Depuis quelques années, les « supershoes » dotées de semelles épaisses et de plaques de carbone (comme les Nike Alphafly) se multiplient et pulvérisent les records de marathon.
Leur secret ? Une plaque de carbone rigide intégrée dans la semelle qui améliore l’économie de course d’environ 3 à 4 %, permettant de courir plus vite avec moins d’effort. Mais ces chaussures, initialement réservées aux coureurs élites, suscitent de nouvelles inquiétudes : multiplieraient-elles le risque de blessures, notamment de fractures de fatigue ? Plusieurs témoignages et études récentes commencent à alerter. Enquête.
Une coureuse porte plainte contre Nike.
En novembre 2025, Heather Cerney, ancienne coureuse universitaire aux États-Unis, a déposé plainte contre Nike.
En cause : une fracture du sésamoïde survenue juste après avoir couru un 5 miles en Alphafly 2 à San Francisco, lors du Turkey Trot 2023. Elle portait la paire pour la première fois. Quelques heures plus tard, la douleur est apparue. Elle a subi une opération, puis une longue convalescence.
Elle affirme aujourd’hui vivre avec un handicap partiel permanent, l’empêchant de courir normalement. Dans sa plainte déposée devant un tribunal fédéral californien, elle accuse la plaque carbone intégrée dans la chaussure d’avoir généré une surcharge excessive sur l’avant-pied.
Aucun avertissement n’accompagnait le produit. Elle reproche à Nike un défaut de conception et un manquement à son devoir d’information.
Des études médicales commencent à documenter des blessures avec des chaussures à plaque carbone
La plainte s’appuie notamment sur une étude publiée en 2023 dans Sports Medicine, qui décrit plusieurs cas de fractures osseuses (notamment du naviculaire) chez des coureurs de haut niveau utilisant des chaussures à plaque carbone. Ces chaussures modifient la mécanique du pied, en concentrant l’appui sous les métatarsiens et les sésamoïdes. Cette redistribution des charges peut générer, à terme, des lésions de stress.
Le Dr Adam Tenforde, médecin du sport à Harvard Medical School et coauteur d’une étude publiée dans Sports Medicine, précise que les plaques carbone ne sont pas neutres : elles augmentent la rigidité de la chaussure et modifient les zones de pression sous le pied. Selon lui, si le pied n’est pas préparé, ou si l’usage est trop intensif, le risque de blessure s’accroît, en particulier chez les coureurs sujets aux douleurs du médio-pied ou ayant des antécédents de fractures de fatigue.
De son côté, la Dr Lindsay Hill, podologue du sport, appelle à une adoption progressive. Elle rappelle que ces chaussures ne sont pas conçues pour l’entraînement quotidien, mais pour la performance ponctuelle, car elles imposent une mécanique de course très spécifique et une charge accrue sur l’avant-pied. Elle recommande de limiter leur usage aux séances rapides et aux compétitions.
Ces chaussures à plaque carbone sont dangereuses pour les coureurs qui courent à moins de 13km/h
Les chaussures à plaque carbone offrent un vrai gain de performance, mais pas pour tous les coureurs. Leur effet « ressort » ne se déclenche vraiment qu’au-delà d’une certaine vitesse, généralement autour de 13 à 14 km/h. En dessous, leur utilité diminue fortement. Cela signifie que pour les coureurs moins expérimentés ou plus lents, le bénéfice est limité, voire inexistant, tandis que le risque biomécanique reste entier.
Ces modèles, initialement conçus pour les élites sur route, sont aujourd’hui utilisés par un public beaucoup plus large. Or, ils n’apportent pas la même sécurité ni le même rendement à tous. Le marketing les rend attractifs, mais la réalité physiologique est plus nuancée.
Le précédent Vibram : une affaire qui peut faire jurisprudence
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L’affaire Cerney rappelle le cas de Vibram en 2014. À l’époque, la marque avait dû régler une action collective après avoir été accusée d’avoir sous-estimé les risques liés à ses chaussures minimalistes. Un accord à l’amiable avait été trouvé, sans reconnaissance de responsabilité. La situation pourrait se reproduire avec Nike, dans un contexte juridique similaire.
En résumé, les chaussures à plaque carbone ont changé la donne en compétition. Mais elles ne doivent pas être utilisées à la légère.
Elles modifient la biomécanique du pied, déplacent les points de charge, et exigent une période d’adaptation. Elles s’adressent aux coureurs performants, bien entraînés, sur route. Pour les autres, leur usage doit rester limité, ciblé, et encadré.
Sources et références :
– Plainte déposée par Heather Cerney au tribunal fédéral du district nord de Californie, novembre 2025
– Étude « Bone Stress Injuries in Runners Using Carbon Fiber Plate Footwear », Sports Medicine, 2023
– Témoignages rapportés par Slowtwitch, Sportico, Runner’s World
– Analyse du cas Vibram FiveFingers, action collective conclue en 2014
– Avis de podologues du sport et experts en biomécanique publiés entre 2023 et 2025
– Données techniques et tests terrain des Nike Alphafly 2, Hoka Rocket X, Adizero Adios Pro
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Cette analyse est proposée à titre informatif, sans intention de dénigrer une marque ou un produit, et repose exclusivement sur des faits documentés et des sources vérifiables.






