures, pour pouvoir l’utiliser ensuite comme “boost” sans effet d’accoutumance.
Le Long Trail : un monument du trail US
Le Long Trail a vu défiler de nombreux records. Avant Will Peterson, c’était Ben Feinson qui détenait le FKT masculin en 4 jours. Le FKT féminin le plus reconnu jusqu’ici était celui d’Alyssa Godesky en 2018.
Mais le premier FKT documenté remonte à 1999, avec un temps de 6 jours et 12 heures, établi par Travis Wildeboer. Depuis, la progression est constante, et la barre des 4 jours semblait être une limite difficile à franchir.
Tara Dower a fait voler en éclats cette barrière. Son record ne marque pas seulement un chrono. Il change la donne. C’est la première fois qu’une femme bat aussi nettement un record mixte sur un sentier de cette difficulté.
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