Dans moins de deux semaines au moment où nous publions cet article, Chamonix sera en ébullition. Les coureurs seront en train de retirer leur dossard, les marques auront envahi la place du Triangle de l’Amitié, les stories Instagram s’enchaîneront à coup de flamme et de slogans vides. Mais il manquera quelqu’un. Kilian Jornet ne sera pas là.
Pas là, car il sera occupé à autre chose. Occupé à traverser les Rocheuses à vélo et à pied, pour relier les sommets américains de plus de 14 000 pieds. Ce projet, il l’a baptisé States of Elevation. Il le commencera début septembre. Peut-être même un peu avant. Pile en même temps que l’UTMB. Et ça, ce n’est clairement pas un hasard.
En 2024, avec Alpine Connections, on avait déjà senti le coup venir : il avait enchaîné les 4000 alpins en plein pendant l’UTMB et on avait presque plus parlé de lui que de la victoire de Vincent Bouillard. Cette année, il enfonce le clou. Son projet est un contre-pied parfait au trail spectacle. Pas de dossard, pas de drone, pas de ligne d’arrivée. Juste la montagne, le vent, la solitude, et un vélo pour relier les cimes.
C’est son style désormais. Kilian Jornet ne critique pas. Il ignore.
Il crée autre chose. Un autre modèle. Une autre vision. Une autre manière d’habiter la montagne.
Et pendant que Chamonix sera saturée de pubs fluo et d’euphorie sous Red Bull, Kilian sera quelque part dans le Colorado, les jambes lourdes, le cœur en altitude, en train de dire à sa manière : « Je suis encore là. Mais pas là où vous regardez. »
En 2022, Kilian avait appelé au boycott de l’UTMB pour dénoncer l’hégémonie d’Ironman.
Depuis, il ne participe plus à aucune épreuve du circuit. Il a préféré incarner un autre modèle : celui de l’ultra-aventure, de la reconnexion à la nature, loin du marketing fluo et des finish lines sponsorisées. Il ne critique plus : il trace sa route. Il crée un contre-récit.
Deux manières de voir le sport
Ce face-à-face symbolique entre l’UTMB et States of Elevation révèle deux visions irréconciliables du sport.
D’un côté, le sport comme événement collectif : on s’inscrit, on se mesure aux autres, on progresse, on partage un cadre. C’est la course, avec ses règles, ses contraintes, ses émotions collectives.
De l’autre, l’aventure comme quête personnelle : on part seul, sans balises, sans chrono. Ce qui compte, ce n’est pas d’arriver plus vite, c’est d’être en phase avec soi, avec la nature, avec l’effort. Kilian incarne cette seconde voie. Celle du retrait volontaire. Celle du trail en marge.
Mais attention à ne pas idéaliser trop vite.
Une aventure perso… mais une com bien rodée
States of Elevation est un projet magnifique, ambitieux, inspirant. Mais il n’est pas exempt de stratégie. Kilian reste une marque. Son défi est aussi un outil puissant de storytelling, qui sert la notoriété de son label NNormal. Chaque photo postée, chaque post “sans filtre”, chaque vidéo tournée dans les Rocheuses participe à une campagne bien pensée.
Il ne court pas après un chrono, mais il sait très bien comment faire parler de lui au bon moment.
Et ça fonctionne. Car pendant que l’UTMB affichera des partenariats tapageurs, lui apparaîtra comme une alternative crédible, sincère, presque héroïque. C’est du contre-marketing — mais ça reste du marketing.
Résumé
À deux semaines du départ de l’UTMB 2025, Kilian Jornet annonce qu’il ne sera pas à Chamonix. Il lancera à la place States of Elevation, un projet personnel d’envergure : relier à vélo et à pied les 96 sommets américains de plus de 14 000 pieds (les 14ers). Ce choix, loin d’être anodin, rappelle ses précédents coups d’éclat, notamment son appel au boycott de l’UTMB en 2022 et son projet Alpine Connections en 2024. En s’élançant pile au moment du grand rendez-vous mondial du trail, Kilian propose une autre vision du sport : loin des dossards, des sponsors visibles et des finish lines. Mais ce projet reste aussi un acte de communication puissant au service de sa marque NNormal. Une fois encore, Jornet réussit à capter l’attention sans passer par la grande messe du trail.
FAQ
Quels sont les coups d’éclat de Kilian Jornet contre l’UTMB et le trail business ?
Kilian a-t-il déjà critiqué l’UTMB ?
Oui. En 2022, il a publiquement appelé à boycotter l’UTMB, dénonçant la mainmise du groupe Ironman sur le calendrier international et la disparition progressive des courses indépendantes. Il a invité les coureurs à soutenir les petites organisations locales.
Est-il revenu à l’UTMB depuis ?
Non. Depuis son appel au boycott, Kilian n’a plus mis les pieds à Chamonix pour une course. Il a choisi de ne plus courir sous l’étiquette UTMB/Ironman, même s’il a continué à s’entraîner dans le massif.
Et Alpine Connections en 2024, c’était quoi ?
Un projet personnel où il a enchaîné tous les sommets de plus de 4000 m dans les Alpes, à pied et à vélo, en pleine période UTMB. Il avait littéralement contourné Chamonix, tout en attirant l’attention des médias. Beaucoup y ont vu un contre-événement silencieux.
Que sait-on de States of Elevation ?
C’est quoi exactement, ce nouveau projet ?
Un défi mêlant bikepacking, alpinisme et trail, où Kilian compte enchaîner les 96 sommets américains de plus de 14 000 pieds (les 14ers), en reliant les trajets entre eux à vélo. Il partira début septembre 2025.
Pourquoi ce projet fait-il parler ?
Parce qu’il démarre pile pendant l’UTMB. Le calendrier ne peut pas être innocent. Une nouvelle fois, Kilian semble proposer un contre-modèle, loin des courses, des sponsors visibles et du business autour des dossards.
Est-ce une aventure solitaire ?
Oui, mais documentée. Comme pour Alpine Connections, des images, des récits et des vidéos seront diffusés. Le projet est en apparence minimaliste, mais très bien orchestré pour faire parler de lui et de sa marque NNormal.
Combien de temps va-t-il durer ?
Aucune durée officielle annoncée. Kilian a indiqué qu’il avancerait à son rythme, en fonction de la météo, de son état de forme et des conditions du terrain. On peut imaginer un défi de plusieurs semaines.
