Xavier Thevenard veut faire tomber le record du GR20.
Début juillet, Xavier Thévenard se lancera à l’assaut des 180 km et des 13 800m de dénivelé positif du mythique GR 20, traversée de la Corse de Calenzana, au nord-ouest de l’île de beauté, à Conca, au sud-est. En ligne de mire pour l’athlète Asics, le chrono record de 31h06’ réalisé en juin 2016 par François D’Haene.
Crédit photo : Albin Durand
Il est un des sentiers de grande randonnée les plus réputés d’Europe. L’un des plus beaux mais aussi l’un des plus exigeants. Le GR 20 fascine depuis de nombreuses années. Les randonneurs bien sûr à qui l’on recommande deux semaines de périple, mais aussi les plus grands spécialistes de trail pour qui la traversée se limite à une trentaine d’heures. Le Français Xavier Thévenard est l’un d’eux.A 32 ans, le Jurassien possède déjà l’un des plus beaux palmarès du trail. Seul coureur à avoir réussi le grand chelem sur les 4 courses du très renommé weekend de l’Ultratrail du Mont-Blanc à Chamonix où il s’est imposé sur l’UTMB (170 km) en 2013, 2015 et 2018, la CCC (99 km) en 2010, la TDS (119 km) en 2014 et l’OCC (55 km) en 2016, Xavier Thévenard affiche également sur sa carte de visite des succès sur l’Ultra Trail du Mont Fuji (170 km), au Japon, en 2018 ou encore sur l’Endurance Trail des Templiers (106 km), en 2011.
Entre le 6 et le 10 juillet, à la sortie de la nuit, il s’élancera de l’oratoire Saint-Antoine de Padoue de Calenzana sur la trace mythique du GR 20. Sur sa route, le champion limitera forcément les temps de contemplation de ces panoramas grandioses sur toutes les montagnes corses, le Capu Larghia, la Punta Rossa et bien entendu le Monte Cintu, le toit de l’île avec ses 2706 m.
S’il place l’aventure humaine et le partage d’une belle expérience au cœur de son projet, il s’attaquera également au record de la traversée détenu depuis 2016 par François D’Haene, en 32h. Un objectif à sa portée au regard de son talent et de sa détermination.
Xavier Thévenard GR20 : « Une incroyable aventure humaine »
Comment avez-vous eu l’idée de vous attaquer au GR20 ?
Cette idée date de l’an dernier. Avec mon ami Benoit Girondel (deux fois vainqueur de la Diagonale des Fous, à La Réunion) et des coureurs locaux, on a reconnu l’intégralité du parcours en 4 jours. Avec Benoit, on s’est dit que tenter un jour la traversée en off pourrait être un beau challenge. Cette année, avec le Covid et l’annulation de toutes les courses, c’était le moment de se lancer car c’est quelque chose qui sort du cadre ordinaire. Et en plus GR20 rime avec 2020 !
Que représente pour vous cette tentative ?
Le GR20 est mondialement connu, c’est une trace mythique. C’est un beau challenge, une belle aventure sportive et humaine. C’est un peu particulier car je n’ai jamais fait une course à pied de plus de 24 heures non-stop. Là, il va falloir passer la barre des 30 heures. C’est encore une étape supplémentaire. Ça m’excite un peu de pouvoir pousser mes limites, de voir comment mon corps va réagir après 24 heures. Il faudra garder de la lucidité et de la fluidité. Avec la notion de gestion, ce sont les deux choses essentielles de cette aventure. C’est un itinéraire très technique avec beaucoup de cailloux. Il faudra être vigilant pour ne pas se faire mal, passer les obstacles les uns après les autres. Il y a tellement de moyens de se blesser ou de tomber, il faudra faire attention.
Avez-vous effectué une préparation spéciale ?
Pas forcément. J’ai préparé la tentative du GR comme je prépare les ultras. J’ai quand même essayé d’aller sur des terrains avec pas mal de cailloux pour m’exercer dans les descentes à être plus à l’aise, relâché, gainé et fluide. Car la Corse c’est ça, du terrain technique avec beaucoup de cailloux. Mais rien n’est comparable avec la Corse.
Quels seront les points clés de cette traversée ?
On va caler le départ entre le 6 et le 10 juillet en fonction de la météo. Je devrais partir à 4h du matin car il faut que j’arrive au 80e kilomètre avant la fin de journée ou le début de la nuit. La deuxième partie du GR est moins technique. C’est donc plus avantageux de la faire la nuit car il y a moins à regarder où on met les pieds. Les 80 premiers kilomètres sont en revanche très exigeants avec plein de cailloux. Il faut entre 16 et 18 heures pour les parcourir, ça donne une idée de la difficulté. Il y a notamment le cirque de la Solitude qui est très raide. Ce n’est pas très long mais faut faire gaffe où on met les pieds car il y a plein de possibilités de tomber et de se faire mal. J’ai la chance d’avoir mes parents qui vivent en Corse depuis longtemps. J’allais les voir régulièrement et je profitais de la montagne. Je ne connais pas parfaitement le parcours mais j’avais déjà fait des petites sections par-ci par-là, avant de faire l’intégral l’an dernier.
La reconnaissance est de toute façon indispensable pour un tel périple. On a étudié le plan de route. Aux endroits où le staff dispose d’un accès voiture, il y aura des relais avec mes compagnons de route. Ils seront frais et pourront instaurer un tempo plus rythmé, plus marqué qui m’aidera à aller de l’avant. Grosso modo, ça se fera toutes les 7 ou 8 heures de course et j’aurai toujours trois personnes pour courir avec moi. Pour réussir une traversée comme celle-ci il faut être bien entouré avec un staff toute une logistique et des compagnons de course.
Que va vous apporter le fait d’être accompagné ?
Il y a plusieurs avantages. D’abord, contrairement à une course où on doit être en autonomie, je n’aurai rien à porter, ni l’eau ni la nourriture. Avoir des accompagnateurs qui vous encouragent en courant à côté de vous est également interdit en course. Là, ils pourront m’apporter ce soutien moral. Au niveau de l’orientation c’est également important. Sur un terrain comme celui de la Corse avec tous les cailloux, c’est compliqué de se repérer tout seul. Avec mes « pacers », je n’aurai qu’à les suivre. J’aurai beaucoup de coureurs locaux. C’est indispensable car ils connaissent parfaitement le terrain. Même si on y allait tous les ans, on ne connaitrait jamais le terrain corse aussi bien qu’eux. Il y aura donc des coureurs comme Lambert Santelli, Guillaume Perretti qui a eu le record (32 h, en 2014), Fred Callier, Jean-François Hautin etc. Ils ont accepté de m’accompagner, c’est super sympa de leur part. Grâce à eux, on va vivre une incroyable aventure humaine. Cette convivialité est aussi très importante. C’est d’ailleurs surtout ça que je retiens du projet. Le partage est plus important que la performance et le défi sportif.
La liste des précédents détenteurs du record avec des coureurs comme Kilian Jornet (32h54, en 2009) et François D’Haene (31h06, en 2016) avec qui vous partagez le record de trois victoires sur l’UTMB situe la valeur de la performance…
Ce sont évidemment des belles références. Je suis avant tout amoureux de nature, de sport et d’outdoor, mais je suis aussi un compétiteur. Ce projet allie plein de choses à la fois : l’amour de la montagne, la passion de l’activité, le partage, la convivialité et puis cet aspect de la compétition-performance avec l’envie de se rapprocher des temps réalisés par ces coureurs de haut niveau comme Kilian et François. Je ne prétends pas forcément les battre mais je vais faire du mieux possible pour être dans leurs temps.
Crédit photo : Albin Durand
Une logistique record
Manager de Xavier Thévenard et véritable cheville-ouvrière du projet, Thomas Michaud détaille les coulisses de cette tentative de record du GR 20.
« C’est assez complexe car c’est un fonctionnement inhabituel autant pour lui que pour nous. Contrairement à une course, nous n’avons pas une heure précise de départ et nous travaillons donc avec un routeur météo. Nous sommes davantage dans une approche d’expédition en haute montagne. Pour l’instant, en fonction de nombreux critères comme la lune par exemple, nous partirions le 6 juillet, à 4h du matin. Nous ferons un point avec le routeur le 1er juillet pour prendre la décision. Dans tous les cas, ce devrait être entre le 6 et le 10. Nous ne pouvons pas non plus étendre cette fenêtre trop longtemps car il est compliqué de bloquer toute l’équipe pendant plusieurs semaines. Nous devons également équiper le passage du cirque de la Solitude (vers le 30e kilomètre) qui a été retiré du tracé du GR 20 suite à un accident dramatique (en 2015), mais qui demeure sur le parcours officiel du record (le tracé officiel et les records dépendent de la Fédération Française de Montagne et d’Escalade). Les mains-courantes n’existent plus et nous devons en installer de nouvelles que nous enlèverons après le passage de Xavier. Y a du boulot. Avec le père de Xavier qui est souvent en Corse, cela nous permet aussi d’associer les habitants de l’île et de donner une couleur corse à cette tentative. »
Trente « pacers »
« Notre volonté a toujours été d’intégrer les coureurs corses à notre projet. Ils seront donc 27 sur les 30 coureurs qui accompagneront Xavier. Ils se sont beaucoup entraînés sur les portions où nous les avons placés pour tout connaître par cœur. Les trois continentaux sont des potes de Xavier. Leur proximité avec lui pourra être utile dans les éventuels moments difficiles. Il faut beaucoup de monde car courir deux ou trois heures avec Xavier est faisable par des bons coureurs, mais Xavier, lui, va rester au même rythme pendant 30 heures et là y a plus grand monde pour suivre. Il faut aussi réfléchir pour déterminer qui va prendre quoi et quand sur le portage de ses vivres. Mais ça fait aussi la beauté du projet car ce sont des réflexions que l’on n’a pas habituellement. Les points d’accès sont parfois limités en Corse. Certains devront déjà randonner trois ou quatre heures pour aller au point de relais. Il y en a même qui dormiront sur place en l’attendant. Nous avons triplé ou quadruplé les pacers par sécurité. Si l’un d’eux faiblit, Xavier aura ainsi toujours quelqu’un avec lui. On pense aussi en mettre davantage la nuit pour que Xavier soit bien accompagné et éclairé. »
La préparation de Xavier Thévenard pour le GR20
« Comme pour tout le monde, la préparation a été un peu perturbée par le Covid. Mais il en a profité pour faire un peu plus de muscu ou de gainage. Il s’est aussi beaucoup déplacé en vélo. Il avait également beaucoup travaillé l’hiver dernier. Qu’il s’entraîne pour une course ou cette traversée, il passe déjà beaucoup de temps dehors. Depuis le déconfinement, il a réalisé un énorme bloc de travail dans le Chablais. Pendant une dizaine de jours, il s’est entraîné dans des conditions très difficiles avec de la neige tous les jours au-dessus de 2000. Il a dormi dans sa camionnette, sans aucun confort. Y a pas grand-monde capable de faire ça. C’est dans ces moments qu’il se forge le caractère. Nous sommes désormais dans la phase d’affûtage. Il n’y a plus qu’à faire en sorte que l’aventure soit belle. »