Un sommet de plus pour Kilian Jornet ? Pas tout à fait…
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La video youtube sur ce sommet interdit à Kilian Jornet
Depuis le début du mois de septembre, Kilian Jornet sillonne les montagnes de l’Ouest américain dans ce qui est peut-être le projet le plus ambitieux de sa carrière. Le genre d’aventure qui dépasse la simple performance sportive : une traversée de plusieurs semaines, sans moteur, à pied et à vélo, enchaînant les sommets à plus de 14 000 pieds d’altitude, soit environ 4 267 mètres.
Ce défi s’appelle States of Elevation, et il impose une cadence infernale : des cols, des crêtes, des sommets techniques, le tout entrecoupé de portions de liaison en vélo à travers les Rocheuses. C’est un enchaînement hors norme, mêlant ultra-trail, alpinisme, exploration et éthique environnementale.
Mais lors des 5ᵉ et 6ᵉ jours de son périple, quelque chose s’est enrayé.
Il était dans le Colorado, sur une portion minérale appelée Mosquito Range, une longue crête à l’allure lunaire. Il y a enchaîné plusieurs sommets — dont Mount of the Holy Cross, l’un des plus emblématiques de l’État. À ce moment-là, tout semblait se dérouler comme prévu : l’allure est solide, la météo clémente, le corps répond bien. Et pourtant, un sommet restera manquant à l’appel.
Kilian Jornet, une légende qui n’a plus rien à prouver
Pour celles et ceux qui ne le connaissent pas encore, Kilian Jornet est considéré comme le plus grand ultra-traileur de sa génération. Triple vainqueur de l’UTMB, multiple recordman d’ascensions en montagne, il a aussi laissé son empreinte sur des sommets mythiques comme l’Everest, le Mont-Blanc ou le Cervin. Mais ce qui le distingue, au-delà des trophées, c’est son rapport à la montagne : une pratique minimaliste, engagée, humaine, avec un immense respect des lieux qu’il traverse.
States of Elevation ne ressemble à aucun autre projet. Ici, pas de dossard, pas de chrono officiel, pas de sponsors en mode rouleau compresseur. Juste lui, son sac, son vélo, et la volonté de relier tous les « fourteeners » américains de manière autonome. En somme, une traversée mentale, physique et culturelle de l’Amérique des grands sommets.
Mais même les plus beaux projets finissent par buter sur la réalité du terrain.
Ce jour-là, tout semblait pourtant se dérouler comme prévu : le rythme était bon, la météo idéale, les jambes au rendez-vous. Et pourtant, un petit détail allait tout changer…
Au programme ce jour-là : plusieurs ascensions, dont le Mount Bross, culminant à 4 315 mètres. Un sommet qui, sur le papier, semble tout à fait faisable pour un athlète comme Kilian. D’ailleurs, sa trace GPS montre qu’il est passé à quelques dizaines de mètres du sommet, flirtant littéralement avec la ligne de crête.
Alors pourquoi ce sommet ne figurera-t-il pas dans la liste finale de son projet ? Pourquoi ce détour, cette hésitation, ce vide cartographique ?
C’est là que tout bascule. Non pas à cause d’un orage, d’une blessure ou d’une défaillance physique. Mais à cause du droit foncier américain.
Le Mount Bross, un sommet interdit, même pour lui
Le Mount Bross est un cas unique parmi les fourteeners du Colorado. Il se trouve au croisement de plusieurs anciennes concessions minières privées, vestiges de la ruée vers l’argent du XIXᵉ siècle. Aujourd’hui encore, plusieurs propriétaires distincts détiennent des droits sur ses flancs et son sommet.
Et aux États-Unis, ces droits sont très strictement encadrés. Contrairement aux Alpes où l’on grimpe librement, certaines montagnes américaines ne sont tout simplement pas accessibles, sauf autorisation expresse de tous les propriétaires. Dans le cas du Mount Bross, c’est une équation impossible.
Résultat : même les randonneurs les plus prudents s’arrêtent en contrebas. Et les associations locales de montagne le rappellent : “s’approcher n’est pas valider.”
Dans cet esprit, Kilian Jornet a fait un choix clair. Il s’est approché du sommet, mais sans le fouler. Il a noté la situation, mentionné dans sa communication que le sommet est “off-limits” (interdit), et n’a rien revendiqué.
Une leçon d’éthique alpine
Ce qui aurait pu être une polémique devient en réalité une démonstration d’éthique. Kilian savait que le sommet était inaccessible. Il aurait pu passer discrètement, faire comme si. Mais il a choisi la transparence.
Et c’est là que son geste prend tout son sens : respecter la montagne, c’est aussi respecter les règles locales. Même si elles paraissent absurdes. Même si elles frustrent. Même si elles font perdre une case dans un tableau de chasse.
Le Mount Bross ne figurera donc pas dans le palmarès final de States of Elevation. Et c’est peut-être justement pour ça que ce projet touche autant : il n’est pas une démonstration de puissance, mais un dialogue humble avec les limites du monde réel.
Résumé
Au Colorado, Kilian Jornet a volontairement renoncé à gravir le Mount Bross, bien qu’il s’en soit approché à quelques dizaines de mètres. Ce sommet est situé sur des terrains privés hérités d’anciennes concessions minières. Aux États-Unis, une ascension ne peut être validée que si le point culminant est atteint légalement. En respectant cette règle, Kilian affirme que même les plus grands doivent s’incliner devant la loi.
❄️ FAQ — Mount Bross, Kilian Jornet et le droit d’accès en montagne aux États-Unis
🧭 Kilian Jornet a-t-il vraiment renoncé au sommet du Mount Bross ?
Oui. Bien que sa trace GPS montre qu’il est passé à moins de 30 mètres du point culminant, Kilian n’a pas foulé le sommet légal du Mount Bross. Il a indiqué dans sa communication avoir « flirté » avec ce sommet, tout en précisant qu’il restait « off-limits » (interdit d’accès).
⚖️ Pourquoi l’accès au Mount Bross est-il interdit ?
Le Mount Bross est situé sur des terrains privés, découpés en plusieurs concessions minières héritées de la ruée vers l’argent du XIXᵉ siècle. Ces droits fonciers n’ont jamais été transférés au domaine public. Aujourd’hui, plusieurs propriétaires distincts détiennent une part de ces droits, et aucun accord formel de passage n’est en vigueur pour accéder légalement au point culminant.
🏔️ Quelle est la politique des autorités locales sur ce type de sommet ?
Il n’y a aucune obligation légale aux États-Unis pour les propriétaires fonciers de rendre leur sommet accessible, même s’il est reconnu comme un fourteener. En revanche, l’US Forest Service, les collectivités locales ou les associations comme le Colorado Fourteeners Initiative peuvent négocier temporairement ou durablement un droit de passage, comme c’est le cas pour certains sommets de la chaîne.
Mais ce n’est pas le cas actuellement pour le Mount Bross, et le sommet est considéré comme fermé selon les recommandations des fédérations locales de randonneurs et de traileurs.
📏 Est-ce que « s’approcher » du sommet compte dans la culture des fourteeners ?
Non. Dans la communauté américaine des peakbaggers (ceux qui cochent les sommets), seule l’atteinte physique du point culminant est considérée comme une ascension valide. La devise non écrite est claire :
“Close doesn’t count. You didn’t summit unless you touched the top.”
Même une trace GPS à 10 mètres du sommet ne suffit pas. Cette rigueur est largement acceptée par les alpinistes locaux, et même revendiquée comme un code d’honneur.
📍 Le sommet du Mount Bross est-il visible ou matérialisé ?
Oui. Le point culminant du Mount Bross est identifiable sur le terrain. Il est souvent marqué par un cairn, mais l’accès y est déconseillé voire interdit. De nombreux topos recommandent de s’arrêter en bordure de la crête sud-est, là où se rejoignent les itinéraires venant de Mount Lincoln, Democrat et Cameron.
🧑⚖️ Est-ce qu’on risque quelque chose à gravir illégalement le Mount Bross ?
Théoriquement, oui. Le passage sans autorisation peut être qualifié de trespassing (intrusion), même sans barrière physique ni panneau d’interdiction visible. Cela peut entraîner des poursuites civiles, voire pénales si un propriétaire le décide. En pratique, la plupart des propriétaires n’engagent pas de poursuites, mais l’impact sur la réputation du pratiquant peut être important — en particulier dans un projet aussi exposé que celui de Kilian Jornet.
🚵 Pourquoi Kilian n’a-t-il pas contourné le problème via une approche différente ?
Toutes les approches connues vers le Mount Bross — sud, est, ouest — traversent des parcelles privées à un moment donné. Il n’existe aucun itinéraire 100 % légal vers le sommet sans accord formel préalable. En l’absence d’autorisation collective ou individuelle, aucune variante n’est valide pour cocher ce sommet dans un projet comme States of Elevation.
🧩 Quel impact sur son projet States of Elevation ?
Le Mount Bross ne sera pas inclus dans sa liste finale. Kilian l’a reconnu et assumé. Cela crée un “asterisk” (astérisque) dans sa tentative de relier tous les fourteeners américains, mais il est probable qu’il justifie ce choix comme une preuve de respect des communautés locales et une limite éthique assumée.
Ce type de non-validation existe aussi dans d’autres défis américains, comme les FKT ou les grid completions, et ne remet pas en cause la légitimité globale du projet.
🔍 Est-ce que ce cas est unique ?
Non. Un autre sommet du Colorado, le Culebra Peak (4 273 m), est également entièrement privé. Il n’est accessible qu’après réservation et paiement auprès du propriétaire. La différence, c’est que Culebra offre un créneau officiel pour y monter, ce qui n’est pas le cas du Mount Bross actuellement.
🧠 En résumé : le Mount Bross est-il un sommet “inaccessible” ?
Oui, légalement et éthiquement, le Mount Bross est aujourd’hui considéré comme inaccessible pour tout randonneur ou alpiniste non autorisé. Kilian Jornet a donc respecté cette règle, renforçant ainsi l’intégrité de son projet.
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