Le journaliste Jérémy Laugier a interviewé Luca Papi pour le journal 20 minutes. Cela nous permet d’en apprendre plus sur l’ultra-traileur et notamment la manière dont il s’entraine.
Luca Papi
: la preuve qu’on peut faire de l’ultra-trail sans se blesser !
Ultra trail et Disneyland Paris, Luca Papi fait bien les deux
Luca Papi, largement au niveau de Jornet, Thevenard et consoeurs
Son nom n’est peut-être pas celui auquel on pense en premier quand on parle des monstres de l’ultra trail. D’office, on aura d’abord en tête Kilian Jornet, Jim Walmsley, François D’Haene, Xavier Thévenard, ou encore à Pau Capell. Si ce n’est pas injustifié, ne pas y trouver Luca Papi serait relativement injuste. Car ce coureur italien n’a pas grand-chose à leur envier, voire rien du tout. Et pour cause, il a remporté en septembre le Tor des Glaciers (un trail de fou furieux dans la vallée d’Aoste) de 450km pour 32.000m de dénivelé positif) en 134 heures et devrait finir l’année 2019 avec plus de 10.000km dans les pattes… Oui oui, c’est dingue. Et comme si ça ne suffisait pas, il a gagné le Tor après avoir fini et l’Echappée Belle (144km pour 11.000m de dénivelé) et la TDS (145km pour 9.100m de dénivelé), courses dont il parle en souriant comme de « footings d’avant grosse course ciblée ».
Luca Papi : le fait d’avoir un boulot à côté ne l’empêche pas de s’entraîner
Cet athlète, âgé de 39 ans (ce qui reste relativement jeune pour un coureur d’ultra), n’est pas un sportif de haut niveau à temps plein. Comme beaucoup, il a un travail à côté. Il est opérateur-animateur d’attraction à Disneyland Paris et est arrivé en France en 1998. C’est déjà rassurant en ce sens que ça nous montre (une fois de plus) qu’on peut pratiquer l’ultra sans que ce soit notre métier principal. Soyons honnêtes, ça n’est pas donné à tout le monde pour autant et ça demande une organisation assez folle (ça l’est déjà pour nous, alors pour lui…).
L’importance de l’endurance fondamentale et de la récupération pour Luca Papi
Il a expliqué qu’il n’avait pas fait l’Echappée Belle et la TDS à bloc, mais juste pour avoir du volume dans les jambes. Toute proportion gardée, il a un peu utilisé ces courses comme on prépare un semi dans le cadre de la préparation d’un marathon.
Cette stratégie a agréablement surpris son entourage, et notamment son ancien manager de la Team WAA, Cyril Cointre. Il déclare ainsi : « Sa capacité à enquiller les courses est hallucinante. Au début, on le prenait tous pour un fou tant c’est un boulimique de l’ultra. Mais là où la plupart des coureurs ont besoin de se régénérer après chaque épreuve, lui n’est jamais en souffrance. Dire qu’on pensait tous qu’il arriverait cuit sur le Tor des Glaciers… » Cet enseignement est intéressant car ça nous permet d’identifier une clé de la réussite qu’on a tendance à oublier (tant les élites que les amateurs, d’ailleurs) : la différence ne se joue pas seulement sur le niveau en course, mais aussi sur les capacités de récupération et de régénération.
Luca Papi c’est le plaisir comme moteur et le contre-pied de l’école américaine
Luca Papi se rend à son travail en courant, ce qui lui fait parcourir en moyenne entre 20 et 40km par jour. En parallèle, il participe à une cinquantaine de compétitions par an avec pour principal moteur, « le plaisir ».
La question qu’on se pose forcément tôt ou tard, c’est comment il arrive à ne pas se blesser. La raison est somme toute assez simple, selon Cyril Cointre : « Il préfère se préserver et ne pas exploiter 100 % de son potentiel de performance. Tout le monde lui a toujours prédit des blessures, et au final on en a tous eu sauf lui. Je ne sais donc pas où sont ses limites. » Là encore, c’est un enseignement intéressant qui semble évident, mais qu’il est bon de rappeler ; il en garde toujours sous le pied et ne se met pas dans le rouge (un bel ambassadeur de l’école Française du trail, et donc complètement à rebrousse-poil de l’école américaine).
Luca papi a appris à gérer les hallucinations
Bon, après, tout est relatif. Car comme Luca Papi le dit lui-même, « Je ne vais pas attendre d’avoir 60 ans pour faire ce que j’aime. Si un jour ça doit péter, ça pétera. Bon, parfois sur des courses, je me retrouve confronté à des hallucinations. Je vois des choses bizarres comme des poissons dans les arbres ou des cailloux que je prends pour des refuges. Mais ce n’est pas pour ça qu’il faut s’arrêter. » Il a un côté hédoniste dans lequel je ne me reconnais pas forcément, et qui me semble un peu en contradiction avec sa stratégie plus prudente. Il évoque aussi les hallucinations que l’on peut avoir en ultra, notamment en état de fatigue extrême. S’il les prend avec recul, notons qu’il les intègre à ce qui arrive de manière normale en trail quand on pousse un peu N’oublions cependant que ça peut être dangereux et que ça demande un peu de bouteille pour réussir à les gérer.
Un duel avec Jornet, D’Haene et Thévenard ?
On a abordé le point en début d’article brièvement : est ce qu’il pourrait se retrouver en concurrence avec Jornet, D’Haene ou Thévenard ? De l’aveu de l’intéressé, il y a pensé, mais ce n’est plus le cas.
Après, d’un point de vue plus structurel, Luca Papi va un peu à l’encontre de l’Histoire, du moins à court terme.
En effet, plusieurs indicateurs ont tendu à montrer cette année que les stars du trail (à l’exception de François D’Haene) avaient plus tendance à délaisser le long au profit du court (moins de place pour l’incertitude et donc plus facile de performer) ; Luca, lui, fait l’inverse.
Donc à priori, au vu de l’évolution de la discipline, on peut imaginer à l’occasion un duel avec François, voire éventuellement avec Xavier, même si j’y crois peu.
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