Kilian Jornet change de cap : plus d’engagement, mais moins de risques.
Il a gravi les plus hauts sommets du monde en courant, en solo, parfois sans corde ni assistance. Il a défié l’Everest sans oxygène, relié des dizaines de sommets à vélo et à pied, arpenté les pentes les plus instables du globe avec un sourire. Pourtant, aujourd’hui, Kilian Jornet dit stop. Pas stop à l’aventure, mais stop à la surenchère. Derrière l’image du surhomme de la montagne, le Catalan de trente-huit ans fait désormais entendre une voix plus sage : il veut vivre, pas mourir.
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Alpes, au-delà des limites
Kilian Jornet opère un virage mental après des « projets limite »
Son dernier projet dans les Alpes a marqué un tournant. Cette fois, les signaux étaient trop clairs pour être ignorés. Le permafrost en déliquescence, les chutes de pierres, les crêtes fragilisées par le réchauffement : tout rappelait que la montagne ne pardonne pas. Jornet a compris qu’il jouait à quitte ou double avec la vie. « Il y a eu des moments où c’était juste par chance que je n’étais pas mort », admet-il. Il a donc décidé de réinventer ses défis, de les penser autrement. Aux États-Unis, il a voulu repousser ses limites physiques, pas celles de la survie. Moins de risques, plus de lucidité. L’intensité reste intacte, mais l’engagement aveugle appartient au passé.
Un amour de la montagne sans romantisme morbide
Ce changement n’est pas qu’une parenthèse, c’est un repositionnement profond. Loin de l’imaginaire du héros tombant au combat, Jornet revendique une approche apaisée de sa discipline. La montagne n’est pas un théâtre tragique, c’est un espace de vie. Une respiration. Il veut continuer à grimper, à explorer, mais pas à n’importe quel prix. S’il admire ceux qui osent encore, à quatre-vingt-six ans, partir en expédition à huit mille mètres, c’est pour leur vitalité, pas pour leur bravoure. Vivre longtemps, rester debout, transmettre… voilà ce qui l’inspire désormais.
Une philosophie de l’effort, pas du sacrifice
Ce changement de cap ne signifie pas qu’il renonce à l’effort. Au contraire. Jornet continue de courir des centaines de kilomètres chaque semaine. Mais ce n’est plus pour prouver quoi que ce soit à quiconque. Son moteur, ce n’est plus la validation, c’est le plaisir. Une forme de retour à l’essence. Il court parce que c’est sa manière d’être au monde. Même sans podiums, même sans sponsors, il le ferait encore. Plus doucement, peut-être. Mais avec la même envie. L’effort, oui. Le sacrifice inutile, non.
Contre le dopage, pour l’éthique
Cette éthique personnelle s’étend à tout le sport. Le dopage, pour lui, n’est pas qu’une trahison des règles, c’est une dérive morale. Une trahison de soi. Il ne diabolise pas les athlètes pris la main dans le sac, mais alerte sur le système. Quand les enjeux financiers explosent, les tentations suivent. Il appelle à une réaction collective, rapide, efficace. Prévention, éducation, contrôles renforcés : il faut préserver l’intégrité du trail avant qu’il ne soit trop tard.
Un avenir familial et sportif
Ses projets à venir seront construits autour de sa famille. Après une nouvelle naissance et une année particulièrement intense, il veut remettre l’équilibre au centre. D’abord voir ce que sa femme, la traileuse Emelie Forsberg, souhaite courir. Ensuite, il ajustera ses envies. UTMB ? Peut-être. Mais pas pour la victoire. Pour l’émulation, le plaisir de la préparation, l’exigence du chemin plus que le résultat.
La richesse d’une vie simple
Ce dépouillement volontaire s’étend à sa vision de la réussite. Oui, il gagne bien sa vie. Mais il se dit riche surtout parce qu’il a la santé, une famille soudée, la liberté de vivre dehors, chaque jour. Ses plus belles montagnes ? Celles de Norvège, chez lui, où chaque sommet a une histoire, une empreinte émotionnelle. Pas besoin de gigantisme pour s’émerveiller. Il trouve la beauté dans l’intime, dans le connu. Parce que la montagne, pour lui, ce n’est pas un décor. C’est une maison.
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