L‘évolution des performances en trail
Western States, UTMB… Du trail toujours plus vite : comment ça se fait que le niveau s améliore autant et aussi rapidement en trail ?
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Kilian Jornet, une progression difficile à ignorer
En 2011, Kilian Jornet remportait la Western States 100 en 15 h 34 min. En 2025, il termine 3e en 14 h 19 — soit 1 h 15 de mieux… sans gagner. Sur l’UTMB, même phénomène : de 20 h 36 pour Dawa Sherpa en 2008 à 19 h 37 pour Jim Walmsley en 2023, les temps fondent. Le niveau augmente à une vitesse folle. Mais pourquoi ?
Hypothèse 1 : le parcours n’a pas changé… mais la gestion, si
Non, les parcours ne sont pas devenus plus roulants : la Western States reste fidèle à son tracé historique, tout comme l’UTMB. Ce qui a changé, c’est la manière de courir. Les élites modernes connaissent chaque segment, chaque ravito, chaque montée. Les plans d’allure sont calés à la minute, parfois même au watt. L’intelligence de course a remplacé l’instinct pur, et ça paie.
Strava, YouTube, segments : la transparence change la stratégie
Autre changement de fond : les traileurs d’aujourd’hui n’arrivent plus à l’aveugle sur une course. Grâce aux segments Strava, aux vidéos de reconnaissance sur YouTube, aux replays de courses entières, chaque montée, chaque descente, chaque ravito est étudié à l’avance.
Les élites analysent les temps intermédiaires de leurs concurrents, comparent les vitesses de relance, et affinent leur stratégie jusqu’au moindre carrefour. Cette transparence des données fait gagner du temps, de l’énergie… et des places.
Hypothèse 2 : le GPS et les données au service de l’efficience
La généralisation des montres GPS avancées permet de contrôler précisément l’intensité, du départ à l’arrivée. Plus de départ kamikaze, plus d’erreurs de pacing. Même en descente, l’allure est calculée pour maximiser le rendement. Résultat : des courses plus constantes, et des temps globaux beaucoup plus rapides.
Hypothèse 3 : le trail devient un sport de coureurs
La nouvelle élite du trail vient de la piste, du cross, du marathon. Caleb Olson, Chris Myers, Petter Engdahl… tous affichent un passé de coureurs. Ce sont des moteurs capables de tenir des allures élevées pendant des heures, notamment sur les sections roulantes. Le trail n’est plus réservé aux grimpeurs montagnards, c’est aussi un sport d’allure.
Hypothèse 4 : les chaussures carbone… et l’explosion de la R&D trail
L’impact de la technologie est indéniable. Les chaussures équipées de plaques carbone et de super-mousses légères permettent aujourd’hui de courir plus vite, plus longtemps, avec une moindre dégradation musculaire. Cela change tout, surtout sur des formats comme les 100 miles, où la fraîcheur à partir du 80e kilomètre peut décider d’un podium.
Mais cette évolution ne concerne pas que les chaussures. L’équipement trail dans son ensemble s’est transformé : sacs plus légers, textiles thermorégulants, frontales ultra puissantes, bâtons carbone optimisés pour la relance… Chaque détail compte. Toutes les grandes marques investissent désormais dans des programmes de recherche et développement ciblés, souvent inspirés du cyclisme ou de la route. Et cette innovation permanente, couplée à l’expérience des athlètes pros, produit un effet boule de neige sur les performances.
Le résultat ? Des gains chronométriques visibles, même sur les parcours les plus techniques. Le matériel ne fait pas tout… mais il permet d’exprimer 100 % du potentiel.
Hypothèse 5 : une densité de compétition inédite
Il y a quinze ans, Kilian pouvait gagner en gérant. Aujourd’hui, il doit lutter face à 10 ou 15 coureurs capables de viser le podium. La moindre erreur, la moindre baisse de régime coûte cher. Cette densité oblige les élites à courir à fond du début à la fin. Moins de gestion, plus de prise de risque. Et ça fait voler les chronos… ou exploser les coureurs.
Hypothèse 6 : une professionnalisation accélérée
Depuis l’avènement des circuits comme les UTMB World Series ou les Golden Trail Series, de plus en plus de traileurs vivent de leur sport. Les équipes s’étoffent : nutritionnistes, kinés, préparateurs mentaux, podologues… L’entraînement devient quotidien, structuré, individualisé. Ce n’est plus seulement une passion, c’est un métier à part entière.
Résultat : les athlètes arrivent affûtés comme jamais sur les gros objectifs, avec des plans de charge calqués sur ce qui se fait en marathon ou en cyclisme. Le trail n’est plus un sport amateur au sommet, il entre dans une ère de haut niveau exigeante… et ça se voit sur les chronos.
et si ce n’était pas que l’entraînement ?
Oui, les montres, les chaussures, le profil des athlètes et la densité du peloton expliquent une grande partie de la progression des chronos. Mais il ne faut pas éluder d’autres facteurs souvent moins abordés.
D’abord, la nutrition a radicalement changé. Les gels dosés à 90 g de glucides par heure, les protocoles précis de recharge, les boissons hypercaloriques : l’ultra ne se court plus « au feeling ». On mange pour performer, avec une logistique digne du cyclisme. Cela permet de maintenir l’allure sans bonk, même après 10 heures de course.
Ensuite, il reste la question du dopage, que certains évitent soigneusement. Rien ne prouve que ces records sont liés à des pratiques interdites, mais le rythme de progression, dans un sport encore peu régulé en profondeur, suscite des interrogations. Les États-Unis ont renforcé leur système de contrôles — la Western States exclut à vie tout coureur suspendu pour dopage — mais ce n’est pas le cas partout. Et l’écart entre les nations sur ce point est réel.
Finalement, si les chronos s’effondrent, c’est parce que tout le système d’entraînement, d’équipement, de récupération et de nutrition s’est affiné. Mais cette professionnalisation rapide pose une autre question : le trail restera-t-il ce sport libre et rugueux qu’on aimait… ou basculera-t-il dans une logique de performance totale, avec les dérives qu’on a connues ailleurs ?
Résumé
En 2025, Kilian Jornet boucle la Western States 100 en 14 h 19, soit 1 h 15 de mieux que sa victoire en 2011. Et pourtant, il ne gagne pas. Ce constat illustre un phénomène plus large : les chronos explosent en trail, que ce soit sur la Western States ou l’UTMB. Pourquoi ?
Cet édito propose 7 hypothèses concrètes : meilleure gestion de course, arrivée d’athlètes issus de la route, progrès du matériel (chaussures carbone, équipement optimisé), densité du haut niveau, stratégies nutritionnelles pointues, données en libre accès (Strava), et bien sûr… une professionnalisation sans précédent.
Le trail est en train de changer d’ère. Et les performances s’envolent avec lui.
FAQ : évolution des performances en trail
📈 Pourquoi les chronos explosent-ils en trail ?
Parce que tous les paramètres ont évolué : technologie, nutrition, entraînement, profils d’athlètes… et aussi concurrence. Le trail s’est professionnalisé à une vitesse folle depuis 10 ans.
👟 Les chaussures carbone sont-elles responsables ?
Elles jouent un rôle non négligeable. Sur ultra, elles limitent la fatigue musculaire et améliorent le rendement. Couplées aux nouvelles mousses, elles permettent de courir plus vite, plus longtemps.
🥇 Kilian Jornet est-il vraiment plus rapide aujourd’hui ?
Oui : il a gagné 1 h 15 sur la Western States en 14 ans, tout en vieillissant. Cela prouve que la préparation, la stratégie et le matériel comptent autant que l’âge.
🍽️ La nutrition a-t-elle un impact direct ?
Absolument. Les meilleurs traileurs optimisent aujourd’hui leur apport glucidique en course jusqu’à 90-120 g/h, ce qui évite les coups de mou et permet de maintenir l’allure.
🧪 Le dopage peut-il expliquer cette progression ?
Aucun élément ne permet de l’affirmer, mais certains experts appellent à la prudence. Aux États-Unis, les contrôles sont stricts. En France ou ailleurs, les systèmes restent plus hétérogènes.
📊 Pourquoi parle-t-on de “données ouvertes” ?
Parce que les athlètes étudient désormais les courses via Strava, YouTube ou les replays live. Cela permet d’optimiser chaque détail de leur stratégie.
💼 Le trail devient-il un sport pro ?
Oui, de plus en plus. Entre les primes, les sponsors, les circuits internationaux, certains traileurs vivent à temps plein de leur discipline. Et cela se voit sur leurs performances.
⏱️ Les chronos vont-ils continuer à s’améliorer ?
Oui… mais plus lentement. On approche probablement des limites physiologiques sur certains formats. L’amélioration viendra désormais par des marges plus faibles : meilleure gestion, micro-optimisation, progrès du matériel. Comme en marathon, les records tomberont encore, mais ce sera plus rare… et plus disputé.
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