André Giraud avait succédé à Bernard Amsalem, maire emblématique du Val de Reuil depuis 1981, la “cité du bonheur”, à la présidence de la FFA, ce dernier ayant été au coeur de la polémique de la taxe sur le trail en 2015. Taxe contre laquelle François d’Haene s’était courageusement élevé, ainsi que contre la vision que la FFA comptait appliquer au monde du Trail running.
A l’occasion du Grand Raid, le nouveau président de la FFA, s’est rendu sur l’île de la Réunion pendant deux jours à l’issue desquels il a été interviewé par nos confrères de Clicanoo.
Ce qu’il dit en substance est très révélateur de la façon dont la FFA voit la discipline.
“Lorsque le phénomène trail est apparu en 2004-2005, on s’y est intéressé tout de suite. J’étais à l’époque vice-président et nous avons fait en sorte qu’il soit encadré” (Interview de André Giraud dans Clicanoo.re le 26 oct 2017)
“Encadré”. Tout est dit ou presque. L’Esprit Trail peut-il être encadré ? Dans une société déjà si fortement organisée, courir dans la nature n’est-ce pas le symbole d’un dernier espace de liberté qui doit subir le moins possible “d’encadrement” ?
“(…) les organisateurs. Eux comme nous avons intérêt à travailler ensemble.”
Il estime que les organisateurs ont intérêt à travailler avec la FFA.
Juste une question : si la Diagonale a effectivement intérêt à travailler avec la FFA, pourquoi ne l’a-t-elle pas faite pendant les 25 dernières années ?
La réponse devrait être limpide pour n’importe qui a du bon sens
Suite.
“Je pense qu’ils voient la Fédération comme quelqu’un qui veut leur piquer leur (à l’orga du GRR, NDLR) truc. Ce n’est pas le cas. Ce n’est pas le rôle d’une Fédération. Elle n’a pas vocation à organiser. Par contre, nous pouvons travailler ensemble intelligemment, sans chercher à récupérer quoi que ce soit, et tout le monde s’y retrouvera.”
C’est vrai la FFA n’organise pas au niveau opérationnel, elle régimente de part sa délégation de service public (notion qui mérite de plus ample précisions, justement) issu du code du sport.
Mais dire que la FFA ne cherche à récupérer quoique ce soit c’est, au mieux faire une argumentation commerciale, au pire mentir effrontément.
Récupérer ? Bien sûr qu’elle veut récupérer ! De l’argent, des licenciés (donc de l’argent), des champions, et puis continuer à faire vivre le système et satisfaire un besoin de contrôle politique.
“ Ce qui est paradoxal dans ces associations, c’est qu’elles ont besoin de bénévoles et que ces bénévoles viennent de nos clubs. Je vais être trivial mais ça veut dire que nos bénévoles servent la soupe à des commerciaux.”
Là on est borderline Mr le président. On passe au menaces Mr le Président de la FFA ?
Seriez-vous en train de dire que les organisateurs de trail ne pourraient plus bénéficier de bénévoles si la FFA y mettait du sien ? Ne vous en déplaise, les bénévoles n’appartiennent qu’à eux mêmes, ils sont libres décider à qui ils veulent servir la soupe.
Dire des bénévoles qu’ils “servent la soupe à des commerciaux” est insultant pour eux, pour tout le monde en fait. Un problème philosophique avec l’économie marchande ? Sans aucun doute. Le président de la FFA a eu raison de dire qu’il a été trivial à cet endroit.
“Quand nous avons voulu structurer cette discipline qui était nouvelle, nous nous sommes heurtés aux équipementiers. Nous étions une association face à des professionnels qui veulent faire des profits. Les pratiquants qui s’alignent avec eux se trompent.”
De quelle vision, la FFA, est-elle emprunte ? Tellement dogmatique, on dirait le slogan réducteur “nous valons mieux que vos profits” !
Quelle hypocrisie, quand on pense que les sponsors du championnat de France de Trail de Gerardmer 2017 organisé par la FFA sont des … entreprises privées, l’équimentier ASICS bién sûr, Mitsubishi, (au passage impliqué aussi comme d’autres constructeurs dans le scandale de la fraude au moteurs énergétiques, SFR (pratique de vente forcée épinglé par 60millions de consommateurs).
Et que dire de la FFA qui a été gérée comme une entreprise privée avec les sous publics ?
C’est tout un système en France : combien coûte à la collectivité l’organisation du sport en France et les émoluments des caciques qui en occupent les plus hauts organes ? On parle de DTN (Directeur Technique National) émargeant à plus 180,000 euros par an ! (pas forcément à la FFA). Combien vont couter les JO ?
Mais surtout cette façon de parler met tellement les visions en opposition qu’il va falloir faire preuve d’une grande intelligence pour réconcilier les points de vue.
Comment une fédération peut dire des pratiquants, qu’ils se trompent ? La FFA détient-elle donc la Vérité suprême ?
Kilian Jornet et François d’Haene champions des commerciaux, pour des gains financiers.
“Tous ceux qui ne participent pas aux championnats du monde, n’auront pas le titre officiel.”
(… Kilian Jornet et François d’Haene…) “Ils sont champions des commerciaux. Je suis persuadé que s’ils font ce choix, c’est qu’il y a un gain financier”
La République est souveraine dans l’attribution de ses médailles, personne n’a aucun problème avec ça, mais dire avec un certain mépris que seul le gain financier motive les champions du monde réél est insultant pour eux, heureusement que nous espérons que ces champions ont appris lors de leur longues courses de souffrance ce qu’est l’humilité pour ne pas surréagir à ce type d’attaques.
“Nous proposons donc un service complémentaire, avec un engagement modique, autour de 5-6 euros. “
Que dire… Pognon, pognon pognon… lorsque le système public se convertit aux méthodes du privé… pour vendre un système à bout de souffle.
“On doit expliquer, convaincre. C’est un travail de longue haleine. On a identifié les problèmes.”
C’est pas gagné, la tonalité de la FFA n’est pas engageante, ses intentions ne sont pas claires, et les problèmes ne sont pas tous identifiés. Mais si chacun est intelligent et garde son calme, on peut ouvrir des pistes de réflexion. C’est le but de cette série d’articles.
“Quand on voit les paysages de La Réunion, on comprend très bien pourquoi le trail s’y développe”
C’est là l’espoir.
C’est quand la beauté sublime le dogme. Quand, devant la beauté des cirques de la Réunion, un président d’une fédération d’athlétisme ne voit plus une arène où des athlètes luttent à mort contre d’autres athlètes, mais des amoureux d’une nature belle et immuable luttant contre eux mêmes pour faire le seul chrono qui vaille la peine, le leur, celui de finisher.
Pour finir le président de la FFA, en parlant des jeunes, soulève un point pertinent que la discipline a le devoir de développer “Mais physiologiquement, tout le monde n’est pas apte à faire du trail.”
Oui, on ne faut pas de l’ultra trail à 16-20 ans comme on en fait à 35-50 ans.
Il faut prévenir les problèmes de santé sur la population jeune. C’est une des pistes à explorer et développer.
Aussi dans ce sens, la course nature, chronométrée “pour la forme”, peut se rapprocher d’une pratique prophylactique (au bénéfice de la santé) et non pour les performances.
Mais c’est en cela tout un sujet sur la conception même du sport.
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Archibald Nosick
Anecdote historique : sous Louis XIII les chantiers navals battaient leur plein du côté atlantique. Un jour un grand chambellan arrive de Paris et dit au propriétaire des chantiers “c’est formidable, ça marche bien, vous faites plein de bateaux, vous faites plein d’emplois, que pouvons nous faire pour vous aider ?”. L’armateur répond : “Surtout, ne faites rien”.