Fit Fat Girls : entre inspiration et dérive marketing
Dans le monde du sport, et particulièrement dans le trail et le running, une tendance s’est installée depuis quelques années : celle des “fit fat girls”. Ce terme, venu des réseaux sociaux anglophones, désigne des sportives qui revendiquent et assument une corpulence supérieure aux standards athlétiques classiques, tout en menant une pratique régulière et souvent engagée. Le phénomène, qui a d’abord touché le fitness et le yoga, gagne désormais les sentiers et les pelotons des courses sur route.
En France, Margaux Lifestyle est une figure connue dans le running est , influenceuse active, qui partage ses entraînements, ses courses, ses échecs et ses réussites. Dans le trail, d’autres profils commencent à émerger, parfois suivis par des milliers de personnes. Si ces femmes cassent des codes et ouvrent le sport à des publics qui s’en sentaient exclus, leur mise en avant n’est pas exempte de paradoxes et de critiques.
Les fit fat girls cassent les préjugés : un message positif et nécessaire
Pendant longtemps, le trail et le running ont été dominés par une représentation unique : celle d’athlètes secs, musclés, rapides, au physique “optimisé” pour la performance. L’image véhiculée par les marques, les magazines et les réseaux sociaux ne laissait guère de place à d’autres morphologies. Dans cet univers, voir une femme en surpoids franchir la ligne d’arrivée d’un semi-marathon ou d’un trail de 20 km, sourire aux lèvres, change la donne.
La présence des “fit fat girls” apporte plusieurs messages importants :
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Oui, on peut pratiquer le trail et le running sans ressembler aux affiches publicitaires.
Elles prouvent qu’on peut courir, randonner, grimper des dénivelés, malgré des kilos en trop selon les standards de la diététique sportive. -
L’activité physique est bénéfique à toutes les corpulences.
Les bénéfices cardiovasculaires, respiratoires et psychologiques de la pratique régulière ne sont pas réservés aux silhouettes “idéales”. -
Le trail n’est pas forcément destructeur pour les articulations.
Contrairement à une idée reçue, courir sur sentiers, avec des terrains variés, est souvent moins traumatisant que le bitume. Pour quelqu’un en surpoids, un trail bien préparé peut être plus confortable qu’un 10 km sur route. -
C’est toujours mieux de se bouger que de ne rien faire.
Dans un contexte où la sédentarité progresse et où les maladies cardiovasculaires restent la première cause de mortalité, l’exemple compte. Mieux vaut transpirer sur un sentier que s’éteindre à petit feu dans un canapé.
Quand le message dérape : corps mis en avant, marketing dévoyé
Cependant, derrière l’inspiration, certaines dérives apparaissent. Elles ne tiennent pas uniquement aux “fit fat girls” elles-mêmes, mais au système dans lequel elles évoluent.
La mise en avant du corps comme argument marketing
Qu’il s’agisse d’un corps conforme aux standards ou “hors normes”, le problème est le même : le physique devient un produit. Certaines marques n’hésitent pas à instrumentaliser la différence, tout comme elles ont longtemps exploité les silhouettes “parfaites” pour vendre des chaussures ou des vêtements.
On se souvient par exemple de certaines campagnes où le corps féminin, même dans un contexte trail, était sexualisé pour attirer l’attention (Raidlight avait été pointé du doigt pour certaines affiches jugées suggestives). Aujourd’hui, le curseur se déplace : on joue sur l’authenticité, le naturel… mais toujours pour vendre.
Le corps comme prétexte à la création de contenu
Pour certaines influenceuses, l’objectif principal ne semble plus être la course elle-même, mais la vidéo YouTube, le post Instagram ou le partenariat qui en découle. Le récit de la performance laisse place à une mise en scène calibrée pour les sponsors, où chaque entraînement devient une opportunité commerciale.
Le risque de brouiller le message sportif
En promouvant davantage une image qu’une pratique, on entretient une confusion : le trail et le running deviennent des décors pour raconter une histoire personnelle, parfois très éloignée des valeurs sportives de progression, d’effort et de dépassement.
L’exemple français : Margaux Lifestyle et les réactions
Margaux Lifestyle est un exemple parlant en France. Connue pour son ton direct et son franc-parler, elle partage son parcours dans le running et s’essaie au triathlon. Elle se fixe des objectifs ambitieux, parfois au-dessus de son niveau du moment, et raconte aussi ses abandons ou ses échecs. Cette authenticité attire un public fidèle, mais suscite aussi des critiques, notamment lorsqu’elle bloque sur ses réseaux sociaux certaines personnes qui lui donnent des conseils, même bien intentionnés.
Son cas illustre un point clé : l’image publique des “fit fat girls” est hautement émotionnelle. Les partisans y voient une source d’inspiration et un modèle de persévérance. Les détracteurs estiment parfois que la mise en avant est disproportionnée par rapport au niveau sportif réel.
Du body positive au business model
Le phénomène des “fit fat girls” ne se limite pas à la France. Aux États-Unis, le Royaume-Uni ou l’Australie, certaines influenceuses cumulent plusieurs centaines de milliers d’abonnés. Leur discours est souvent rattaché au mouvement “body positive”, qui prône l’acceptation de toutes les morphologies. Mais ce discours, à l’origine militant, a vite été intégré par les marques.
Certaines coureuses ou traileuses étrangères sont devenues de véritables ambassadrices pour de grandes enseignes sportives, participant à des campagnes publicitaires internationales. Si cela contribue à la visibilité des corps différents dans le sport, cela pose aussi la question de la récupération commerciale : la différence devient un produit, au même titre que la perfection d’antan.
Pourquoi la corpulence ne devrait pas être un argument
Qu’il s’agisse de surpoids, de minceur extrême ou de musculature hors norme, la corpulence ne devrait jamais être le cœur d’un argument commercial. L’excellence sportive, le plaisir de courir, la solidarité entre coureurs… voilà ce qui devrait rester au centre.
En mettant trop l’accent sur le corps, on réduit le sport à un acte esthétique ou identitaire, et non plus à une activité physique universelle. Cela vaut pour les “fit fat girls”, mais aussi pour les campagnes qui mettent en avant des physiques “parfaits” et inatteignables. Dans les deux cas, le sport devient un outil pour vendre autre chose : des produits, un style de vie, une image.
Le vrai problème : l’économie des influenceurs
Finalement, les “fit fat girls” ne sont pas le cœur du problème. Leur pratique sportive, leurs efforts et leur volonté sont indéniables et méritent d’être salués. Ce qui pose question, c’est la logique économique des réseaux sociaux et du marketing d’influence.
Dans ce système, l’attention vaut plus que la performance. Ce n’est pas forcément la meilleure traileuse ou la coureuse la plus régulière qui attire les contrats, mais celle qui raconte une histoire qui capte le plus de clics. La corpulence, comme le style vestimentaire ou le storytelling personnel, devient un outil pour se démarquer dans un marché saturé.
Encourager toutes les morphologies à pratiquer le trail et le running est une excellente chose. C’est même vital pour lutter contre la sédentarité et ouvrir le sport à tous. Mais il faut rester vigilant face à la récupération commerciale, qu’elle exploite la perfection ou la différence.
Le trail, le running et tous les sports ne devraient pas être réduits à des vitrines pour influenceurs. La valeur d’un sportif ou d’une sportive se mesure avant tout à son engagement, à sa régularité, à sa capacité à inspirer par l’action plutôt que par la mise en scène.
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