La chasse vient de rouvrir et l’argument « 75 % des forêts sont privées » revient dans tous les débats. décryptage juridique et pratique pour les traileurs.
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Chaque année, à l’ouverture de la chasse, le même refrain revient comme une tentative de dissuasion : « les trois quarts des forêts sont privées, vous n’avez rien à y faire ». Sous-entendu : en période de chasse, ces espaces appartiendraient exclusivement aux chasseurs. Ce raccourci juridique et idéologique est faux. Les traileurs, randonneurs et promeneurs ne sont pas des intrus. Ils ont, dans la très grande majorité des cas, le droit d’être là. Et ce droit mérite d’être rappelé haut et fort.
Oui, la majorité des forêts françaises sont privées… et alors ?
C’est un fait : en France, environ 75 % de la surface forestière appartient à des particuliers. C’est ce que confirment les données de l’IGN. Mais posséder une forêt ne signifie pas automatiquement qu’on peut en interdire l’accès à sa guise. Et surtout, cela ne transforme pas tous les sentiers en territoire interdit dès qu’un chasseur enfile son gilet orange.
Dans la très grande majorité des cas, les chemins qui traversent ces forêts — chemins ruraux, chemins d’exploitation, sentiers balisés — restent accessibles au public.
La loi ne donne pas aux propriétaires un droit absolu d’exclusion, sauf cas particuliers comme une propriété clôturée, une interdiction explicite par arrêté municipal ou préfectoral.
À noter : le simple fait qu’une chasse soit signalée par des panneaux n’interdit pas l’accès. Ces panneaux sont obligatoires pour des raisons de sécurité, mais ils n’ont aucune valeur juridique d’interdiction à eux seuls.
Les forêts sont privées… mais pas « chasseurs only »
On entend souvent dire que « les chasseurs sont chez eux » dans la forêt privée. C’est faux dans 99 % des cas. Certes, 74 % de la forêt française est privée, mais très peu de chasseurs en sont réellement propriétaires. La majorité d’entre eux chassent sur des terrains qu’ils louent ou sur lesquels ils ont obtenu un droit d’usage limité dans le temps. Ce droit ne leur permet pas d’interdire la circulation sur les chemins ouverts. Ils ne peuvent pas vous expulser d’un sentier parce qu’ils y chassent — sauf si un arrêté municipal l’interdit formellement.
Le droit de passage existe, même en forêt privée
C’est ce qu’on oublie (volontairement ?) de rappeler : les traileurs ont le droit de circuler sur les chemins publics, même s’ils traversent des parcelles privées. Et ça vaut aussi en période de chasse. La jurisprudence est claire sur ce point : un propriétaire ne peut pas restreindre le passage sans motif légitime ni signalement explicite. Tant qu’il n’y a pas d’arrêté d’interdiction ou de panneau conforme, le chemin reste accessible.
Donc non, courir dans une forêt privée n’est pas un délit. C’est même parfaitement légal si on respecte les sentiers. Ce qui est interdit, c’est de s’aventurer hors piste ou de pénétrer dans une propriété clairement fermée au public.
📌 Un panneau « Attention chasse » n’est pas une interdiction
La loi impose aux chasseurs de signaler leurs battues (article L. 420-3 du Code de l’environnement), notamment par des panneaux « Attention battue » ou « Chasse en cours ». Mais attention : ces panneaux sont informatifs, pas interdictifs.
Ils ont pour but de prévenir les usagers, pas de leur interdire l’accès. En l’absence d’un arrêté municipal ou préfectoral interdisant formellement la circulation, vous avez le droit de passer.
Un panneau ne remplace pas la loi : ce n’est ni une barrière légale, ni un titre de propriété, ni une interdiction automatique. Les chemins ruraux et sentiers balisés restent ouverts, même en période de chasse, sauf disposition officielle contraire.
Références : article L. 420-1 et suivants du Code de l’environnement ; jurisprudence sur le droit d’usage des chemins ruraux.
L’argument des 75 %, un rideau de fumée
En réalité, ce chiffre des 75 % est souvent utilisé pour dissuader, faire peur, voire culpabiliser. L’objectif ? Dissuader les coureurs de sortir, et leur faire porter la responsabilité de potentiels conflits. C’est un glissement pervers : on brandit la propriété pour éviter de parler du vrai sujet. Car ce qui pose problème, ce n’est pas le statut juridique des forêts. C’est la cohabitation entre les usages. Et ce débat-là est beaucoup plus complexe.
Faut-il mieux signaler les battues ? Repenser certains horaires de chasse ? Installer des balises connectées pour avertir les pratiquants ? Toutes ces questions sont légitimes. Mais elles demandent une volonté de dialogue. Pas des post Facebook passif-agressifs qui commencent par « vous êtes chez nous ».
Traileurs : ce que vous pouvez (et devez) faire
Ce n’est pas parce que les chasseurs crient plus fort que la loi change. Vous avez le droit de courir sur les chemins ouverts à la circulation, même en période de chasse.
Mais vous n’avez pas à vous excuser d’exister, ni à rentrer chez vous parce qu’un inconnu sur X ou Facebook vous dit que « vous n’avez rien à faire ici ». Courir en forêt n’est pas une provocation. C’est un droit.
L’argument des « forêts privées » sert trop souvent à faire taire les pratiquants non-chasseurs, à justifier une forme d’exclusivité temporaire, voire une intimidation symbolique.
Or, ni la loi ni le bon sens ne donnent aux chasseurs un monopole sur les bois pendant leurs battues. Les traileurs doivent bien sûr rester vigilants, respecter les signalements et éviter les conflits. Mais ils n’ont pas à s’effacer. Courir dans la forêt n’est pas une provocation. C’est un droit, et c’est aussi une liberté.
Les chasseurs qui vous opposent le chiffre de 75 % cherchent moins à informer qu’à intimider. Oui, la forêt est majoritairement privée. Non, cela ne veut pas dire qu’elle est interdite. Ce qui compte, c’est le respect des règles — de part et d’autre. Si la cohabitation est difficile, ce n’est pas la faute des traileurs qui respectent les chemins. C’est celle de ceux qui refusent le partage de l’espace naturel.
Textes de loi à connaître
🔹 Article L. 161-1 du Code rural et de la pêche maritime : « Les chemins ruraux sont des voies de communication affectées à l’usage du public. »
Ils restent donc accessibles aux traileurs, même s’ils traversent des forêts privées.
🔹 Article 544 du Code civil : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses […] pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements. »
Cela signifie qu’un propriétaire ne peut pas interdire l’accès à un chemin public qui traverse son terrain sans base légale ou arrêté d’interdiction clair.
🔹 Jurisprudence : Cass. crim. 7 nov. 2000, n° 99-85.522 : un propriétaire ne peut interdire l’accès à un chemin rural que s’il est supprimé ou reclassé par délibération du conseil municipal.
🔹 Article L. 420-1 du Code de l’environnement : impose aux chasseurs de signaler toute battue, par des panneaux visibles et lisibles. Sans cela, ils ne peuvent pas justifier un quelconque monopole temporaire de l’espace.
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Cet article s’inscrit dans le cadre du débat d’intérêt général sur la sécurité des pratiquants outdoor en période de chasse. Il ne vise ni à dénigrer un groupe de personnes ni à inciter à la haine. Les propos tenus relèvent de la liberté d’expression, dans le respect des lois françaises sur la presse, le droit de réponse, la liberté de critique, le droit à l’anonymat, la protection des sources et la libre circulation de l’information sur un sujet à portée nationale.
Notre rédaction rappelle que le fait d’être en désaccord avec certains usages ou discours ne constitue ni une attaque contre la chasse en tant que telle, ni un appel à la désobéissance ou à un quelconque séparatisme.
Les éléments juridiques mentionnés sont sourcés à partir de textes de loi et de jurisprudence accessibles au public. Le contenu n’a pas vocation à s’opposer aux chasseurs, mais à défendre le droit de tous les citoyens à circuler librement sur les chemins autorisés.
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