Au marathon de Paris, la décision d’imposer la flasque personnelle divise fortement
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Dans le trail, c’est une évidence : on part avec son sac, ses flasques souples, son gobelet pliant et un matériel obligatoire qui peut aller jusqu’à la couverture de survie et la lampe frontale.
C’est un sport où l’autonomie fait partie de la culture. Mais transposer ces codes au marathon, c’est une autre histoire. Le marathon de Paris n’est pas une aventure en montagne, c’est une fête populaire qui rassemble plus de 55 000 coureurs, venus de tous horizons, pour parcourir 42,195 kilomètres au cœur de la capitale. Et c’est justement ce qui fait sa magie.
En annonçant qu’à partir de 2026 il n’y aura plus ni bouteilles ni gobelets aux ravitaillements du marathon de Paris, Amaury Sport Organisation (ASO) prend une décision qui divise profondément.
Certains applaudissent l’innovation écologique, d’autres dénoncent une contrainte inutile qui risque de gâcher l’expérience de milliers de participants. Une chose est sûre : en imposant le modèle du trail à une épreuve de route, ASO oublie l’essence même du marathon.
Le marathon, une course populaire avant tout
Depuis ses origines modernes, le marathon est une course qui se veut universelle. Contrairement au trail, qui s’adresse souvent à des passionnés équipés et expérimentés, le marathon attire aussi bien les élites que les amateurs les plus occasionnels. Pour beaucoup, courir à Paris est un rêve de longue date, un défi personnel, parfois l’unique 42 km de toute une vie. On y voit des coureurs réguliers mais aussi des débutants, des salariés qui s’entraînent trois fois par semaine, des pères ou mères de famille qui s’offrent un objectif symbolique.
Ce caractère populaire est au cœur du succès de l’événement. Le marathon de Paris n’est pas seulement une épreuve sportive : c’est une célébration collective, un moment de partage. Quand on supprime les gobelets et les bouteilles, on impose une logique technique qui correspond davantage à une niche de spécialistes qu’à une course grand public.
Quand l’écologie rencontre la réalité du terrain
ASO justifie son choix par un argument écologique : réduire les déchets plastiques et cartons liés aux ravitaillements. L’intention est louable. Les images de routes jonchées de gobelets ou de bouteilles après le passage des coureurs ne donnent pas une bonne image, et la pression environnementale s’impose désormais dans tous les grands événements.
Mais la réalité, c’est que l’empreinte carbone d’un marathon ne se résume pas à quelques milliers de gobelets. Elle repose essentiellement sur les déplacements des participants — plus de 90 % des émissions sont liées aux voyages, en particulier des coureurs étrangers. Supprimer les bouteilles ne résout pas ce problème de fond. Pire, en imposant une contrainte supplémentaire, l’organisation risque de braquer les participants sans améliorer significativement son bilan écologique global.
Difficile de ne pas voir là un geste symbolique, qui tient plus du coup de communication que d’une transformation profonde. Le marathon de Paris se positionne comme “pionnier” en matière d’écologie, mais au prix d’un effort imposé aux coureurs plutôt qu’à l’organisation elle-même.
Les traileurs sont habitués, les marathoniens beaucoup moins
En trail, personne ne s’étonne de courir avec une flasque. C’est même obligatoire sur la plupart des grandes courses, du Mont-Blanc à la Diagonale des Fous. La culture de l’autonomie y est naturelle, intégrée depuis longtemps. Mais sur marathon, la logique est différente. L’événement est conçu pour que chacun puisse se concentrer sur sa course sans avoir à gérer un équipement compliqué.
Beaucoup de marathoniens occasionnels n’ont jamais utilisé une flasque de leur vie. Les remplir en plein effort, au milieu de la foule, avec les mains tremblantes et l’adrénaline au maximum, c’est une autre paire de manches. Le risque d’erreurs est élevé : flasques mal fermées, remplissage raté, perte de temps… Ce qui est facile pour un traileur expérimenté devient une galère pour un coureur venu tenter son premier marathon.
C’est là que le bât blesse : en voulant appliquer les règles du trail, ASO oublie que le public du marathon est beaucoup plus large et beaucoup moins équipé.
Le spectre des crampes et de la déshydratation
L’hydratation est cruciale dans un marathon. On sait que les “murs” du 30e kilomètre sont souvent liés à une mauvaise gestion énergétique et hydrique. Si l’accès à l’eau devient plus compliqué, les conséquences pourraient être sérieuses.
Imaginez la scène : au 35e kilomètre, un coureur fatigué tente de remplir sa flasque à une fontaine. La main tremble, la valve fuit, la moitié de l’eau tombe par terre. Résultat : un ravitaillement raté, une perte de temps, et surtout un risque de crampe quelques minutes plus tard. Ce scénario pourrait se répéter à grande échelle, transformant la fin de course en calvaire pour de nombreux participants.
Certains objecteront que les points d’eau seront plus nombreux et mieux répartis. Mais avec 55 000 coureurs, la simple logistique risque de créer des files d’attente, des bousculades et des frustrations. Et tout cela dans une épreuve où chaque seconde compte pour beaucoup.
Un prix toujours plus élevé pour une prestation réduite
Le prix du dossard au marathon de Paris se situe entre 135 et 179 euros. C’est déjà l’un des plus chers du monde, surtout si l’on compare avec des épreuves à l’étranger. Les coureurs ont accepté jusque-là de payer ce tarif pour vivre une expérience unique, avec des ravitaillements fluides, des souvenirs mémorables et une organisation de haut niveau.
En supprimant bouteilles et gobelets, ASO réduit objectivement les services fournis. Pour beaucoup, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase : payer plus pour en avoir moins. Sur les réseaux sociaux, la colère est palpable. “De moins en moins de choses et de plus en plus cher”, “Bientôt, il n’y aura plus de médaille non plus”… Les critiques soulignent une déconnexion croissante entre l’organisation et son public.
Le parallèle raté avec le semi
Le semi-marathon de Paris avait déjà amorcé la transition. Les bouteilles plastiques y avaient disparu, remplacées par des systèmes de remplissage. Mais les gobelets en carton restaient disponibles, ce qui permettait aux coureurs de s’adapter progressivement. Malgré cela, les retours n’étaient pas toujours positifs. Beaucoup avaient dénoncé des files d’attente, un remplissage compliqué, voire une perte de temps.
Plutôt que d’ajuster le dispositif, ASO choisit d’aller encore plus loin au marathon, en supprimant toute alternative jetable. Une stratégie perçue comme brutale, qui ignore les leçons du semi.
Un risque de fracture avec le grand public
Le marathon de Paris a toujours été une course populaire, ouverte à tous. Mais en imposant une logique d’autonomie totale, l’organisation risque de créer une fracture. Les coureurs expérimentés, habitués aux flasques, s’en sortiront sans problème. Mais les néophytes, ceux qui font du marathon une expérience unique, pourraient être découragés.
Or, ce sont justement ces coureurs occasionnels qui font la force du marathon : ils garantissent son succès populaire, son ambiance, sa diversité. En les oubliant, ASO prend le risque de transformer le marathon en épreuve élitiste, moins accessible, moins fédératrice.
En résumé, c’est une erreur de vision
À vouloir copier le trail, ASO oublie ce qui fait l’âme du marathon. Oui, l’écologie est un enjeu majeur. Oui, il faut réduire les déchets. Mais la méthode choisie est brutale, déconnectée du public, et perçue comme une régression par beaucoup.
Le marathon de Paris ne peut pas se contenter d’un coup de com’. Il doit trouver un équilibre entre durabilité et accessibilité, entre respect de l’environnement et respect des coureurs. Pour l’instant, l’équilibre n’y est pas. Et c’est bien là que réside l’erreur.
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