alcool trail
L’alcool dans le trail et dans le sport
Le débat relancé par la vidéo d’un jeune coureur affirmant avoir bu « quatre bières » la veille d’un semi-marathon — et ayant terminé avec des crampes — met en lumière un problème plus large que le simple cas individuel : la banalisation de l’alcool dans le sport. Entre folklore, virilisme assumé et ravitaillements à la bière, il est temps de poser une question simple : pourquoi tolère-t-on encore ce que la loi interdit ailleurs ?
Matériel de trail d’occasion entre passionnés
🍷 Boire dans le sport, une image d’Épinal… mais toxique
Marathon du Médoc, marathon du Beaujolais, ultra-trails avec ravitos à la bière, et même des épreuves qui font du verre de vin une récompense à l’arrivée : ces événements rencontrent un succès populaire, mais véhiculent une image profondément contradictoire avec la pratique sportive.
On ne verrait jamais un marathon sponsorisé par une marque de cigarette. Pourtant, en matière de santé publique, l’alcool n’est pas anodin : il est à l’origine de 49 000 décès par an en France, et reste largement toléré dans l’espace public sous couvert de “plaisir” ou de “culture”.
⚖️ Ce que dit (et ne dit pas) la loi Evin
La loi Evin, promulguée en 1991, encadre strictement la publicité pour l’alcool. Elle interdit toute promotion :
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à la télévision,
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au cinéma,
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dans les publications jeunesse,
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dans les lieux sportifs,
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sur des sites internet ou événements à destination du grand public sportif.
Elle autorise uniquement une information neutre, sans incitation à consommer, dans certains cas très précis (salons, foires, musées).
Et pourtant, des événements comme le Marathon du Médoc ou des trails sponsorisés par des brasseries passent entre les mailles.
Comment est-ce possible ? Parce que ces courses sont présentées comme festives, culturelles ou touristiques, et non comme des vecteurs publicitaires directs. Les ravitaillements alcoolisés, même sans marque visible, sont en réalité une forme de promotion déguisée, comme le dénoncent Addictions France ou la Ligue contre le cancer.
Des organisations telles qu’Addictions France et la Ligue contre le cancer dénoncent les pratiques de promotion déguisée de l’alcool, notamment dans le cadre d’événements sportifs.
Addictions France souligne que l’association de l’alcool au sport, même de manière indirecte, constitue une infraction à la loi Evin. Cette loi interdit la publicité pour l’alcool dans les domaines liés au sport et à la jeunesse. L’organisation met en garde contre les stratégies marketing qui contournent ces interdictions, par exemple en utilisant des influenceurs ou des événements sportifs pour promouvoir des marques d’alcool. Ces pratiques sont considérées comme des parrainages ou des publicités indirectes illicites, car elles valorisent l’alcool dans des contextes où sa promotion est restreinte.
De son côté, la Ligue contre le cancer milite pour une application stricte de la loi Evin, notamment en ce qui concerne la publicité pour l’alcool. Elle a récemment porté plainte contre des affichages publicitaires pour l’alcool dans des stations de métro proches d’établissements scolaires, estimant que ces pratiques exposent les jeunes à des messages incitatifs à la consommation d’alcool. La Ligue soutient également des initiatives visant à surveiller et à réguler la promotion de l’alcool sur les réseaux sociaux, où les jeunes sont particulièrement exposés.
Ces prises de position renforcent l’idée que la promotion de l’alcool, même sous des formes déguisées, est incompatible avec les principes de santé publique, en particulier lorsqu’elle cible des populations vulnérables ou s’insère dans des contextes sportifs.
En d’autres termes, ce que la loi interdit dans les médias ou les stades professionnels, elle le tolère silencieusement dans les courses locales et festives, sous couvert de folklore ou de terroir.
🧠 Alcool, déshydratation, performance : tout est incompatible
Sur le plan physiologique, les choses sont claires. L’alcool :
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déshydrate,
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déséquilibre les électrolytes (notamment sodium et potassium),
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ralentit la récupération musculaire,
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perturbe le sommeil,
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baisse la concentration et la coordination motrice.
Autrement dit : l’alcool handicape le corps précisément là où l’endurance réclame de la rigueur. Valoriser sa consommation dans le cadre d’un sport d’endurance — fût-ce avec humour — revient à envoyer un signal toxique aux jeunes générations.
💬 alcool trail : ce n’est pas une affaire de morale, c’est une affaire de cohérence
Le sport est une école de la rigueur, du dépassement de soi et du soin porté à son corps. Comment peut-on tolérer que la bière devienne un marqueur culturel de cette discipline ? Ce n’est pas être puritain que de s’en indigner : c’est simplement reconnaître qu’on ne célèbre pas une performance physique avec une substance qui la compromet.
Se détendre après une course ? Bien sûr. Mais pourquoi faudrait-il automatiquement que ce soit avec de l’alcool ? Pourquoi est-ce devenu un passage obligé ? S’il faut absolument une récompense à la ligne d’arrivée, pourquoi ne pas imaginer une boisson locale sans alcool, un stand de jus pressés, ou un massage récupératif ?
🍻 Une culture viriliste qui se cache derrière l’humour
Il y a aussi dans cette banalisation de l’alcool dans le sport quelque chose de profondément genré et viriliste. Se vanter d’avoir bu plusieurs bières la veille d’un semi, comme s’il s’agissait d’un exploit supplémentaire, relève du même registre que le « j’y vais au mental » ou « je cours sans entraînement ».
Comme le souligne une coureuse au sujet de « alcool trail » :
« Tu as déjà vu une nana se vanter de s’être mis une rasse la veille d’une course ? Il ne doit pas y en avoir beaucoup… La plupart des femmes, quand elles s’engagent dans quelque chose, elles le font sérieusement. »
Ce culte de l’insouciance, largement masculin, donne à l’alcool un rôle de défi viril — au détriment du bon sens. Il est temps de sortir de cette caricature et de reconnaître que la légèreté affichée masque souvent une réelle dépendance culturelle à l’alcool dans l’univers du sport.
📱 Les réseaux sociaux comme amplificateurs du problème
Aujourd’hui, 79 % des jeunes de 15 à 21 ans voient des publicités pour l’alcool chaque semaine sur les réseaux sociaux, selon une enquête d’Addictions France. Des milliers de publications d’influenceurs promeuvent l’alcool — parfois en lien avec des événements sportifs — sans respecter les critères de la loi Evin.
Face à cela, la sénatrice Marion Canalès souhaite déposer une proposition de loi pour créer une “Loi Evin 3.0”, afin d’interdire toute publicité pour l’alcool sur les réseaux sociaux, et notamment dans les contenus qui touchent les mineurs ou le sport.
🧨 Il est temps d’une clarification dans le trail
Le combat de fond est simple : sport et alcool n’ont rien à faire ensemble dans l’espace public. Si chacun est libre de boire chez soi, les ravitaillements alcoolisés, les inscriptions sponsorisées par des brasseries, et les finishers félicités au pinard doivent disparaître. Parce qu’ils banalisent un comportement à risque, dans un environnement qui doit précisément valoriser le soin, l’effort, la progression, et l’écoute de soi.
✅ alcool trail
Personne n’interdit de trinquer après une course. Mais que cela se fasse dans la sphère privée, pas dans l’organisation officielle. Car tant qu’on célébrera le sport avec de l’alcool, on enverra un message brouillé, viriliste, et fondamentalement hypocrite.
👉 Il faut interdire les courses sponsorisées par l’alcool.
👉 Il faut bannir les ravitaillements à la bière.
👉 Et surtout, il faut oser dire que sport et alcool ne font pas bon ménage — même si ça fâche le lobby du vin.