D’apparence, la scène est absurde. En pleine Transat Café L’Or, au milieu de l’Atlantique, Mathieu Blanchard poste une activité Strava : cinq kilomètres, allure régulière, séance validée. Sauf qu’il ne court pas sur un sentier, mais se déplace sur le pont de son Imoca, un voilier de dix-huit mètres qui avance lui aussi, parfois à plus de 20km/h. Comment la montre GPS peut-elle enregistrer uniquement la distance parcourue à pied, sans ajouter les kilomètres avalés par le bateau ?
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Alpes, au-delà des limites
Pourquoi une montre GPS ne mesure pas un effort… mais un déplacement
Pour comprendre, il faut oublier une idée reçue : une montre GPS ne « connaît » pas l’effort. Elle ne sait pas si vous êtes en train de courir, d’être transporté, ou de flotter sur l’océan. Elle ne mesure pas l’intention. Elle ne mesure que des déplacements dans l’espace. Ce qui compte pour elle, ce n’est pas l’effort fourni, mais les points successifs enregistrés dans le temps et dans l’espace.
Le calcul de distance : des segments GPS mis bout à bout
La montre calcule la distance en additionnant les segments entre ces points. Quand Mathieu se déplace sur le pont, son poignet change de position à chaque foulée, légèrement vers l’avant, légèrement sur le côté, changeant de direction en permanence. Même si le bateau avance dans une trajectoire relativement stable, le poignet, lui, se déplace dans un tout autre schéma. Chaque déplacement, même minime, est positionné par le GPS et cumulé en distance.
Pourquoi la montre compte aussi des kilomètres… en voiture
La question revient souvent dans les commentaires : si la montre de Mathieu Blanchard est capable de comptabiliser ses cinq kilomètres quotidien sur le bateau, pourquoi compte-t-elle aussi les kilomètres lorsque l’on rentre en voiture sans avoir arrêté l’enregistrement ? C’est exactement le même principe. La montre ne sait pas que vous êtes en voiture. Elle reçoit un point A, puis un point B un peu plus loin, et un point C encore plus loin. Elle ajoute ces distances. Que vous soyez en train de courir, d’être sur un bateau ou de tenir un volant, le GPS additionne les mètres entre les positions successives.
Alors pourquoi la montre ne compte pas la distance du bateau ?
Parce que le bateau se déplace en ligne relativement droite, avec une direction constante. Si le poignet restait immobile, la montre enregistrerait effectivement la distance parcourue par le bateau, comme dans la voiture. Mais Mathieu, lui, marche. Il traverse le pont, change de sens, accélère, se décale. Ces mouvements créent des variations de position non alignées avec celles du bateau. La montre détecte que le poignet ne suit pas la trajectoire linéaire du voilier. Chaque foulée crée ainsi un micro-déplacement indépendant du mouvement de l’embarcation, que la montre traduit en distance personnelle.
Le rôle du gyroscope et de l’accéléromètre
Autre élément essentiel : les montres modernes ne se basent plus uniquement sur le GPS. Elles utilisent aussi l’accéléromètre et le gyroscope intégrés. Ces deux capteurs mesurent la cadence de foulée, les oscillations du bras, les accélérations et décélérations. Lorsque le GPS est difficile — par exemple à proximité d’un mât métallique, dans le vent, avec des rebonds de signal — l’algorithme de la montre s’appuie davantage sur les mouvements du bras. C’est exactement ce qui se passe sur un tapis de course. On peut courir sans bouger spatialement, et la montre calcule quand même la distance grâce aux capteurs internes, en estimant la longueur de foulée.
Une situation hybride : ni voiture, ni tapis
Courir sur un bateau n’est ni l’exact équivalent de la voiture ni celui du tapis. C’est une combinaison des deux. Le bateau avance, mais le coureur se déplace à l’intérieur d’un espace lui-même en mouvement. La fusion des capteurs permet à la montre d’isoler en grande partie la trajectoire du coureur. Le résultat reste approximatif — mais il est cohérent, reproductible et compréhensible.
Cette sortie raconte autre chose qu’une simple séance
La scène peut prêter à sourire, mais elle raconte quelque chose de plus profond. Sur l’océan, le temps se dilate, les repères disparaissent, l’immensité devient écrasante. Courir, même cinq kilomètres, même sur dix-huit mètres, c’est garder un lien avec soi-même. C’est retrouver une identité quand tout autour n’est que vent, bruit et attente. Sur ce pont ballotté par les vagues, la montre ne mesure pas seulement une distance. Elle mesure un besoin de rester coureur.
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