Ruth Croft ne revient pas à Chamonix pour profiter du paysage. Après avoir terminé deuxième de l’UTMB 2024, la traileuse néo-zélandaise aborde cette édition 2025 comme une mission.
À 36 ans, forte d’un palmarès ultra-consistant sur les sentiers alpins, elle n’a plus rien à prouver… sauf qu’elle peut battre la reine Courtney Dauwalter.
Ruth Croft : dix ans de progression pour un seul objectif, l’UTMB
Depuis sa victoire sur la CCC en 2015, Ruth Croft n’a jamais cessé d’apprendre. Elle a enchaîné les podiums sur toutes les épreuves majeures autour du Mont-Blanc : OCC, Marathon du Mont-Blanc, CCC… tout, sauf l’UTMB. Et ce n’est pas faute d’avoir le niveau : sa deuxième place en 2024 a prouvé qu’elle avait les armes. Mais elle a aussi prouvé que le titre ne se jouait pas uniquement sur les jambes. L’expérience, la stratégie et l’intelligence de course seront décisives en 2025. Et sur ces trois points, Croft a fait ses devoirs.
2024 : une course parfaite… ou presque
L’an dernier, Croft avait couru intelligemment, sans s’emballer. Mais à l’arrivée, elle avait un goût amer en bouche. Pas de défaillance, pas d’erreur stratégique, mais peut-être un excès de prudence dans les premiers kilomètres. Elle l’a elle-même reconnu : elle aurait pu forcer un peu plus. En 2025, cette retenue n’aura plus sa place.
Depuis plusieurs mois, sa préparation s’est intensifiée, avec un focus sur les points faibles identifiés. Sauna pour simuler les conditions chaudes, reconnaissances poussées du segment Courmayeur-Chamonix, planification optimisée… Croft ne laisse rien au hasard. Elle sait que l’UTMB ne se gagne pas uniquement dans les pentes, mais aussi à la table de ravito, dans la gestion de l’effort et dans le mental.
Le profil parfait pour l’UTMB
Ruth Croft, c’est la maîtrise technique absolue. Elle descend avec fluidité, monte sans à-coups et gère ses transitions avec une efficacité chirurgicale. À l’UTMB 2024, elle n’a passé que 12 minutes aux ravitaillements. Une économie d’effort rare, qui traduit un mental froid et une préparation millimétrée.
Mais ce qui la rend vraiment redoutable, c’est sa capacité à courir fort longtemps, sans exploser. Son rythme ne faiblit pas. Elle avance, imperturbable, comme une horloge. Et sur un ultra de 170 km, cette régularité est une arme.
Courtney Dauwalter est humaine
Si Ruth Croft est en pleine ascension, Courtney Dauwalter semble, elle, marquer le pas. Son abandon sur la Cocodona 250 en mai a surpris. Son début de saison a été plus chaotique que d’habitude. Même si elle a rassuré avec une victoire sur le Lavaredo Ultra Trail, la machine américaine ne paraît plus aussi infaillible. À 40 ans, même les meilleures peuvent fléchir.
Croft, au contraire, arrive en pleine forme. Sa victoire écrasante à la Tarawera en Nouvelle-Zélande a montré qu’elle avait franchi un nouveau cap. Elle semble plus affûtée, plus concentrée, plus obsédée que jamais par l’UTMB. Et surtout, elle n’a pas couru à outrance : tout son été a été pensé autour de Chamonix.
Une approche moderne, mais instinctive
Ruth Croft s’appuie sur la technologie, oui, mais sans se perdre dans les chiffres. Elle collabore avec ENDURAW, un collectif d’experts en entraînement, et avec son coach Scott Johnson. Ensemble, ils croisent les données d’entraînement avec le ressenti du terrain. Pas question de se laisser noyer dans les stats : l’important reste la sensation, l’équilibre, l’instinct. Elle ne court pas pour battre un algorithme, elle court pour dominer une montagne.
Une obsession saine
Elle ne le cache pas : l’UTMB est son obsession. Mais une obsession positive. Chaque séance, chaque sortie, chaque montée en zone 2 vise cet objectif. Ce n’est pas une lubie, c’est un cap. Et elle l’aborde avec sérénité, comme une page blanche. Pas de revanche amère sur 2024, juste une volonté de faire mieux, d’aller au bout de son potentiel.
Ruth Croft n’est pas la plus spectaculaire. Elle ne sourit pas autant que Courtney. Mais elle creuse son sillon, discrètement, avec constance, patience et exigence. Et cette année, tout semble aligné pour qu’elle transforme sa médaille d’argent en or.