Mathieu Blanchard ne laisse personne indifférent.
Héros des sentiers, visage médiatique du trail, ancien finaliste de Koh-Lanta, il s’est lancé avec audace dans une transatlantique à la voile avant d’annoncer vouloir enchaîner — malgré une côte cassée — avec un ultra-trail de 134 km. Une prouesse ? Peut-être. Un excès ? C’est ce que certains commencent à penser. Car derrière l’aventure humaine, un autre sujet s’impose : sa manière de la raconter.
Acheter le livre de Mathieu Blanchard
Mathieu Blanchard, quand la communication prend le dessus sur l’exploit
Ce n’est pas tant l’audace du défi qui crispe. Ce n’est pas non plus la douleur affichée, ni la fatigue assumée. Ce qui suscite des interrogations, c’est la fréquence des publications, la scénarisation du moindre état d’âme, la mise en récit quasi quotidienne de son inconfort. « Est-ce qu’il y a un jour, un post, une publication où il arrête de chialer ? », s’agace un internaute sur Facebook. D’autres ironisent : « Prochain défi : l’humilité », ou encore « Le pauvre bichon ».
Loin d’être isolées, ces réactions soulignent une fracture : celle entre les fans inconditionnels et ceux qui, progressivement, saturent de ce qu’ils perçoivent comme un trop-plein de mise en scène personnelle.
Une parole jugée trop centrée sur lui-même
Il est reconnu que Mathieu Blanchard maîtrise parfaitement les codes de la communication moderne : storytelling, authenticité affichée, vulnérabilité assumée. Mais à force de livrer chaque pensée, chaque douleur, chaque doute, il donne à certains l’impression d’un culte de soi trop appuyé.
« Un super sportif mais tellement autocentré qu’il en énerve plus d’un », écrit un internaute. D’autres appellent à la discrétion : « Prends des vacances, franchement tu n’as plus rien à prouver. »
Cette critique est d’autant plus vive que Blanchard, ancien consultant en innovation, est aussi un expert en marketing personnel. Certains y voient une démarche sincère, d’autres un calcul stratégique, voire une forme d’épuisement de l’image.
L’impossible position du sportif ultra-visible
Il faut dire que Blanchard n’est pas un traileur comme les autres. Il parle, beaucoup. Il partage, tout. Et il ne le fait pas uniquement à travers ses performances : il raconte ses doutes, ses larmes, ses blessures.
Dans un monde du trail encore attaché à une forme de pudeur — où beaucoup estiment qu’on doit « courir, pas parler » — cette posture dérange.
Mais il faut aussi reconnaître une chose : il ne triche pas. Ce qu’il publie semble vrai. Brut. À vif. Et peut-être est-ce précisément ce qui crée le malaise : une transparence si totale qu’elle finit par déranger, là où d’autres préfèrent l’ombre et le silence.
La surexposition fatigue… mais fait partie du jeu
En se confiant avec autant d’intensité, Mathieu Blanchard bouscule les codes. Il ne vend pas une image lisse de héros invincible. Il montre ses failles, ses larmes, sa vulnérabilité mentale. Il pleure à l’arrivée de la Transat. Il avoue être « mentalement détruit ». Il dit ne plus avoir de ressources. Et veut pourtant courir encore.
Cette sincérité pourrait inspirer. Mais pour certains, elle fatigue. Car à chaque étape, chaque difficulté devient un épisode narratif. Et certains internautes, lassés, voient moins l’athlète que le communicant.
Une contradiction qui devient un sujet
Le paradoxe est là : comment prétendre vouloir “profiter du rythme tranquille des Antilles” tout en documentant chaque sortie à la minute près ? Comment dire qu’on doute, tout en annonçant un nouvel exploit dans la foulée ?
Le problème n’est pas ce qu’il vit. C’est ce que certains perçoivent dans le déploiement de cette parole. Trop intense. Trop présente. Trop omniprésente.
Ce que cela dit du monde du trail aujourd’hui
Le cas Blanchard dépasse sa seule personne. Il interroge la place de la communication dans le sport outdoor. Dans un milieu où beaucoup de champions courent dans l’ombre, où la discrétion est une valeur tacite, Mathieu Blanchard détonne. Il assume. Il montre. Il raconte. Il performe… dans l’exposition de soi.
C’est peut-être cela, au fond, qui irrite : un nouveau modèle du sportif, plus médiatique qu’ascétique, plus digital que contemplatif.
En résumé entre admiration et lassitude, une fracture numérique
Mathieu Blanchard reste un athlète hors-norme. Mais à force de se raconter, il provoque un effet paradoxal : il devient clivant.
Les fans continuent d’admirer sa résilience, sa force mentale, son appétit pour les défis extrêmes. Les autres pointent une forme d’épuisement médiatique, un trop-plein d’introspection, une fatigue de la mise en récit permanente.
Au fond, la question n’est peut-être pas de savoir s’il en fait trop. Mais si le public est prêt à tout entendre. Même ce qui, parfois, dérange.
Source
Lire aussi
- Kilian Jornet est végétarien
- Des dossards qui s’envolent : l’incroyable succès des trails et courses nature en France
- François d’Haene a une fracture de la jambe, ça sent la fin
- Pourquoi il y a plus en plus de blessures et de fractures chez les traileurs ?
- Après une fracture de fatigue…
- La fracture de fatigue













