Le trail, entre nature et dérives invisibles
Le trail s’écrit volontiers à la première personne, entre quête intérieure, paysages sublimes et dépassement de soi. Il se raconte avec le souffle court, les jambes lourdes, le regard plongé dans l’horizon. On y célèbre l’humilité face à la montagne, la solidarité des sentiers, la pureté de l’effort. Mais derrière cette façade noble, une ombre s’étire. Discrète, honteuse, mais bien réelle : l’usage de cocaïne.
Pas seulement en soirée, pas seulement dans des contextes festifs éloignés des dossards. Parfois même en lien direct avec la performance, le mental, le besoin de rester éveillé jusqu’au bout d’un ultra. Ce n’est pas un scoop, mais c’est un sujet rarement mis sur la table.
La cocaïne, une réalité silencieuse, mais connue dans le milieu du trail
Il ne s’agit ni d’un phénomène massif, ni d’un tabou absolu. Mais il est assez courant pour être évoqué à voix basse dans les rangs. Des coureurs, des kinés, des bénévoles, des organisateurs… Tous en ont entendu parler. Parfois parce qu’ils en ont été témoins. Parfois parce qu’ils ont dû gérer les conséquences.
Dans certains groupes d’entraînement, certains vestiaires, certaines afters, la cocaïne circule. Ce n’est pas une légende. Ce n’est pas une exagération. C’est une réalité, dont l’apparente banalité surprend même les acteurs les plus expérimentés.
Pourquoi cette drogue dans un sport d’endurance ?
La réponse est simple et inquiétante : elle est facile à trouver. Contrairement aux substances dopantes issues du sport pro, la cocaïne ne nécessite ni réseau structuré, ni connaissances médicales, ni micro-dosage précis. Elle se vend en ville, elle se consomme discrètement, elle se paie sans se ruiner.
Et comme beaucoup pensent qu’il suffit d’éviter d’en consommer pendant la course pour rester “dans les clous”, la frontière se brouille. Certains imaginent qu’ils contournent les risques. En réalité, ils les amplifient.
Les effets recherchés, les dangers ignorés
La cocaïne est redoutablement trompeuse. Elle donne l’illusion de dominer son corps. Elle offre un court sentiment de puissance, de lucidité, de courage. En trail, cela peut ressembler à un avantage : moins de peur en descente, plus de vigilance la nuit, moins de douleurs musculaires sur la fin d’un ultra.
Mais tout repose sur une illusion. Elle ne donne pas d’énergie : elle masque les signaux d’alerte. Elle ne supprime pas la douleur : elle brouille les récepteurs. Elle n’aide pas à mieux courir : elle empêche de sentir quand il faudrait s’arrêter. Dans une discipline où la lucidité sauve des vies, c’est une bombe à retardement.
Les idées reçues passées au crible de la physiologie
Moins peur en descente
Faux courage, vraie perte de discernement. Sur un sentier technique, perdre la prudence naturelle, c’est s’exposer au pire.
Plus d’énergie
Il ne s’agit pas d’un regain, mais d’une crise physiologique. Cœur accéléré, pression artérielle qui grimpe, sueur abondante, sensation de puissance… mais avec un organisme qui s’épuise en silence.
Anti-douleur
C’est le plus dangereux. Ne plus sentir la douleur ne veut pas dire qu’elle a disparu. C’est ignorer les signaux de surchauffe, courir sur des lésions, ignorer un malaise. Cela peut aller jusqu’au malaise cardiaque ou à la défaillance métabolique.
Pourquoi certains tombent-ils dans ce piège ?
Parce que le trail, malgré son image authentique, peut aussi générer une pression immense. Pression de performance. Pression sociale. Pression de montrer, partager, prouver. Courir pour exister, pour se dépasser, pour aller “toujours plus loin”. Avec, parfois, un surmenage mental qui pousse à chercher des raccourcis.
La cocaïne devient alors un levier. Pour tenir. Pour paraître solide. Pour oublier. Ce n’est presque jamais une décision consciente ou rationnelle. C’est souvent une dérive insidieuse, qui s’installe lentement, en silence.
Est-ce détectable en cas de contrôle ?
Oui. La cocaïne est formellement interdite par l’Agence Mondiale Antidopage. Elle est détectable, même si sa fenêtre de détection est plus courte que d’autres produits. Cette courte durée alimente le mythe de la “prise sans conséquence”. Grave erreur.
Car au-delà du risque de sanction, il y a le danger médical. Un traileur régulier qui consomme en dehors des courses met son système nerveux à rude épreuve : crashs hormonaux, dérèglements du sommeil, compulsions. Rien de compatible avec les exigences de l’endurance.
Un cocktail physiologique explosif
Les médecins du sport le martèlent : la cocaïne augmente les risques de tachycardie, de troubles du rythme, de thrombose, de coup de chaleur, de confusion mentale. Ajoutez-y une course de 20 à 30 heures, le manque de sommeil, la déshydratation, la chaleur, le stress… et vous obtenez un cocktail instable. Même chez des traileurs bien entraînés.
Il n’y a pas besoin de consommer “souvent” pour que le corps lâche. Une seule prise, dans un contexte défavorable, peut suffire.
Mort en course : et si on passait à côté d’une cause sous-estimée ?
Depuis plusieurs saisons, chaque décès brutal en course relance les mêmes réflexes : suspicion de chaleur excessive, de pathologie cardiaque préexistante, ou plus récemment, d’effets post-Covid ou post-vaccination. Ces hypothèses ont leur légitimité, appuyées par les données connues. Mais une autre piste, moins évoquée, mérite d’être mise sur la table : et si certaines morts en trail étaient liées à un usage méconnu de cocaïne ?
Ce n’est pas une généralité. Ce n’est pas une accusation. Mais dans un sport d’endurance extrême, où la fatigue, la déshydratation et le manque de sommeil fragilisent déjà l’organisme, la consommation de substances comme la cocaïne représente un facteur de risque réel — que ce soit en amont ou en marge de l’événement.
Les médecins du sport le savent : cette drogue peut provoquer des troubles du rythme, des hausses violentes de la fréquence cardiaque, une mauvaise perception de la douleur et une altération du jugement. Des effets qui, combinés à l’effort extrême d’un ultra, peuvent s’avérer tragiques.
Il ne s’agit pas d’écarter les causes les plus fréquentes. Il s’agit d’ouvrir le champ d’analyse. Et de poser toutes les questions, même celles que l’on n’ose pas formuler d’habitude.
Pourquoi en parler, et pourquoi maintenant
Parce que le silence entretient le flou. Parce que certains coureurs croient encore que “chez nous, ça n’existe pas”. Parce que des signes inquiétants remontent des secours en montagne. Parce que protéger le trail, c’est aussi ouvrir les yeux sur ce qui le met en danger.
En parler, ce n’est pas salir le sport. C’est refuser que des vies soient mises en péril au nom de l’adrénaline.
Retrouver l’esprit du trail
Le trail, ce n’est pas la toute-puissance. C’est l’attention à soi. C’est le respect du corps, des autres, du terrain. Ce sont les sensations brutes, l’épreuve lente, les alertes subtiles que seuls les coureurs entraînés savent écouter : la faim, le froid, la peur, la fatigue.
C’est précisément tout ce que la cocaïne efface.
🟩 Besoin d’aide ? Voici les numéros utiles en France
Si vous êtes concerné(e) par une consommation de cocaïne ou d’autres substances, ou si vous vous posez simplement des questions, plusieurs dispositifs d’écoute et d’accompagnement existent. Tous sont gratuits, anonymes et sans jugement.
- Drogues Info Service : 0 800 23 13 13 — 7 j/7 de 8h à 2h
- Alcool Info Service : 0 980 980 930 — 7 j/7
- Fil Santé Jeunes (jusqu’à 25 ans) : 0 800 235 236 — écoute, conseils, orientation
- CSAPA : Centres de soins en addictologie — prise en charge gratuite et confidentielle, près de chez vous
Vous pouvez aussi poser vos questions ou trouver un centre sur le site www.drogues-info-service.fr.
Informations gouvernementales














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Précision importante sur nos sources
Les éléments abordés dans cet article ne s’appuient pas sur une étude scientifique ni sur des données épidémiologiques publiées. Ils proviennent d’une observation du terrain, de retours informels, de discussions répétées avec des acteurs du milieu (coureurs, bénévoles, kinés, organisateurs), et de constats partagés au fil des années sur plusieurs événements.
Cette approche n’a pas vocation à établir une vérité absolue. Elle vise simplement à faire remonter des signaux faibles, à poser des questions que d’autres ne posent pas encore, et à nourrir la réflexion collective autour des risques émergents dans le trail d’aujourd’hui.
Mention éditoriale
Cet article vise à informer, alerter et prévenir. Il ne cible aucune personne, aucun groupe, et ne suppose aucun comportement individuel. L’usage de drogue est interdit, dangereux, et en totale contradiction avec l’esprit du trail comme avec les règles antidopage en vigueur.





