Le trail n’a plus d’idole et n’arrive pas à se renouveler.
François d’Haene et Kilian Jornet : déjà 12 ans
Si je vous dis « trailer célèbre », à qui penserez-vous en premier ? Il y a fort à parier que les deux premiers noms qui vont viendront seront François d’Haene et Kilian Jornet.
On pourra évoquer éventuellement Xavier Thévenard, Pau Capell, Jim Walmsley, mais ce ne sont pas les têtes de gondole de la discipline (ce qui, soit dit en passant, est un peu cruel pour le monstre qu’est Walmsley).
– Ça fait treize ans que François d’Haene est sur le circuit (avec une victoire à l’édition 2006 du Tour des glaciers de la Vanoise et une médaille de bronze à la CCC).
– Kilian Jornet a gagné beaucoup dans les catégories junior en ski-alpinisme. En trail, c’est en 2007 qu’il pointe le bout de son nez en remportant Zegama Aizkorri. Kilian Jornet, ça fait donc douze ans.
Personne n’a réussi à se faire une place entre François et Kilian depuis. Ou du moins pas sur la durée. Si bien que depuis 2006, si les deux athlètes n’ont pas été « renouvelés », c’est qu’en l’état actuel des choses, le trail n’a clairement plus d’idole.
Est-ce que les autres n’ont pas leur niveau ?
La question du niveau est intéressante, car même si je pense que les deux sont un peu au-dessus de la moyenne, on a quelques monstres (Thévenard, Capell, Angermund Vik, pour ne citer qu’eux) qui n’ont pas grand-chose à leur envier.
Kilian Jornet et François d’Haene : les raisons de leur renommée
1- Jornet et d’Haene ont bénéficié du fait qu’ils ont émergé en même temps que l’ultra
Ils ont clairement été les premières stars de l’ultra (si on met un peu de côté Anton Krupicka), mais je me dis qu’en plus de dix ans, des nouvelles têtes auraient pu émerger de manière plus régulière, et ça n’a pas été le cas. C’est un peu similaire au duel en football entre Messi et Ronaldo, qui se partagent tous les trophées et ne laissent que les miettes à la concurrence. Après, soyons honnêtes, reconnaissons volontiers que ce n’est pas propre au trail et au foot. Si on regarde un peu dans les autres sports, où a-t-on assisté à l’émergence d’une troisième personne qui a pu se glisser au niveau de deux monstres dominants ? Le seul exemple qui me vient en tête, c’est Djokovic qui est venu se mêler à la lutte Nadal/Federer.
Qu’ont-ils que les autres n’ont pas ?
2- Jornet et d’Haene sont précoces, et ont commencé à gagner très jeune
Ce qui les a longtemps différenciés, c’est leur supposée précocité.
– Kilian Jornet a remporté Zegama Aizkorri à 20 ans.
– François a quant à lui remporté le Tour des Glaciers de la Vanoise à 21 ans.
C’est impressionnant, certes, mais Xavier Thévenard a gagné la CCC à 22 ans (et dès lors qu’il a fait deuxième à l’UTMB, la majorité des gens ont commencé à l’oublier alors que si ça avait été le cas pour François ou Kilian, ça n’aurait pas été la même).
Et cette année, Davide Magnini a remporté le marathon du Mont Blanc à 22 ans. On s’en est réjoui, on l’a porté aux nues (un peu vite ?) en le voyant potentiellement comme la future grande star. Il est peut-être la seule nouvelle tête de ces deux dernières années dont on peut se dire qu’il peut devenir une idole, l’avenir le dira.
Trop de championnats, trop de trails, trop de vainqueurs…
3- Aujourd’hui, trop de vainqueurs
A mon avis, le cœur du problème est plutôt là et explique bien le non-renouvellement des idoles. Aujourd’hui, les courses se multiplient, les championnats aussi, et donc les vainqueurs qui vont avec.
Prenons juste cette année.
Kilian gagne le GTWS, Jonathan Albon gagne un championnat du monde, Jim Walmsley en gagne un autre, François gagne le MIUT, Magnini remporte le petit format du marathon du Mont Blanc, Xavier Thévenard gagne le grand format, Pau Capell gagne l’UTMB (et l’UTWT par la même occasion), Courtney Dauwalter gagne le Tarawera, Tollefson gagne le Lavaredo, Hernando gagne la CCC, Villa gagne la TDS, Curmer gagne la diagonale…
Bref, quand vous avez autant de vainqueurs, ça devient de plus en plus difficile de les suivre, de s’y attacher… On suivra plus volontiers ceux pour lesquels on a un petit coup de cœur, mais on doit faire un « choix » qui sera plus basé sur des raisons extra-sportives (alors qu’à l’époque, quand François et Kilian ont émergé, ils ont amené avec eux une fraicheur qu’aucun n’amène aujourd’hui, sauf éventuellement Magnini) et sur le rapport qu’ils ont aux réseaux sociaux. Personnellement, ce n’est peut-être pas le meilleur, mais un coureur que j’adore, c’est Thibaut Baronian.
Que ce soit par la multiplication des courses, par la précocité du trail, ou parce qu’on n’a pas trouvé meilleur qu’eux, il n’y a plus d’idole en trail depuis François et Kilian. Et plus le temps passe, plus il sera difficile de prendre leur succession. C’est tout le mal qu’on souhaite à Magnini.