Kilian Jornet en remet une couche avec ses grands défis « zéro impact ». Cette fois, il veut gravir en un mois plus de soixante sommets américains de plus de 4000 mètres en reliant le tout à vélo et à pied. Sur le papier, le projet States of Elevation est titanesque. Mais derrière le discours, une question dérange : à quoi sert de vanter le « zéro carbone » si c’est pour traverser l’Atlantique en avion avant de commencer l’aventure ?
Le projet States of Elevation c’est un discours écologique séduisant
Le Catalan martèle son message : pas de voiture, pas d’hélicoptère, pas d’assistance motorisée. Juste ses jambes et ses pédales pour relier les fameux fourteeners américains. L’idée est belle. Elle s’inscrit dans la lignée de ses projets précédents, Alpine Connections ou Pyrénées 300, tous portés par sa fondation Summits of My Life et par sa marque NNormal qui prône la durabilité.
Chaque kilomètre parcouru est présenté comme un manifeste écologique, chaque ascension comme une preuve que performance et respect de la planète peuvent aller de pair.
Le paradoxe du voyage en avion
Sauf que pour lancer ce projet, il faut d’abord se rendre aux États-Unis. Et là, il n’y a pas trente-six options : c’est l’avion. Difficile de prétendre à une neutralité carbone quand le point de départ du défi exige déjà plusieurs tonnes de CO2 émises en quelques heures de vol.
Cette contradiction frappe d’autant plus que Jornet a souvent pris position contre la pollution liée aux déplacements des sportifs. Comment convaincre qu’on agit pour la planète quand l’empreinte carbone du trajet dépasse de loin celle d’un citoyen moyen pour toute une année ?
Une performance sportive, pas une révolution écologique
Soyons clairs : States of Elevation reste une aventure hors normes, un défi physique et mental qui fera date dans l’histoire du trail et de l’alpinisme. Mais sur le plan environnemental, le message passe mal. Entre la communication autour du « zéro impact » et la réalité logistique d’un tel projet international, le décalage saute aux yeux.
Beaucoup de fans admirent l’athlète, mais de plus en plus s’interrogent : est-ce encore du sport engagé pour la planète, ou simplement une mise en scène verte d’exploits personnels ?
Un récit qui interroge
Le paradoxe est là. Oui, Kilian Jornet reste une icône du trail et de l’aventure. Oui, States of Elevation fera rêver des milliers de passionnés. Mais non, ce projet ne peut pas être présenté comme un exemple écologique. Derrière l’exploit, c’est toute la question du sens de ces défis XXL qui se pose : à quoi bon prôner le « zéro impact » si la base même du voyage repose sur une empreinte carbone colossale ?
States of Elevation impressionne par son ambition sportive, mais il souligne surtout une contradiction flagrante : en 2025, Kilian Jornet a déjà pris l’avion trois fois en sept mois. En mars pour courir le Chianti Ultra Trail en Toscane, en juin pour la Western States 100 en Californie, et en septembre pour lancer son projet personnel aux États-Unis. Celui qui appelait autrefois à limiter ses émissions à trois tonnes de CO₂ par an s’envole désormais à répétition, bien au-delà de ses propres seuils. L’athlète reste admirable par ses performances, mais son image d’icône écologique s’érode, et la question demeure : la vraie révolution n’aurait-elle pas été de rester cohérent avec ses engagements initiaux, plutôt que de les contredire à dix mille kilomètres de chez lui ?
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Cet article propose une analyse critique rédigée par la rédaction de uTrail. Il ne met pas en cause la valeur sportive de Kilian Jornet mais interroge la cohérence entre le discours écologique affiché et les moyens logistiques nécessaires à la réalisation du projet States of Elevation. Les propos relèvent de la liberté d’expression journalistique et d’un travail d’observation contextualisé.