Il croyait battre un record. Il a fini au tribunal. Et maintenant, il risque la prison.
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Un simple sentier, un chrono, une trace GPS. Et pourtant, tout a basculé.
Un coureur de montagne passionné s’élance sur un sommet emblématique. Il grimpe vite, descend encore plus vite. Il bat un record personnel. Il publie sa performance en ligne, fier, convaincu d’avoir accompli quelque chose de beau. Quelques semaines plus tard, il reçoit une convocation. Devant un tribunal. Pour avoir emprunté un sentier considéré comme « non autorisé ».
Courir ne protège pas de la loi
La montagne, espace de liberté ? Pas toujours. Certains sentiers, parfois anciens, visibles et fréquentés, sont classés « fermés au public » sans qu’aucune barrière, rubalise ou carte officielle ne le précise. Parfois, un simple panneau posé à la hâte suffit à interdire le passage. « Zone en régénération », « shortcutting interdit », « sentier fermé » : ces mentions discrètes suffisent à transformer une sortie en infraction.
Le coureur n’a rien abîmé. Il n’a fait que suivre une ligne connue de nombreux randonneurs. Mais pour la justice, cela suffit. Le parquet estime qu’il a enfreint la réglementation du parc, et qu’il doit être sanctionné. Le dossier devient symbolique : celui d’un sportif face à la rigidité du système.
Record personnel, délit fédéral
Il ne s’agit pas d’une sortie sauvage ni d’un franchissement dangereux. Le coureur a simplement emprunté un petit single bien marqué, taillé dans le flanc de la montagne. Deux panneaux minuscules signalent une fermeture temporaire, l’un au sommet, l’autre en bas. Rien d’évident. Rien de visible pour qui n’est pas au courant. Mais ces deux morceaux de bois suffisent à enclencher une procédure judiciaire.
La trace GPS, publiée en ligne, a servi de preuve. L’administration l’a repérée, a remonté son identité, puis a saisi la justice. En 2025, courir vite ne suffit plus. Il faut courir dans les clous, même quand personne ne sait vraiment où ils se trouvent.
Ce que l’on ignore peut condamner
L’avocat du coureur plaide la bonne foi. Il explique que son client ne pouvait pas savoir, qu’il n’a jamais voulu contourner le règlement. Il propose même d’aider les autorités à fermer officiellement le sentier concerné, emprunté chaque semaine par des dizaines d’autres sportifs. Mais le parquet refuse de classer. Il veut un jugement. Une sanction exemplaire.
Une peine déconnectée du réel
La réquisition tombe : six mois de prison. Pour avoir couru. Six mois pour avoir foulé un sentier non validé. Six mois pour avoir cru que la montagne appartenait à ceux qui la respectent.
Cette affaire n’est pas une fiction. Elle ne vient pas d’une série, ni d’un roman dystopique. Elle se déroule aux États-Unis, dans le parc national du Grand Teton, dans le Wyoming. Le coureur s’appelle Michelino Sunseri. Son ascension du Grand Teton, chronométrée et partagée, a fait de lui un recordman… puis un prévenu.
C’est l’endroit exact où ses pieds ont atterri. Un sentier classé « fermé », mais connu, visible et parcouru depuis des décennies. Deux petits panneaux, aucune barrière, mais un risque judiciaire bien réel.
Et maintenant ?
Le procès s’est tenu au printemps 2025, sans jury, à huis clos. Le verdict définitif n’est pas encore rendu, mais la peine encourue reste lourde. Pendant ce temps, plusieurs élus américains dénoncent une justice absurde et un système hors sol. Ils parlent de « surpénalisation » et de « pièges réglementaires invisibles ».
Ils rappellent que le code fédéral américain contient plus de 300 000 infractions pénalement sanctionnables. Même les juristes n’en connaissent pas le nombre exact. Autrement dit : nul n’est censé ignorer la loi, mais personne ne peut réellement la connaître.
Le trail sous tension
Cette affaire dépasse le cas Sunseri. Elle illustre un tournant : le passage d’un trail libre et intuitif à un trail surveillé, codifié, juridiquement fragile. Courir en montagne devient un acte sous condition. Un acte qui, mal lu ou mal interprété, peut être considéré comme une faute.
Michelino Sunseri n’a pas vandalisé. Il n’a pas détruit. Il a couru. Il a simplement pris le mauvais sentier, au mauvais moment, et partagé sa fierté au mauvais endroit.
Dans un monde où chaque trace GPS devient une preuve, où chaque segment peut devenir un dossier, la question se pose désormais autrement :
Et si, un jour, une performance en montagne valait une condamnation ?
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