Un scénario qui inquiète tous les traileurs connectés
Depuis que Strava a menacé de restreindre l’accès à son API à partir du 1er novembre 2025, la communauté du trail s’agite. Derrière cette apparente querelle juridique entre Strava et Garmin se cache un enjeu fondamental : l’autonomie des montres GPS face aux plateformes de données.
Car si Garmin dépend étroitement de Strava pour son écosystème social et ses segments live, d’autres marques — notamment Coros et Suunto — ont conçu leurs systèmes différemment. Et cela change tout.
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Garmin et Strava, une dépendance historique
Depuis plus de dix ans, Garmin et Strava fonctionnent en quasi symbiose.
Les montres Garmin envoient automatiquement les données vers Strava, et Strava, en retour, renvoie les segments live, les itinéraires et les plans d’entraînement.
Le lien entre Garmin et Strava repose sur une API bidirectionnelle (une sorte de passerelle numérique) développée et entretenue conjointement.
Mais c’est précisément cette architecture qui fragilise Garmin aujourd’hui : si Strava ferme l’accès, toute la chaîne tombe. Les montres Garmin pourront toujours enregistrer les activités, mais la synchronisation automatique et les segments live disparaîtront d’un coup.
Autrement dit : le coureur redeviendra dépendant du câble USB, comme au début des années 2010.
Les utilisateurs Garmin devraient alors exporter manuellement leurs fichiers GPX via Garmin Connect, puis les importer un par un sur Strava.
Un processus archaïque, surtout pour les coureurs qui publient plusieurs activités par semaine.
Coros et Suunto : deux architectures plus indépendantes
À l’inverse, Coros et Suunto ont bâti leurs systèmes en pensant l’autonomie avant la dépendance.
Garmin, Coros et Suunto disposent tous d’écosystèmes propriétaires complets — Garmin Connect, Coros Training Hub et Suunto App — capables de stocker, d’analyser et de partager les données sans passer par Strava.
La différence tient moins à la technique qu’à la culture d’usage : là où la plupart des utilisateurs Garmin s’appuient sur Strava pour la partie sociale et les segments live, les communautés Coros et Suunto restent davantage centrées sur leurs applications natives.
Chez Coros, chaque activité est enregistrée localement, puis synchronisée d’abord vers le cloud Coros, avant d’être exportée vers Strava si la connexion existe.
Chez Suunto, le schéma est similaire : la montre envoie ses données vers les serveurs Suunto, puis Strava vient les chercher en second.
En cas de blocage de l’API, la boucle interne Coros/Suunto continuerait donc de fonctionner normalement.
C’est cette indépendance structurelle qui rend les utilisateurs Coros et Suunto bien moins vulnérables à un éventuel blocage.
Leur montre continuerait à tout enregistrer, analyser, et afficher — seules les interactions sociales sur Strava seraient interrompues.
Une logique d’écosystème fermé, mais maîtrisé
Coros et Suunto ont souvent été critiqués pour leur écosystème « fermé », moins connecté aux applications tierces.
Mais dans ce contexte, ce choix stratégique devient un atout : leurs services reposent sur des protocoles internes qui ne dépendent pas de Strava.
- Coros Training Hub permet déjà de suivre les performances, les charges d’entraînement, le VO2 max et même les plans de course.
- Suunto App, elle, s’intègre à des services comme Komoot, Relive, AllTrails ou Fatmap, offrant de multiples passerelles alternatives à Strava.
En cas de coupure, les données des utilisateurs resteraient accessibles et exploitables, sans perte d’historique ni interruption d’usage.
Cela signifie que même sans Strava, les utilisateurs continueraient à synchroniser, visualiser et partager leurs activités depuis les applications natives.
Garmin, victime de sa propre intégration
Garmin a été pionnier de la montre connectée multisport, mais son modèle repose sur une logique de co-dépendance numérique :
Garmin Connect et Strava échangent en permanence des informations, via des flux sécurisés et des validations croisées.
Résultat : si Strava coupe l’accès, Garmin ne peut pas simplement « rerouter » les données. Il lui faudrait développer une alternative — un réseau social maison, un équivalent de Strava, ou une passerelle alternative (comme Komoot ou TrainingPeaks).
Cette dépendance a longtemps été une force. Aujourd’hui, elle devient un risque stratégique.
Ce qui pourrait changer pour les traileurs
Dans la pratique, une rupture entre Strava et Garmin ne signifierait pas la fin du suivi sportif.
Les montres Garmin resteraient fonctionnelles, mais les traileurs perdraient :
* la synchronisation automatique des activités ;
* les segments live ;
* et les partages instantanés vers Strava et les réseaux sociaux.
Les utilisateurs Coros et Suunto, eux, conserveraient leurs données en local et dans le cloud de leur marque, sans rupture d’usage majeure.
Leur écosystème plus modeste mais plus souple pourrait alors séduire de nouveaux adeptes parmi les déçus de Garmin.
En résumé, l’indépendance paie toujours
Ce qui se joue ici dépasse la simple compatibilité entre deux marques : c’est une question de souveraineté numérique.
En privilégiant la maîtrise de leur architecture, Coros et Suunto ont anticipé ce type de conflit.
Garmin, à force d’intégration, s’est enfermée dans une dépendance technique qui pourrait lui coûter cher si Strava ne cède pas.
Dans un monde où la donnée sportive est devenue un actif stratégique, les marques qui savent fonctionner **seules** sont celles qui sortiront gagnantes.
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Mentions éditoriales – esprit uTrail
Cet article repose sur les informations publiques disponibles au moment de sa rédaction. Il a pour unique objectif d’expliquer les enjeux techniques entre Strava, Garmin, Coros et Suunto, sans porter de jugement ni de dénigrement à l’égard d’aucune marque, personne ou organisation.
uTrail peut se tromper, et le reconnaît volontiers : certaines données techniques peuvent évoluer, être corrigées ou complétées par les fabricants. Nos analyses reflètent un état de la situation à un instant donné, dans un esprit d’information, d’indépendance et de transparence envers les coureurs et pratiquants de trail.
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